Écrit par David Wahl, Vasilis Pappas, Artem Barsukov and Chelsea Tolppanen
Dans la récente décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Husky Food Importers & Distributors Ltd. c. JH Whittaker & Sons Limited, 2023 ONCA 260, la Cour s’est penchée sur la question de savoir quelle norme de preuve une partie devrait respecter pour établir qu’il existe une convention d’arbitrage, de sorte qu’une suspension d’une instance judiciaire devrait être accordée et que le différend devrait être soumis à l’arbitrage en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’arbitrage commercial international de l’Ontario. La Cour a conclu que la norme de preuve applicable est celle de la « cause défendable », qui est inférieure à la norme ordinaire de la prépondérance des probabilités, conformément à l’opinion dominante en Ontario selon laquelle il faut faire preuve de retenue à l’égard des conventions d’arbitrage et de la compétence des tribunaux arbitraux pour déterminer leur propre compétence.
Historique
L’entente de distribution non signée
Husky Food Importers & Distributors Ltd. (Husky Food), une entreprise de l’Ontario, et JH Whittaker & Sons Limited (JH Whittaker), un fabricant de chocolat néo-zélandais, ont conclu une entente de distribution initiale en vertu de laquelle Husky Food importait, distribuerait et commercialiserait les produits de JH Whittaker au Canada. Husky Food et JH Whittaker ont cherché à négocier un accord de distribution officiel, à long terme et exclusif. Les parties ont échangé des ébauches d’une entente de distribution vers la fin des négociations. Une version finale n’a jamais été signée. Les projets de l’accord de distribution comprenaient la clause compromissoire suivante:
Où le Client est situé en dehors de la Nouvelle-Zélande, tout litige, controverse ou réclamation découlant de ou en relation avec ces Conditions, ou toute question concernant son existence, sa violation, sa résiliation ou son invalidité, sera renvoyé au Centre d’arbitrage international de Nouvelle-Zélande pour arbitrage conformément à la loi néo-zélandaise sur l’arbitrage 1996. Cet arbitrage est également le suivant:
le nombre d’arbitres sera: un;
le lieu de l’arbitrage sera: Wellington, Nouvelle-Zélande; et
la langue de l’arbitrage sera: Anglais.
Il y avait des preuves que Husky Food a accepté cette clause d’arbitrage, y compris que dans sa déclaration, Husky Food a plaidé que [traduction] « [d]ans un long processus de négociation, Husky et JHW sont parvenus à un accord sur toutes les conditions importantes en date du 15 mai 2020 ».
Action de Husky Food devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario
Un différend concernant la rupture de contrat a surgi entre les parties et Husky Food a intenté une action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario contre JH Whittaker, faisant valoir que les parties s’étaient entendues sur toutes les conditions importantes de l’accord de distribution et que JH Whittaker avait manqué à ses obligations en vertu de cette entente.
JH Whittaker a demandé de suspendre l’action de Husky Food en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’arbitrage commercial international de l’Ontario, qui stipule ce qui suit :
Where, conformément à l’article II-3 de la Convention [de New York] [sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères] ou à l’article 8 de la Loi type [de la CNUDCI] [sur l’arbitrage commercial international], un tribunal renvoie les parties à l’arbitrage, la procédure de la cour est suspendue en ce qui concerne les questions auxquelles l’arbitrage se rapporte.
Le paragraphe 3 de l’article II de la Convention de New York dispose à son tour que « lorsqu’il est saisi d’une action dans une affaire pour laquelle les parties ont conclu un accord [d’arbitrage], [le tribunal] doit, à la demande de l’une des parties, renvoyer les parties à l’arbitrage ... ». De même, l’article 8 de la Loi type de la CNUDCI dispose qu'"[un] tribunal devant lequel une action est intentée dans une affaire qui fait l’objet d’une convention d’arbitrage doit, si une partie le demande ... renvoyer les parties à l’arbitrage ... ».
En effet, l’ensemble de la Loi de l’Ontario sur l’arbitrage commercial international, de la Convention de New York et de la Loi type de la CNUDCI exigent qu’un tribunal national saisi d’un différend soumis à une convention d’arbitrage (1) sursis aux procédures judiciaires concernant un tel différend et (2) renvoie le différend à l’arbitrage conformément à la convention d’arbitrage.
En réponse à la requête de JH Whittaker visant à suspendre les procédures, Husky Food a adopté la position qu’elle n’a jamais accepté d’arbitrer les différends qui pourraient survenir en vertu de l’accord de distribution.
Le juge saisi de la requête a conclu que la norme de preuve applicable pour prouver l’existence d’une convention d’arbitrage est une « cause défendable » et que JH Whittaker avait satisfait à cette norme sur les faits. Par conséquent, le juge saisi de la requête a accordé la suspension et a renvoyé l’affaire à l’arbitrage.
