Une récente décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario fournit des indications utiles aux employeurs de la province à propos de la norme d’enquête en milieu de travail dans le contexte d’un licenciement motivé. La Cour fournit également des commentaires pertinents sur les réclamations pour dommages moraux et dommages-intérêts au titre de la rémunération variable.
Dans l’affaire Arora v. ICICI Bank of Canada, 2024 ONSC 4115 la Cour a confirmé le principe bien établi selon lequel les employés faisant l’objet d’une enquête disciplinaire n’ont pas un droit absolu à une enquête menée selon un format particulier – pour les employeurs, la perfection n’est pas la norme en matière d’enquête. Même si l’enquête n’est pas parfaite, elle peut tout de même justifier un licenciement motivé, car les lacunes relevées concernent la valeur probante de la preuve et non la question fondamentale de savoir s’il existe un motif de licenciement.
M. Arora travaillait pour la banque depuis 15 ans, occupant en dernier lieu le poste de vice-président adjoint, jusqu’à son licenciement motivé en raison de manquements à ses devoirs et obligations envers son employeur, notamment pour avoir fait concurrence à la banque et divulgué des renseignements confidentiels.
Avant l’enquête, le programme interne de prévention des fuites de données de la banque a signalé une possible fuite de données, notamment la communication d’information de nature délicate et d’autres violations découlant des courriels de M. Arora. La banque a donc déclenché une enquête,
au cours de laquelle, M. Arora a été convoqué à une réunion, apparemment pour « discuter de son travail ». Toutefois, sans que M. Arora en soit averti, la réunion s’est déroulée avec des professionnels des ressources humaines qui l’ont interrogé sur les problèmes signalés par le programme de prévention des fuites de données. Lorsqu’il a été informé des allégations, M. Arora a manqué de transparence quant à ses activités et a omis de clarifier par écrit les incohérences à la suite de la réunion d’enquête. Il a ensuite été licencié avec motif.
M. Arora a déposé une plainte pour licenciement injustifié, alléguant que l’enquête était entachée d’irrégularités pour deux raisons :
En fin de compte, la Cour a confirmé le licenciement motivé et a rejeté la demande de M. Arora. Même en l’absence d’antécédents disciplinaires, la Cour a conclu que les manquements de M. Arora portaient atteinte aux assises mêmes de la relation d’emploi, en contravention des obligations fondamentales de loyauté, d’honnêteté et de bonne foi.
Dans ses motifs, la Cour a déclaré que l’enquête de la Banque était adéquate, confirmant ceci :
La Cour a rejeté la demande de M. Arora pour dommages moraux (c.-à-d. l’indemnisation des employés pour le préjudice ou les dommages subis en raison du comportement de l’employeur). Bien que la Cour ait estimé que certains agissements de la banque après le licenciement — notamment les pressions exercées sur M. Arora pour qu’il accepte un règlement comportant une clause restrictive excessivement large, les menaces liées aux dépens et le dépôt d’une demande reconventionnelle (abandonnée à la veille du procès) — allaient au-delà de simples « tactiques procédurales », elle a refusé d’accorder des dommages moraux, estimant que la question relevait plutôt de l’attribution des dépens.
La Cour fournit également des commentaires utiles aux employeurs sur le traitement de la rémunération variable dans le contexte d’un licenciement. La Cour a rejeté la demande de M. Arora concernant sa prime et ses droits de participation au capital, estimant que les documents contractuels applicables prévoyaient expressément l’exclusion de ces droits en cas de licenciement motivé. Selon le manuel de l’employé, seuls les employés actifs à la date du versement étaient admissibles. Le régime d’options d’achat d’actions précise que, en cas de licenciement motivé, défini comme « tout acte préjudiciable aux intérêts de la Banque », l’acquisition d’options prend fin immédiatement et les options acquises, mais non exercées cessent d’être exerçables et expirent sur-le-champ.
Cette décision vient rappeler aux employeurs que la perfection en matière d’enquête en milieu de travail n’est pas la norme. L’enquête doit plutôt être centrée sur l’obtention des renseignements et de la preuve nécessaires pour prendre une décision pertinente. Le manquement d’un employé, s’il est suffisamment grave, peut constituer un motif légitime de licenciement, même en l’absence d’une enquête adéquate.
L’affaire souligne également que les employés ont un rôle à jouer dans le bon déroulement du processus d’enquête et ont un devoir de loyauté, d’honnêteté et de bonne foi envers leurs employeurs dans le cadre de leur emploi (même s’ils ne sont pas considérés comme des fiduciaires). En cas de manquement à ces obligations essentielles, l’employeur peut être fondé à mettre fin à l’emploi.
Si vous avez des questions au sujet de cette décision, ou si nous pouvons vous aider à conseiller votre entreprise sur des questions similaires ou d’autres questions liées à l’emploi, ou encore si vous souhaitez obtenir d’autres renseignements, veuillez communiquer avec l’un des auteurs ou un autre membre du groupe Droit du travail et de l’emploi de Bennett Jones.