Bennett Jones Perspectives économiques du printemps 2020

08 juin 2020

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Écrit par Serge Dupont, David A. Dodge, Richard Dion, John M. Weekes, Michael Horgan

 

Résumé

La pandémie de COVID-19 a déclenché le choc économique le plus grave depuis la Grande Dépression. Malgré l’intervention massive des banques centrales et des gouvernements, la production réelle dans les économies avancées a probablement chuté en quelques semaines de plus de 10% par rapport à son niveau de fin 2019.

Un certain nombre de facteurs compliquent la reprise après cette crise sans précédent : les inconnues sur l’évolution de la pandémie; le manque de coordination des politiques mondiales; le comportement incertain des consommateurs à mesure que les confinements sont assouplis; les niveaux d’endettement élevés des ménages, des entreprises et des gouvernements qui entrent dans la crise; le risque de perte permanente de capacité à mesure que la crise perdure; et l’impact sur la confiance des investisseurs de l’incertitude concernant le monde post-COVID-19.

Dans ce contexte, ces perspectives visent à présenter des hypothèses de planification raisonnables pour les entreprises canadiennes d’ici la fin de 2021. Nous proposons deux scénarios qui, selon nous, représentent des résultats possibles.

Le résultat est que d’ici la fin de 2021, la reprise des niveaux de production d’avant la COVID-19 dans les économies avancées est atteinte. Les taux d’intérêt et l’inflation sont restés bas tout au long de la période. Les prix du pétrole et des produits de base se raffermissent modestement.

Selon ce scénario, la production au Canada d’ici la fin de 2021 revient à peu près à son niveau à la fin de 2019, bien qu’elle soit toujours inférieure de près de 4 % à ce qu’elle aurait été par rapport à la tendance d’avant la crise. Le déficit fédéral atteint près de 300 milliards de dollars en 2020-21, même avec une diminution rapide des mesures fiscales exceptionnelles introduites pendant la crise. Le déficit en 2021-22 est toujours élevé, à 105 milliards de dollars.

On s’attend à ce que la Banque du Canada absorbe une partie importante des emprunts du gouvernement fédéral. La capacité du Canada d’attirer des entrées de capitaux est maintenue, et le dollar canadien est globalement stable.

À la fin de 2021, le PIB réel des économies avancées est alors inférieur d’environ 6 % au quatrième trimestre de 2019. Il y a des pressions déflationnistes – par exemple, les prix du pétrole restent déprimés avec des écarts encore importants entre l’offre et la demande – mais certains prix sont poussés à la hausse là où l’offre est limitée. Les gouvernements n’ont d’autre choix que de prolonger et d’améliorer leurs programmes de soutien, et les banques centrales d’élargir leurs bilans pour absorber une part croissante de la nouvelle dette publique.

Dans ce scénario désastreux, les risques stratégiques pour le Canada seraient plus aigus. Pour maintenir la confiance des marchés et la stabilité financière, le budget fédéral pour 2021-22 devrait présenter des plans pour générer des revenus supplémentaires et réduire les dépenses, à compter de 2022.

À l’heure actuelle, nous pensons qu’un plan A pour les entreprises est mieux fait sur la base de notre scénario de référence. Cependant, les développements doivent être suivis de près tout au long de l’été et au début de l’automne pour voir si les entreprises devraient passer à un plan B, en fonction de notre scénario plus pessimiste. Il subsisterait un certain risque à la hausse qui pourrait se cristalliser avec la disponibilité plus rapide d’un vaccin.

Traverser une telle crise n’est pas seulement une question d’arithmétique, mais aussi de plans et de stratégies de la part des gouvernements et des entreprises pour répondre aux nouvelles circonstances et agir de manière cohérente.

Il est peu probable que la demande mondiale et le commerce international propulsent à eux seuls notre croissance. Le système commercial multilatéral est affaibli. Les États-Unis n’exercent pas un leadership mondial; l’agitation politique accrue au milieu de la pandémie, et une élection présidentielle dans quelques mois seulement, érodent davantage la perspective d’un rôle constructif des États-Unis au cours des prochains mois. Le conflit géostratégique entre les États-Unis et la Chine menace un découplage des chaînes d’approvisionnement mondiales. Les récents développements ont également élevé les risques potentiels pour les relations du Canada avec la Chine.

Par conséquent, le Canada, tout en continuant de collaborer de façon constructive avec ses partenaires mondiaux et de saisir toutes les occasions d’accroître et de diversifier son commerce, il doit tracer sa propre voie pour rouvrir, se redresser, puis reconstruire l’économie à moyen et à long terme.

