Le 31 mars 2011, la Cour d’appel du Québec a rendu une décision 4-1 concluant que le projet de Loi sur les valeurs mobilières du Canada (LMMC) est inconstitutionnel. 1 La décision majoritaire fait écho à la récente décision de la Cour d’appel de l’Alberta, qui a également conclu que les ACVM dépassaient la compétence fédérale. 2 Toutefois, le juge Dalphond de la Cour d’appel du Québec a exprimé sa dissidence, concluant que la CSA est constitutionnelle. Aucune de ces décisions n’est le dernier mot sur la question : la Cour suprême du Canada doit entendre les arguments sur les ACVM les 13 et 14 avril 2011 et déterminera ultimement sa constitutionnalité. Il reste à voir si elle adoptera la position de la Cour d’appel de l’Alberta et de la majorité de la Cour d’appel du Québec en concluant que les ACVM sont inconstitutionnelles, ou si elle sera d’accord avec les points de vue du juge Dalphond et conclura que les ACVM relèvent de la compétence fédérale.
Historique
En mai 2010, le gouvernement du Canada a publié le projet de LICC, qui prévoit l’harmonisation des lois provinciales et territoriales existantes en une seule loi fédérale et crée un organisme national de réglementation des valeurs mobilières. En même temps qu’il a libéré le CSA, le gouvernement fédéral a renvoyé la question de sa constitutionnalité à la Cour suprême. Peu de temps après, les gouvernements de l’Alberta et du Québec ont soumis des questions de renvoi similaires à leurs cours d’appel respectives, et les deux cours ont jugé les ACVM inconstitutionnelles. Trois jugements distincts ont été rendus par la Cour d’appel du Québec : l’un du juge en chef Robert, l’autre des juges Forget, Bich et Bouchard, et la dissidence du juge Dalphond.
La Loi constitutionnelle de 1867 répartit certains pouvoirs entre les gouvernements provincial et fédéral. La question juridique dans tous les renvois est de savoir si les ACVM relèvent d’un chef de compétence provincial ou fédéral. Les provinces ont traditionnellement eu compétence sur la réglementation de l’industrie des valeurs mobilières sous leur chef de compétence « en matière de propriété et de droits civils ». Mais le gouvernement fédéral a fait valoir qu’il avait compétence en fonction de son chef de compétence « d’échanges et de commerce ».
La décision majoritaire
Les juges majoritaires de la Cour d’appel du Québec ont d’abord qualifié le « caractère véritable » des ACVM : le juge en chef Robert l’a défini comme la réglementation de la négociation de valeurs mobilières, et les trois autres juges ont conclu qu’il s’agit de la réglementation des participants aux marchés des valeurs mobilières et de la réglementation de l’information sur ces marchés. 3 Les juges majoritaires ont conclu que, de par leur caractère véritable, il n’était pas possible de distinguer les ACVM de façon significative des lois provinciales sur les valeurs mobilières. Le gouvernement fédéral a soutenu que certains facteurs qualifiaient les ACVM de fédérales. Par exemple, le marché des valeurs mobilières est devenu de nature interprovinciale et internationale, et le commerce des valeurs mobilières s’est maintenant dématérialisé. Toutefois, les juges majoritaires ont conclu que ces facteurs ne changent pas le caractère véritable de la loi.
Après avoir déterminé le caractère véritable, la majorité s’est demandé si l’ASC relevait du chef du pouvoir général fédéral des « échanges et du commerce ». Dans des décisions antérieures4, la Cour suprême du Canada a énoncé cinq facteurs qui sont révélateurs de la législation validement adoptée sous le chef de pouvoir des échanges et du commerce :
- la loi fait partie d’un régime général de réglementation;
- le régime est surveillé par la surveillance continue d’un organisme de réglementation;
- la législation porte sur le commerce dans son ensemble plutôt que sur une branche de production particulière;
- la loi est d’une nature que les provinces, conjointement ou solidairement, seraient constitutionnellement incapables d’adopter; et
- le fait de ne pas inclure une ou plusieurs provinces dans un régime législatif compromettrait le bon fonctionnement du régime dans d’autres régions du pays.
À l’ind avis de la Cour d’appel de l’Alberta, les juges majoritaires ont conclu que les ACVM ne satisfaisaient pas aux trois derniers facteurs. Premièrement, la majorité a conclu que même si les ACVM cherchent à protéger et à promouvoir l’accès de tous les Canadiens et des entreprises canadiennes aux marchés financiers, elles ne réglementent pas les échanges et le commerce en général, mais seulement une branche particulière du commerce (c.-à-d. les valeurs mobilières). Deuxièmement, les juges majoritaires ont conclu qu’il était clair que les provinces avaient le pouvoir constitutionnel d’adopter le régime et qu’elles réglementaient efficacement l’industrie depuis des décennies. Enfin, les juges majoritaires ont conclu qu’il y avait une contradiction inhérente à la LMMC : le défaut d’inclure une province dans le régime ne pouvait pas la compromettre parce que la LMMC elle-même prévoit une disposition d’adhésion (les provinces doivent adhérer au régime national).
Les juges Forget, Bich et Bouchard ont également examiné la doctrine du double aspect, qui reconnaît que le chevauchement des lois fédérales et provinciales peut être constitutionnel. Dans une telle situation, la loi fédérale l’emporterait en fonction de la doctrine de la prépondérance. Toutefois, ils ont conclu que la doctrine du double aspect ne pouvait pas s’appliquer, car la législation provinciale et les ACVM tentent de réglementer le même marché des valeurs mobilières et les mêmes participants à ce marché de la même manière. La doctrine du double aspect ne s’appliquait pas dans cette situation et reviendrait à créer un nouveau champ de compétence concurrent, ce qui n’est pas conforme à la Loi constitutionnelle de 1867. La Cour d’appel de l’Alberta est arrivée à une conclusion semblable.