Husky Food a interjeté appel devant la Cour d’appel de l’Ontario pour les deux motifs suivants :
- le juge saisi de la requête a commis une erreur en concluant qu’un tribunal devrait accorder un sursis lorsqu’on peut soutenir l’existence d’une convention d’arbitrage; et
- le juge saisi de la requête a commis une erreur manifeste et dominante en concluant qu’il était défendable, d’après le dossier, qu’il existait une entente d’arbitrage entre Husky Food et JH Whittaker.
La décision de la Cour d’appel de l’Ontario
La norme de preuve applicable
Il y a deux éléments communs aux dispositions de suspension dans la législation provinciale sur l’arbitrage : (1) les conditions techniques préalables à une suspension obligatoire des procédures judiciaires, et (2) les exceptions légales à une suspension obligatoire des procédures judiciaires.
Comme la Cour suprême du Canada l’a fait remarquer dans l’arrêt Peace River Hydro Partners c. Petrowest Corp., 2022 CSC 41 [Peace River], la législation provinciale sur l’arbitrage contient généralement quatre conditions techniques pertinentes pour un sursis :
- il existe une convention d’arbitrage;
- une procédure judiciaire a été engagée par une « partie » à la convention d’arbitrage;
- les procédures judiciaires portent sur une question que les parties sont convenues de soumettre à l’arbitrage; et
- la partie qui demande un sursis en faveur de l’arbitrage le fait avant de prendre toute « mesure » dans la procédure judiciaire.
La Cour d’appel de l’Ontario a statué que, bien que le cadre de Peace River ait été élaboré dans le contexte de la législation nationale sur l’arbitrage, il s’applique également aux sursis demandés en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’arbitrage commercial international.
Husky Food a soutenu qu’une partie qui demande la suspension doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existe une convention d’arbitrage. S’appuyant sur la décision de la CSC dans l’affaire Peace River, la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que le juge saisi de la requête avait eu raison d’appliquer la norme inférieure de savoir s’il était possible de soutenir l’existence d’une convention d’arbitrage.
La Cour d’appel de l’Ontario a statué que si toutes les conditions techniques préalables sont remplies, la disposition de suspension obligatoire est en jeu et la cour devrait alors passer au deuxième élément de l’analyse, qui concerne les exceptions légales à l’octroi d’un sursis. Les questions relevant du deuxième volet n’ont pas été soulevées en l’espèce.
L’existence d’une convention d’arbitrage était défendable au dossier
Husky Foods a fait valoir que le juge saisi de la requête [traduction] « a expressément ignoré certains faits importants qui démontrent clairement que Husky n’a pas accepté de soumettre les différends à l’arbitrage.La Cour d’appel de l’Ontario n’a constaté aucune erreur de la part du juge saisi de la requête. Le dossier dont disposait le juge saisi de la requête contenait des éléments de preuve démontrant que Husky Foods avait accepté de soumettre les différends à l’arbitrage, ce qui, selon la Cour d’appel de l’Ontario, appuyait pleinement les conclusions du juge saisi de la requête selon lesquelles :
[T]here is evidence here that the Terms did come to Husky’s attention. Whittaker’s a envoyé les conditions contenant la clause d’arbitrage à Husky. Comme indiqué, Husky s’est ensuite engagé avec les Conditions en sélectionnant les jours de paiement et en supprimant les modifications de piste dans les Conditions. Il a laissé la clause compromissoire en place.
La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’appel, a confirmé la suspension des procédures judiciaires en faveur de l’arbitrage et a accordé à JH Whittaker des frais d’un montant de 30 000 $.
Principaux points à retenir
La norme de preuve pour déterminer si une convention d’arbitrage existe en Ontario en vertu de la législation nationale et internationale sur l’arbitrage est la norme de la « cause défendable », qui est inférieure à la norme de la prépondérance des probabilités. Cela signifie que même lorsque les parties n’exécutent pas un accord écrit formel, elles peuvent se retrouver devant un tribunal arbitral pour résoudre un différend.
Il est important de comprendre que la discussion et l’autorité ci-dessus ne s’appliquent qu’à l’Ontario et que les règles régissant la norme de preuve pour déterminer s’il existe une convention d’arbitrage peuvent être différentes dans d’autres provinces du Canada.
Ce qui précède souligne l’importance d’obtenir des conseils d’experts à la fois lors de la rédaction de clauses de règlement des différends pour les accords commerciaux et lorsqu’ils sont impliqués dans une procédure d’arbitrage. Pour discuter de vos besoins spécifiques et pour recevoir des conseils sur mesure, veuillez contacter le Bennett Jones International Arbitration group.
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