Qui a son mot à dire sur la paye?

03 février 2010

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Écrit par Brent W. Kraus

Les récentes insolvabilités et renflouements d’entreprises très médiatisés, en particulier aux États-Unis, ont attiré l’attention internationale sur les pratiques de rémunération des dirigeants des sociétés cotées en bourse. Alors que les activistes actionnaires réclament depuis plusieurs années le droit à un vote consultatif des actionnaires, ou à un vote consultatif sur la rémunération, sur les programmes de rémunération des dirigeants, ce mouvement a récemment réussi à obtenir des votes contraignants ou non contraignants sur la rémunération pour les sociétés ouvertes au Royaume-Uni, en Australie, aux Pays-Bas, en Norvège, en Espagne, en France et en Suède.

Les partisans du vote sur la rémunération soutiennent qu’un tel mécanisme aidera à réduire les pratiques de rémunération qui récompensent la prise de risques excessifs et à mieux aligner les intérêts des dirigeants et des actionnaires. Les détracteurs se demandent si les actionnaires comprennent toutes les facettes de la rémunération de la haute direction et soutiennent que les points de vue des actionnaires entraveront la capacité d’un conseil d’administration d’attirer et de retenir les meilleurs talents. Au moins pour l’instant, dire sur les salaires gagne du terrain dans plusieurs pays.

Aux États-Unis, les préoccupations concernant les niveaux et les pratiques de rémunération des cadres supérieurs se sont manifestées dans la règle finale provisoire publiée par le département du Trésor des États-Unis en juillet 2009, mettant en œuvre les normes de rémunération des dirigeants et d’entreprise en vertu de l’American Recovery and Reinvestment Act de 2009. La règle finale provisoire s’applique à certaines sociétés qui ont reçu des fonds dans le cadre du Programme d’allègement des actifs en difficulté (TARP), exigeant, entre autres, que certains bénéficiaires du TARP prévoient un processus consultatif sur la rémunération qui comprend un vote consultatif des actionnaires non contraignant sur les régimes de rémunération de la haute direction. De plus, en juillet 2009, le département du Trésor des États-Unis a présenté au Congrès une proposition législative qui autoriserait la Securities Exchange Commission des États-Unis à exiger, entre autres, que toutes les sociétés cotées à une bourse nationale des valeurs mobilières des États-Unis soumettent des résolutions non contraignantes aux actionnaires concernant l’approbation ou la désapprobation de la rémunération de la haute direction, les décisions de rémunération des conseils d’administration et les arrangements de rémunération parachutistes dorés divulgués dans la procuration documents de sollicitation. Bien que cette proposition n’ait pas encore été adoptée en tant que loi, un nombre croissant d’entreprises américaines de premier plan ont volontairement mis en œuvre des votes consultatifs sur la rémunération.

Au Canada, le mouvement du vote consultatif sur la rémunération a été plus modéré et n’a pas encore donné lieu à un projet de loi visant à rendre obligatoires les votes consultatifs sur les niveaux ou les pratiques de rémunération des cadres supérieurs. En vertu de la loi canadienne, un conseil d’administration conserve le pouvoir absolu d’établir la rémunération de la haute direction. Néanmoins, les investisseurs institutionnels canadiens et les groupes de gouvernance d’entreprise commencent à faire pression pour l’adoption volontaire de pratiques de pression sur la rémunération.

En janvier 2010, la Coalition canadienne pour la bonne gouvernance (CCGG) a publié un modèle de politique du conseil d’administration sur l’engagement des actionnaires et la rémunération. Bien que les propositions de la GCCG ne soient pas des lois, les entreprises canadiennes devraient néanmoins être au courant de ces points de vue, car ils influencent et, dans certains cas, dirigent les votes d’importants actionnaires institutionnels canadiens.

Le modèle de politique de la GCCG recommande qu’un conseil d’administration « élabore des pratiques pour accroître l’engagement avec tous ses actionnaires, selon ce qui convient à sa base d’actionnaires et à sa taille ». De telles pratiques pourraient prendre la forme de sondages, de séances de discussion ouverte, d’assemblées avec des actionnaires importants ou de questions précises posées dans le cadre du processus de sollicitation de procurations.

