La Cour suprême du Canada établit des principes importants en matière de prix de transfert

03 décembre 2012

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La Cour suprême du Canada a récemment rendu son jugement dans l’affaire La Reine c. Glaxo Smith Kline Inc.1 (Glaxo), qui est la première décision de la Cour sur les règles canadiennes en matière de prix de transfert. Les prix de transfert comprennent la répartition des bénéfices dans le cadre d’opérations transfrontalières entre apparentés et il s’agit d’une question litigieuse qui peut entraîner une double imposition pour les contribuables, car les gouvernements de différentes juridictions cherchent à imposer le même revenu. Les prix de transfert sont un domaine d’application hautement prioritaire pour l’Agence du revenu du Canada et les autorités fiscales d’autres pays. Bien que l’affaire Glaxo ait comporté l’interprétation d’une version antérieure des règles du Canada en matière de prix de transfert, les motifs de la Cour suprême établissent certains principes clés qui devraient s’appliquer au régime actuel de prix de transfert du Canada et l’affaire est donc importante pour les multinationales canadiennes. Dans l’ensemble, la décision est positive pour les entreprises canadiennes; toutefois, la Cour suprême a envoyé un signal clair que la répartition des prix de transfert entre les parties liées participant à de multiples transactions, comme la licence d’une marque de commerce et la fourniture de biens ou de services, sera soigneusement examinée. Les ententes de transaction multiples sont courantes parmi les entreprises multinationales, grandes et petites, et, à la lumière de l’affaire Glaxo, les entreprises devraient revoir leurs documents sur les prix de transfert et leurs accords juridiques afin d’atténuer le risque de nouvelle cotisation et de pénalités imposées par les autorités fiscales et douanières.

Dans l’affaire Glaxo, il s’agissait des prix payés par Glaxo Canada, le membre canadien du groupe pharmaceutique Glaxo, à une entité suisse liée, Adechsa, pour l’achat de l’ingrédient actif du médicament anti-ulcéreuse Zantac, au cours de la période 1990-1993. Le fait que l’affaire porte sur des événements qui se sont produits il y a plus de 20 ans témoigne du fardeau de l’observation fiscale dans les prix de transfert et de la nécessité pour les contribuables de tenir d’excellents dossiers.

Glaxo Canada était un soi-disant fabricant et distributeur secondaire de Zantac au Canada. En d’autres termes, il a acheté l’ingrédient brut actif (ranitidine), assemblé avec d’autres ingrédients sous forme de pilule, et a vendu le médicament de marque fini. Glaxo Canada n’était pas propriétaire du brevet de ranitidine; elle n’a pas mené sa propre R&D sur ce médicament et elle ne possédait pas la marque de commerce Zantac.

Glaxo Canada a obtenu des parties liées des intrants essentiels à ses activités. En particulier, elle a conclu un accord de licence avec une société affiliée du Royaume-Uni (Groupe Glaxo) qui donnait à Glaxo Canada les droits en vertu des brevets pertinents de fabrication, d’utilisation et de vente des produits du Groupe Glaxo, y compris Zantac, des droits exclusifs sur les marques de commerce du Groupe Glaxo, y compris Zantac, et du soutien et des services techniques et marketing connexes. L’une des conditions du contrat de licence était que Glaxo Canada achète de la ranitidine d’un fournisseur approuvé par Glaxo Group. À l’époque, il y avait deux de ces fournisseurs, qui étaient tous deux des sociétés affiliées à Glaxo, et Glaxo Canada a conclu un accord d’approvisionnement avec l’un d’eux (Adechsa).

En vertu de l’accord de licence, Glaxo Canada a versé à Glaxo Group une redevance de six pour cent. L’accord d’approvisionnement prévoyait une formule de prix pour la ranitidine qui donnerait une marge brute de 60 pour cent à Glaxo Canada après avoir tenu compte de la redevance. Cette formule a donné un prix par kg de ranitidine dépassant $1500. À cette époque, les fabricants de médicaments génériques achetaient de la ranitidine de sources autres que Glaxo pour environ 300 $/kg. L’administration fiscale canadienne a établi une nouvelle cotisation pour Glaxo Canada au motif que le prix d’achat payé à Adechsa était excessif et dépassait un « montant raisonnable », qui est l’équivalent fonctionnel de la « norme de pleine concurrence » dans le libellé moderne des règles sur les prix de transfert, qui ont été réécrites en 1998 après les événements de la présente affaire.

