Bien que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés ayant des responsabilités exigeantes en matière de garde d’enfants soit reconnue depuis longtemps comme faisant partie de l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation en raison de l’état familial, en raison du vieillissement de la population canadienne, une nouvelle catégorie de demandeurs de l’état familial a été reconnue par les autorités judiciaires : les employés ayant des responsabilités en matière de soins aux aînés. Qu’il s’agisse de la catégorie traditionnelle des services de garde d’enfants ou de la catégorie croissante des services de garde aux aînés, les employeurs de l’Ontario ont fait face à une incertitude considérable pour déterminer la portée de leur obligation d’accommodement en fonction de l’état familial.
Une décision récente du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO), Devaney v. ZRV Holdings Limited 2012 HRTO 1590 (Devaney), suggère que si les responsabilités de l’employé en matière de prestation de soins sont requises, plutôt qu’une simple préférence, l’employeur aura une obligation d’accommodement.
Devaney a été un employé de ZRV, un cabinet d’architectes, pendant environ 27 ans jusqu’à ce que son emploi soit résilié en janvier 2009. Devaney était considéré comme un employé talentueux et, au moment de la cessation de son emploi, ses responsabilités comprenaient la gestion principale d’un important dossier de développement. Cependant, vers la fin de 2007, Devaney, qui était le principal fournisseur de soins de sa mère handicapée, a commencé à travailler fréquemment à domicile pour s’accommoder de ses responsabilités de soignant.
L’employeur de Devaney a insisté pour que Devaney, comme tous les autres employés, soit présent au bureau, tous les jours entre les heures de travail de base de 8 h 30 à 17 h et, à de nombreuses reprises, a soulevé des préoccupations au sujet de ses absences fréquentes ou de ses arrivées tardives. Devaney a adopté le point de vue que la plupart de son travail pourrait être fait à distance de la maison, en dehors des heures d’ouverture de base avec l’aide de la technologie.
Malgré le fait que les absences de Devaney ne semblaient pas affecter la qualité de son produit de travail, l’employeur de Devaney a continué d’insister pour qu’il soit présent au bureau tous les jours. En fin de compte, en raison de son défaut de travailler au bureau de l’employeur, l’emploi de Devaney a été congédié pour un motif valable en janvier 2009.
À la suite d’un examen des critères préexistants et largement contradictoires établis par le Tribunal canadien des droits de la personne et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, le TDPO a adopté un nouveau critère axé sur la distinction entre les besoins et les préférences des employés ayant des responsabilités de prestation de soins.
Plus précisément, le TDPO a conclu que, pour faire valoir une preuve prima facie de discrimination fondée sur l’état familial, un demandeur devra démontrer qu’il a subi un préjudice en raison d’une exigence imposée par son statut d’aidant naturel. Si un effet préjudiciable est réputé se rapporter uniquement à la préférence ou au choix de l’employé, aucune preuve prima facie ne sera établie. En adoptant le critère révisé, le TDPO a nié tout fondement raisonnable permettant de créer un seuil ou un critère plus élevé pour les demandes fondées sur l’état familial par rapport aux demandes fondées sur d’autres motifs protégés (p. ex. sexe, âge).
Le TDPO a conclu que la politique de présence stricte de l’entreprise exigeant que Devaney travaille à partir du bureau de l’entreprise avait eu un impact négatif sur Devaney en raison de ses responsabilités familiales. Le TDPO a ensuite conclu qu’en omettant d’engager un dialogue avec Devaney au sujet de ses besoins, l’employeur avait contrevenu au Code. Bien que Devaney ait trouvé un autre emploi peu de temps après son congédiement, le TDPO a accordé à Devaney 15 000 $ en dommages-intérêts généraux.
Cette affaire confirme que l’état familial sera interprété de manière à couvrir non seulement les responsabilités en matière de garde d’enfants, mais aussi les responsabilités en matière de soins aux aînés. Compte tenu du rejet par le TDPO de la jurisprudence qui exigeait un seuil plus élevé pour les demandes d’état familial (p. ex., atteinte grave à une obligation parentale importante) que pour les demandes fondées sur d’autres motifs protégés, les employeurs de l’Ontario doivent faire attention à ne pas rejeter d’emblée les demandes fondées sur l’état familial. Au contraire, conformément au critère énoncé dans l’affaire Devaney, les employeurs devront fournir des mesures d’adaptation raisonnables pour répondre aux besoins d’un demandeur, mais pas de simples préférences.
Devaney sert de rappel de plusieurs pratiques exemplaires pour les employeurs concernant les demandes