Deux articles ont récemment retenu notre attention : Canada’s Fintechs Are Surging—Against All Odds1 et Fintech's AI Premium2.
Dans le premier, on affirme que [traduction] « le financement des technologies financières a connu un meilleur sort au [Canada] que sur le marché mondial l’année dernière, où les investissements ont chuté, et que d’autres pans de l’industrie, comme les technologies propres, qui peinent encore à mobiliser des capitaux au pays ». Dans le deuxième, on fait remarquer que [traduction] « les sociétés de technologies financières qui se servent de l’IA valent 242 % plus cher à leurs débuts ».
Ces articles reflètent l’optimisme qui règne dans ce secteur globalement très prometteur. Quels sont les développements récents au Canada qui pourraient le propulser encore davantage (ou le freiner)?
- Cadre législatif pour un système bancaire ouvert (services bancaires axés sur les consommateurs) : Dans son budget de 2024, le gouvernement canadien a annoncé son intention de mettre en place un système bancaire axé sur les consommateurs. Lisez notre article pour en savoir plus sur ses propositions. En juin dernier, la commissaire de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada a confirmé que l’instauration d’un système bancaire ouvert au Canada demeurait une priorité, mais qu’aucun échéancier n’a été présenté. Évidemment, l’arrivée d’un tel système ferait bien l’affaire des sociétés de technologies financières au Canada.
- Légitimation des plateformes de négociation de cryptoactifs : Les autorités canadiennes en valeurs mobilières ont récemment commencé à autoriser des plateformes de négociation de cryptoactifs à s’inscrire et à exercer des activités au Canada. Il s’agit d’un énorme changement au pays, et d’un accélérateur pour la cryptomonnaie, un secteur qui bénéficierait davantage d’une législation ciblée. L’élan que connaît actuellement la cryptomonnaie stable à l’échelle mondiale (dont nous discutons ci-après) mènera peut-être à des avancées dans le secteur canadien de la cryptomonnaie.
- Encadrement législatif de l’intelligence artificielle : Comme l’indique l’article Fintech's AI Premium cité plus haut, l’IA sera un ingrédient clé pour nombre de solutions dans les technologies financières. Malheureusement, la Loi sur l’intelligence artificielle et les données (la LIAD) que le Canada voulait adopter n’a finalement pas vu le jour, victime d’une réception turbulente et de critiques virulentes. Le temps nous dira peut-être que cet échec était en fait une bonne chose. Blair Attard-Frost fait valoir un argument convaincant dans un article rédigé pour le Montreal AI Ethics Institute : [traduction] « En l’absence d’une réglementation nationale claire et efficace sur l’IA, il est toujours possible pour les Canadiens de réglementer les systèmes d’IA à plus petite échelle. Des associations professionnelles, des syndicats et des organismes communautaires du Canada et d’ailleurs ont déjà créé des politiques, des lignes directrices et des pratiques exemplaires pour l’encadrement de ces systèmes d’IA dans les lieux de travail et les collectivités3. » Reste que le Canada devrait tenter à nouveau d’adopter une loi nationale sur l’IA pour favoriser l’innovation et l’investissement dans ce secteur, notamment en lien avec les technologies financières qui utilisent l’IA.
- Système de paiement en temps réel : Un nouveau système conçu pour permettre l’exécution quasi instantanée d’opérations financières au Canada est en cours de développement : le système de paiement en temps réel (ou système de PTR). À l’instar du système bancaire ouvert, cette infrastructure devrait avoir un effet catalyseur sur les technologies financières au Canada.
Les points qui précèdent ne forment pas une liste exhaustive des facteurs de l’écosystème canadien des technologies financières qui influeront sur la trajectoire du secteur. Bonne nouvelle : il semblerait qu’on se dirige vers une réglementation et une infrastructure qui favoriseront les technologies financières au Canada. Moins bonne nouvelle : le rythme de leur maturation ne suit pas celui de l’évolution des technologies financières.
La loi GENIUS et le contexte canadien des cryptomonnaies stables
La nouvelle Guiding and Establishing National Innovation for US Stablecoins Act (la loi GENIUS) établit un cadre réglementaire fédéral complet aux États-Unis pour l’émission et la distribution de cryptomonnaies stables adossées à une monnaie fiduciaire. L’un de ses principaux objectifs est de faciliter et d’encourager l’utilisation élargie de cryptomonnaies stables dans les opérations de paiement américaines et internationales. En clarifiant le cadre réglementaire aux États-Unis entourant l’utilisation de cryptomonnaies stables dans des opérations de paiement, elle a donné une impulsion à cette industrie, qui connaît une importante croissance.
La loi GENIUS qualifie notamment d’instruments de paiement (plutôt que de titres, de dérivés ou de marchandises) les cryptomonnaies stables adossées à une monnaie fiduciaire qui respectent ses exigences en matière de réserve, de communication d’information et de protection du consommateur. De son côté, l’Avis 21-333 du personnel des ACVM, Plateformes de négociation de cryptoactifs : conditions applicables à la négociation de cryptoactifs arrimés à une valeur avec des clients4, entre autres choses, range la plupart de ces actifs dans la catégorie des titres ou des dérivés pour les besoins de la réglementation canadienne. Cette position contribue au fait que peu de cryptomonnaies stables ont été adoptées et utilisées comme instruments de paiement au Canada.
L’adoption de la loi GENIUS représente un important changement de cap par rapport à la position que préconisaient les États-Unis sous l’administration Biden. L’approche américaine s’harmonise maintenant plutôt bien avec celle de l’Union européenne : les deux estiment que les cryptomonnaies stables utilisées comme instruments de paiement ne sont pas des titres du point de vue de la réglementation. Cette approche réglementaire prudentielle devrait continuer à gagner du terrain : d’autres pays, dont la Chine, le Japon et la Corée du Sud5, songent déjà à adopter des positions similaires. Ces développements et l’adoption progressive des cryptomonnaies stables dans les transactions commerciales internationales forceront certainement le Canada et d’autres pays où ces cryptoactifs sont principalement réglementés selon la législation en valeurs mobilières à revoir leur approche. À notre avis, aucune raison valable ne justifie que les lois canadiennes sur les cryptomonnaies stables s’écartent de ce consensus international qui émerge.
1Claire Bothwell – The Logic – 25 mars 2025
2 PitchBook – 17 juillet 2025
3 https://montrealethics.ai/the-death-of-canadas-artificial-intelligence-and-data-act-what-happened-and-whats-next-for-ai-regulation-in-canada/
4 Autorités canadiennes en valeurs mobilières, « Avis 21-333 du personnel des ACVM, Plateformes de négociation de cryptoactifs : conditions applicables à la négociation de cryptoactifs arrimés à une valeur avec des clients » (octobre 2023) en ligne : Autorités canadiennes en valeurs mobilières
5 Reuters, « Exclusive: China considering yuan-backed stablecoins to boost global currency usage, sources say » (20 août 2025) en ligne : Reuters