La politique type traite également de la divulgation des pratiques de rémunération en recommandant qu’en plus de l’information requise par la législation sur les valeurs mobilières, un comité du conseil d’administration rende compte aux actionnaires des « principaux objectifs stratégiques de la société et de la façon dont le régime de rémunération de la haute direction est conçu pour motiver la direction à les atteindre ». Bien que les lois sur les valeurs mobilières mettent l’accent sur la divulgation de la rémunération des cadres supérieurs sur la description des pratiques et des résultats historiques, la politique modèle de la GCAC exigerait également que la société décrive son plan de rémunération pour les exercices financiers subséquents et décrive tout changement dans ce plan par rapport aux années précédentes.

Ce qui est peut-être le plus important, c’est que la politique type exige que les entreprises ajoutent volontairement à chaque assemblée annuelle un vote consultatif des actionnaires sur le rapport de la société sur la rémunération de la haute direction. Pour faciliter une comparaison entre les pratiques des différentes entreprises, la GCCG recommande que les entreprises adhèrent le plus possible à la forme de résolution des actionnaires recommandée par la GCCG.

Le résultat d’un vote consultatif mené conformément au modèle de politique de la GCCG n’est pas contraignant. Par conséquent, un vote négatif n’exige pas l’ajustement des pratiques de rémunération des cadres supérieurs et un vote positif ne devrait pas être considéré comme réduisant ou libérant autrement un conseil de sa responsabilité et de son obligation de rendre compte des pratiques de rémunération. Toutefois, la politique type exige que le conseil d’administration tienne compte des résultats des votes sur la rémunération dans l’examen futur des pratiques de rémunération. La politique type de la CCGG imposerait également aux entreprises l’obligation de divulguer les résultats du vote consultatif sur la rémunération dans leur rapport sur les résultats du vote pour l’assemblée.

Notamment, en publiant son modèle de politique, la GCCG a déclaré que les actionnaires institutionnels devraient tenir compte des pratiques de rémunération de chaque entreprise selon leurs propres mérites et ne pas adopter une approche de case à cocher pour les votes consultatifs sur la rémunération. Bien que la GCCG n’ait pas donné plus de détails, le commentaire vise vraisemblablement à décourager les actionnaires institutionnels de voir leurs votes dirigés par une liste de contrôle interne des éléments du menu de la lettre de paiement, plutôt à les encourager à examiner sur une base individuelle si les pratiques de rémunération d’une société sont appropriées à sa situation.

La CCGG s’attend à ce que lorsqu’un vote consultatif sur la rémunération indique une opposition importante aux pratiques de rémunération actuelles d’une entreprise, la société entreprenne un dialogue actif avec sa base d’actionnaires, en particulier tous les actionnaires connus pour avoir voté contre la résolution, dans le but de déterminer les préoccupations des actionnaires. L’opinion des actionnaires recevrait une autre voix en vertu de la politique de la CCGG par l’entremise du conseil d’administration étant tenu de divulguer aux actionnaires dès que possible, et au plus tard dans la circulaire de sollicitation de procurations de la direction pour sa prochaine assemblée annuelle, un résumé des commentaires reçus des actionnaires et les changements apportés aux régimes de rémunération ou devant être apportés par le conseil ou d’expliquer pourquoi aucun changement ne sera apporté.

Bien que les sociétés ouvertes canadiennes ne soient pas légalement tenues d’accorder aux actionnaires un vote consultatif sur la rémunération de la haute direction, les récents développements aux États-Unis et les recommandations formulées par la CCGG pourraient exercer une pression supplémentaire sur les sociétés pour qu’elles adoptent volontairement une approche fondée sur les pratiques exemplaires à l’égard de la participation des actionnaires à la rémunération. À ce jour, plus d’une douzaine de grandes sociétés ouvertes canadiennes ont volontairement adopté une certaine forme de vote sur la paye, ou ont annoncé leur intention de le faire, y compris la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la Banque Royale du Canada, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque de Montréal, la Banque Nationale, la Banque Toronto-Dominion, le Groupe TMX, TELUS Corporation, la Financière Sun Life, Société Financière Manuvie, Industrielle Alliance et Potash Corporation of Saskatchewan. De plus, si l’élan des initiatives de voix sur la rémunération aux États-Unis se poursuit, il est toujours possible que le Canada suive en légiférant sur la rémunération sous une forme ou une autre.

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