La réouverture est un exercice graduel d’apprentissage de la vie avec la COVID-19 , créant et s’adaptant à un état modifié de l’économie qui prévaudra pendant des mois, peut-être des années. Une réouverture prudente et réussie nécessite une plus grande capacité de dépistage et de suivi de la propagation du virus, ainsi qu’une disponibilité généralisée d’équipements de protection individuelle (EPI) pour les travailleurs.

À mesure que l’économie rouvrira, le flux de soutien direct du gouvernement devra être réduit : il est fiscalement insoutenable et il crée des distorsions qui pourraient ralentir le retour à des conditions plus normales pour les employeurs et les travailleurs. Il s’agira d’un exercice politique exceptionnellement délicat.

La reprise est ce qu’il faudra au cours des 18 à 24 prochains mois pour ramener la production à son niveau d’avant la crise. Reconnaissant que la crise est née d’un choc d’offre induit, une reprise doit être fondée sur des conditions et des incitations à la réémergence de l’offre. Une importante stimulation de la demande sera d’une utilité limitée et, si l’offre est freiné, elle pourrait exercer une pression à la hausse sur certains prix.

Les gouvernements peuvent identifier des mesures ciblées pour soutenir et accélérer la reprise. Cela peut comprendre des mesures peu coûteuses qui peuvent aider à rétablir les marchés pour les entreprises, par exemple, acheter des campagnes locales ou voyager au Canada, ainsi que de la formation pour les travailleurs déplacés. Il y a des lacunes à combler dans le système de santé publique et dans les soins aux personnes âgées. Des mesures peuvent être prises pour accélérer l’investissement dans l’infrastructure économique, notamment en mobilisant des capitaux privés au lieu de la dette publique où il peut y avoir une source de revenus. L’accès à la large bande devrait être rendu universel.

La reconstruction est l’entreprise à moyen et à long terme d’accroître la productivité afin de maintenir et d’élever le niveau de vie des Canadiens, en le faisant d’une manière durable, résiliente et inclusive. C’était un défi de taille même avant la COVID-19. C’est maintenant encore plus intimidant.

En entreprenant la reconstruction, les gouvernements et les entreprises doivent saisir les ramifications de la crise ainsi que les risques et les opportunités qui émergeront à la suite de celle-ci. Bien qu’il reste de nombreuses questions, certaines tendances et certains signaux sont évidents.

Alors que les changements structurels s’accélèrent pendant la crise et que les risques de nouvelles perturbations risquent de se faire, les gouvernements doivent revoir leurs instruments pour faciliter l’ajustement. Le système de sécurité du revenu pour les Canadiens en âge de travailler n’était pas à la hauteur de la tâche dans cette crise, et il mérite d’être revu.

La gestion financière nécessitera un plan à moyen terme doté d’un point d’ancrage solide et d’une réserve importante pour éventualités dans un monde incertain. Pour contenir la croissance de la dette et des coûts du service de la dette, il n’y aura aucun moyen d’augmenter certains impôts et de réduire certaines dépenses. Cela impliquera des choix difficiles.

Les gouvernements devront peser soigneusement les répercussions distributifs des développements et des politiques économiques. Les arrangements fiscaux intergouvernementaux attireront également l’attention. En effet, lorsque les factures de la crise devront être payées, la poursuite de la stabilité économique et budgétaire, de la cohésion sociale et de l’unité nationale nécessitera un leadership fort.

Par conséquent, les gouvernements devront établir un ensemble fini de priorités pour le pays, une voie budgétaire, des principes pour guider l’élaboration des politiques et des processus de mobilisation des Canadiens. Bien que les problèmes soient urgents, les bonnes solutions ne seront pas développées du jour au lendemain. Il faudra des exercices parallèles pour élaborer la base de données probantes et demander l’avis d’experts et de dirigeants du secteur privé et des collectivités, avec l’impératif de prendre des décisions en temps opportun.

Dans l’histoire du Canada, des exercices comme la Commission Macdonald ont apporté d’importantes contributions au débat national à des moments critiques. Encore une fois, les gouvernements pourraient constater que, pour un ensemble précis de questions, il y aurait du mérite à ce qu’une commission nationale sur les perspectives économiques du Canada soit dotée de personnes sages, de ressources spécialisées et d’une capacité de proposer une orientation pour le pays.

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