Les juges majoritaires ont donc conclu que les ACVM ne relevaient pas d’un chef de compétence fédéral et qu’elles étaient inconstitutionnelles (à l’exception de quelques dispositions qui étaient valides en vertu du pouvoir du gouvernement fédéral en matière de droit criminel). Toutefois, contrairement à la Cour d’appel de l’Alberta, la Cour d’appel du Québec n’a pas été unanime dans cette conclusion; Le juge Dalphond était dissident.
La dissidence
Le juge Dalphond a qualifié le caractère véritable d’un peu différemment de la majorité : la réglementation de tous les participants à un marché des capitaux qui est devenu un marché pancanadien unique, intégré et caractérisé par des transactions principalement interprovinciales et internationales. Bien que la majorité ait mis l’accent sur le fait que les provinces ont toujours réglementé le secteur des valeurs mobilières, le juge Dalphond a déclaré que la validité des ACVM devait être déterminée sans tenir compte des lois provinciales existantes. La décision du juge Dalphond souligne que l’industrie des valeurs mobilières n’est pas exclusivement provinciale; à l’époque de la Loi constitutionnelle de 1867, l’industrie des valeurs mobilières en était à ses balbutiements et n’est donc même pas un sujet de fond visé par la Loi constitutionnelle de 1867. Bien que l’évolution des lois provinciales sur les valeurs mobilières démontre que les provinces ont entrepris de réglementer un certain nombre d’aspects des marchés financiers, le juge Dalphond a fait remarquer que le gouvernement fédéral a également pris cette direction. Par l’entremise des chefs de compétence du secteur bancaire et du droit fédéral des sociétés, le gouvernement fédéral a adopté de plus en plus de dispositions concernant les actionnaires, la prise de contrôle de sociétés, l’acquisition forcée d’actions, et ainsi de suite. Le juge Dalphond a déclaré que, essentiellement, le gouvernement fédéral a graduellement développé la réglementation fédérale des valeurs mobilières et que les ACVM sont le résultat ultime de ce mouvement.
Dans ce contexte, et notant que la possibilité pour le gouvernement fédéral d’adopter une réglementation générale des valeurs mobilières n’a jamais été exclue par la Cour suprême, le juge Dalphond a conclu que le critère du pouvoir général en cinq parties en matière d’échanges et de commerce était satisfait par les ACVM :
- les ACVM ne cherchent pas à réglementer une transaction locale ou une industrie en particulier, mais plutôt tous les participants aux marchés financiers canadiens;
- conclure que les ACVM ne se préoccupent pas du commerce dans son ensemble serait stériliser le pouvoir général en matière d’échanges et de commerce;
- le fait que les provinces peuvent réglementer (et ont réglementé) de nombreux aspects du marché des valeurs mobilières n’est pas déterminant – la question est de savoir si les ACVM peuvent réaliser des choses que la réglementation provinciale ne peut pas faire; et
- bien que la majorité ait conclu que l’existence de la disposition d’adhésion opt-in était fatale pour les ACVM, toutes les provinces accepteront probablement ou adopteront des dispositions similaires à celles de la loi fédérale, ce qui se traduira par un système uniforme de réglementation dans l’ensemble du pays.
Contrairement à la majorité (et à la Cour d’appel de l’Alberta), le juge Dalphond a conclu que les ACVM ne sont pas une tentative de prendre le contrôle d’un pouvoir provincial, mais plutôt une conséquence juridique normale de la transformation des marchés financiers canadiens, qui sont devenus intégrés, de nature interprovinciale et internationale. À ce titre, le juge Dalphond aurait conclu que les ACVM relevaient de la Constitution en vertu du pouvoir fédéral en matière de commerce.
Ronde III : La Cour suprême du Canada
Cette décision et la décision antérieure de la Cour d’appel de l’Alberta constituent un bon cadre pour le renvoi à la Cour suprême. Les principales questions semblent être les suivantes : quel est le caractère véritable de la CSA? les ACVM satisfont-ils au critère juridique du pouvoir fédéral en matière d’échanges et de commerce?; et la doctrine du double aspect s’applique-t-elle?
Bien que les décisions du Québec et de l’Alberta ne lient pas la Cour suprême, elles sont importantes en ce qu’elles démontrent comment les ACVM peuvent être qualifiées de relevant de la compétence provinciale. Il ne fait aucun doute que les parties qui s’opposent aux ACVM s’appuieront sur ces décisions. Toutefois, les motifs dissidents du juge Dalphond offrent un autre point de vue. Son approche met davantage l’accent sur la nature pancanadienne et internationale du commerce des valeurs mobilières, plutôt que sur l’approche plus étroite observée dans les autres jugements, et le gouvernement fédéral s’appuiera sans aucun doute, en partie, sur cette qualification de la loi. La ronde finale demeure devant la Cour suprême.
Remarques :
- 2011 QCCA 591.
- Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières (Canada), 2011 ABCA 77.
- La Cour d’appel de l’Alberta a conclu que le caractère véritable des ACVM est « la réglementation des participants aux marchés financiers publics au Canada et aux opérations liées à la mobilisation de capitaux ».
- Voir General Motors c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641.
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