Zantac, le médicament de marque, a commandé une prime de prix significative sur le marché par rapport aux produits génériques équivalents. Néanmoins, le gouvernement a soutenu que le contrat de licence, qui donnait à Glaxo Canada le droit d’utiliser le nom de marque Zantac, n’était pas pertinent et que les transactions d’accord de licence et les transactions d’accord d’approvisionnement devaient être évaluées indépendamment. Par conséquent, le gouvernement a conclu que les achats de ranitidine par les fournisseurs de médicaments génériques représentaient des transactions comparables sans lien de dépendance et que leur prix (environ 300 $/kg) représentait le « prix non contrôlé comparable » ou CUP qui était raisonnable dans les circonstances.

La position du gouvernement a été rejetée par la Cour suprême du Canada. La Cour a statué que le contrat de licence ajoutait de la valeur à la ranitidine d’origine Adechsa au-delà de la valeur de la ranitidine générique sans les droits et avantages associés et ne pouvait être ignoré. 2 La Cour a donc rejeté une approche stricte transaction par transaction reconnaissant qu’il est nécessaire de tenir compte des « caractéristiques économiquement pertinentes » dans l’application des principes des prix de transfert, en particulier les prétendues comparaisons sans lien de dépendance.

Fait important pour les contribuables, la Cour a également reconnu que « les prix de transfert ne sont pas une science exacte » et qu'« une certaine marge de manœuvre doit être accordée dans la détermination du montant raisonnable » de sorte que « tant qu’un prix de transfert se situe à l’intérieur de ce qu’un tribunal détermine être une fourchette raisonnable, l’exigence [des dispositions sur les prix de transfert] devrait être respectée ». 3

La conclusion de la Cour suprême selon laquelle le contrat de licence était pertinent pour déterminer le prix d’achat payé en vertu de l’accord d’approvisionnement a été fatale à la position du gouvernement selon laquelle le prix générique était le prix de transfert que Glaxo Canada aurait dû utiliser. La Cour a fait remarquer que l’examen des accords de licence et des accords d’approvisionnement réunis donnait une « image réaliste » des profits de Glaxo Canada et a noté les fonctions et les risques limités de Glaxo Canada en tant que fabricant secondaire qui n’était pas à l’origine de nouveaux produits et de la propriété intellectuelle connexe. 4

Toutefois, la Cour a également observé que les prix que Glaxo Canada a payés à Adechsa étaient un paiement à la fois pour l’ingrédient brut en vertu de l’accord d’approvisionnement et un ensemble d’au moins certains droits et avantages en vertu de l’accord de licence et a correctement déterminé que l’allocation pourrait avoir des répercussions sur la retenue d’impôt canadienne. Les redevances payées par une entité canadienne à un non-résident pour l’utilisation de la propriété intellectuelle sont généralement assujetties à la retenue d’impôt de la partie XIII, mais le prix d’achat des produits ne l’est pas. De plus, les règles sur les prix de transfert s’appliquent également aux fins des douanes et certaines redevances payées à l’égard de marchandises importées sont passibles de droits alors que d’autres ne le sont pas, et le montant des redevances est un facteur ayant une incidence sur la dutiabilité.

La Cour suprême a renvoyé l’affaire Glaxo à la Cour canadienne de l’impôt pour qu’elle détermine le prix de transfert approprié pour la ranitidine payée par Glaxo Canada, de sorte que nous n’avons peut-être pas entendu le dernier mot dans cette affaire.

Néanmoins, la décision Glaxo s’applique immédiatement aux entreprises canadiennes qui effectuent des transactions avec des sociétés affiliées dans d’autres pays. Du côté positif, les entreprises peuvent être rassurées par le fait que la Cour suprême reconnaît que les prix de transfert ne sont pas une science exacte et qu’une certaine retenue devrait être accordée aux contribuables lorsqu’ils effectuent des évaluations des prix de transfert. De plus, l’insistance de la Cour à examiner toutes les caractéristiques économiquement pertinentes de la prétendue CUP du gouvernement et à rejeter l’approche transaction par transaction du gouvernement, qui n’a pas donné une image réaliste des profits canadiens, établit une approche de bon sens à l’égard de ce qui peut être un domaine obscur.

L’examen minutieux par la Cour suprême d’éléments du contrat de licence et l’observation selon laquelle la répartition des prix de transfert par un contribuable pourrait avoir des répercussions sur la retenue d’impôt sont un signal clair que les tribunaux (et, par extension, les autorités fiscales) examineront attentivement tous les éléments pertinents de la relation entre les parties liées transfrontalières. Nous notons qu’une telle répartition aura souvent négligé les ramifications pour les prix de transfert douaniers, qui devraient être pris en compte par les entreprises pour parvenir à une approche unifiée des prix de transfert fiscaux et douaniers.

Après Glaxo, les contribuables devraient revoir leurs pratiques en matière de prix de transfert et s’assurer que leurs documents sur les prix de transfert sont


Notes
  1. de 2012 CSC 52
  2. Paragraphe 60 des Motifs
  3. Paragraphe 61 des Motifs
  4. Paragraphe 51 des Motifs

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