La semaine dernière, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire Behn c. Moulton Contracting Ltd., 2013 CSC 26. L’affaire énonce certains principes importants qui peuvent être pertinents pour ceux qui exercent des activités dans des domaines où les préoccupations des Autochtones ou des Premières nations pourraient donner lieu à un risque d’obstacles ou d’autres activités d’obstruction.
À Behn, le ministère des Forêts de la Colombie-Britannique (MOF) a accordé des autorisations – deux permis de coupe du bois et un permis routier – à Moulton Contracting Ltd. Le MOF a consulté la Première Nation de Fort Nelson (PNPN) et les membres individuels des PNFN dont les terrains de trappage ont été touchés par les autorisations, y compris George Behn. Le MOF a envoyé à M. Behn plusieurs lettres lui fournissant un avis des autorisations ainsi qu’un avis du calendrier des opérations de Moulton. M. Behn a par la suite écrit au MOF pour demander que les autorisations soient annulées et demander des consultations. Moulton a alors commencé à déplacer son équipement dans le secteur, et M. Behn et sa famille ont érigé un barrage routier peu de temps après.
Moulton a intenté une action contre les Behn, le chef de la PNPN, la PNPN et la Couronne réclamant des dommages-intérêts pour ingérence dans les relations contractuelles. Les Behn ont nié que leur conduite était illégale au motif que la Couronne n’avait pas respecté son obligation de consulter et que les autorisations portaient atteinte à leurs droits issus de traités. Moulton a demandé la radiation de la défense des Behn parce qu’elle se rapportait à l’omission alléguée de la Couronne de consulter et à la violation des droits issus de traités des Behn. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a accueilli la demande, statuant que les Behn n’avaient pas qualité pour invoquer les moyens de défense relatifs à l’obligation de consulter et aux droits issus de traités. La Cour a déclaré que ces droits étaient de nature collective et ne pouvaient être revendiqués par des individus que s’ils étaient autorisés par le collectif, et la PNPN n’avait pas autorisé les Behn à le faire. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé la décision.
La Cour suprême du Canada a rejeté l’appel. Le juge Lebel s’est dit d’accord avec les tribunaux d’instance inférieure. Il a conclu que l’obligation de consulter existait pour protéger les droits collectifs des peuples autochtones et que les actes de procédure ne révélaient pas que la PNPN avait autorisé les Behn à contester les autorisations. Toutefois, la Cour a refusé d’examiner la question de savoir si les droits issus de traités étaient des droits collectifs, notant que ces droits peuvent avoir des aspects à la fois collectifs et individuels. En fin de compte, le juge Lebel a conclu que la question déterminante en litige dans l’appel était qu’il s’agissait d’un abus de procédure de la part des Behn de soulever une violation de l’obligation de consulter et une violation des droits issus de traités en matière de défense, alors que ni eux ni la PNFN n’avaient tenté de contester les autorisations au moment où elles avaient été accordées par le MOF. La Cour a déclaré que si elle permettait aux Behn de soulever ces moyens de défense après que Moulton n’ait pas eu d’autre choix que d’aller devant les tribunaux ou de renoncer à ses activités et d’engager des coûts substantiels, elle tolérerait les « recours d’auto-assistance » et jetterait le discrédit sur l’administration de la justice.
À l’avenir, l’arrêt Behn pourrait influer sur l’analyse que le tribunal entreprendra pour déterminer s’il y a matière à accorder une réparation interdisant les activités de barrage routier. Le premier volet du critère des trois volets pour une injonction, tel qu’il est énoncé dans l’arrêt RJR MacDonald Inc. c. Canada, [1994] 1 R.C.S. 311, exige une évaluation de la solidité de la cause du demandeur. Behn peut permettre au tribunal de tenir compte de tout autre recours juridique dont disposent les défendeurs avant d’adopter le blocus lors de l’évaluation de la cause du demandeur à l’appui de la mesure injonctive. C’est-à-dire que si d’autres recours juridiques étaient à la disposition des défendeurs, cela favoriserait la solidité de la cause du demandeur à l’appui d’une injonction. De plus, si un blocus est décrété par des personnes qui invoquent une violation de l’obligation de consulter en défense, cela peut également peser en faveur de la solidité de la preuve du demandeur en l’absence de toute preuve dans les actes de procédure que la bande collective a autorisé une allégation relative à une violation de l’obligation de consulter.
Si vous avez des questions au sujet de la décision Behn et de son incidence sur vous ou votre entreprise, veuillez communiquer avec Bruce Mellett ou Laura Gill.