Les nouvelles ratifications de l’instrument multilatéral de l’OCDE mettent en péril les structures de détention des ressources canadiennes

03 avril 2019

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Écrit par Jared A. Mackey, Greg M. Johnson and Darcy D. Moch

Les structures de détention fiscalement avantageuses couramment utilisées par les entreprises multinationales et les sociétés de capital-investissement qui investissent dans le secteur canadien des ressources pourraient bientôt être assujetties aux mesures anti-chalandage fiscal contenues dans la « Convention multilatérale de mise en œuvre des mesures liées aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices » (l'« INSTRUMENT MULTILATÉRAL »).

L’INSTRUMENT MULTILATÉRAL a été négocié en novembre 2016 par plus de 100 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans le but de mettre rapidement en œuvre une série de mesures en vertu de conventions fiscales afin de réduire les possibilités d’évitement fiscal par les entités multinationales. L’IM n’a pas préséance sur les conventions fiscales bilatérales existantes ou ne les modifie pas, mais elle est appliquée parallèlement aux conventions, modifiant leur application au besoin. À ce jour, 87 pays ont signé l’im ou ont exprimé l’intention de le signer, y compris le Canada et la plupart des pays économiquement développés (à l’exception des États-Unis).

Les modifications les plus importantes apportées aux conventions par l’entremise de l’IM sont les soi-disant « normes minimales » qui créent un nouveau préambule de convention fiscale et une règle anti-évitement de fond. Le préambule prévoit généralement que les conventions fiscales visent à éliminer la double imposition sans créer de possibilités de non-imposition ou de réduction de l’imposition par l’évasion ou l’évitement fiscal. Les « normes minimales » imposent également une règle générale anti-évitement, appelée le « critère de l’objet principal », qui interdit généralement un avantage issu d’une convention lorsque l’obtention de l’avantage était l’un des principaux objectifs de la réalisation d’une opération ou d’un arrangement particulier, à moins que l’octroi de l’avantage ne soit conforme à l’objet et au but de la convention.

De nombreuses entreprises multinationales et sociétés de capital-investissement qui investissent dans le secteur canadien des ressources détiennent généralement leurs investissements par l’entremise d’une société intermédiaire résidant aux Pays-Bas ou au Luxembourg. Ces structures bénéficient généralement de gains en capital exonérés d’impôt sur des actions d’une société canadienne qui tirent leur valeur principalement de « biens immeubles » situés au Canada (y compris les avoirs miniers) utilisés dans le cadre d’activités commerciales. L’efficacité de telles structures a été confirmée plus récemment par la Cour canadienne de l’impôt dans Alta Energy Luxembourg SARL c R, 2018 TCC 152 (actuellement en appel). Lorsque l’instrument multilatéral entrera en vigueur, le « critère de l’objet principal » pourrait limiter considérablement la disponibilité de cette exemption. En particulier, l’exemption sera probablement refusée aux sociétés de portefeuille néerlandaises et luxembourgeoises qui ont peu de substance économique et qui sont interposées pour obtenir des avantages fiscaux.

L’IM modifiera une convention fiscale bilatérale particulière seulement après que les deux partenaires de la convention ont adopté une législation nationale de mise en œuvre et ont livré un instrument de ratification à l’OCDE. Le 14 février 2019 et le 5 mars 2019, respectivement, le Luxembourg et les Pays-Bas ont chacun conclu leurs procédures de ratification nationales. Les Pays-Bas ont déposé leur instrument de ratification auprès de l’OCDE le 29 mars 2019. Bien que le Luxembourg n’ait pas encore déposé d’instrument de ratification auprès de l’OCDE, il devrait le faire à court terme.

Par conséquent, l’INSTRUMENT MULTILATÉRAL entrera en vigueur à l’égard des conventions fiscales entre le Canada et les Pays-Bas et entre le Canada et le Luxembourg le premier jour du mois, à compter de trois mois après que le Canada aura ratifié l’IM et qu’il aura remis un instrument de ratification à l’OCDE. En ce qui concerne les retenues d’impôt, l’IM entrera en vigueur au début de la première année civile commençant à la date d’entrée en vigueur de l’IM ou après cette date. En ce qui concerne les autres impôts, y compris les gains en capital, l’IM sera en vigueur pour les années d’imposition commençant six mois après l’entrée en vigueur de l’IM.

Par exemple, si le Canada ratifie l’IM en juillet 2019, l’IM entrerait en vigueur à l’égard des conventions fiscales entre le Canada, les Pays-Bas et le Canada et le Luxembourg le 1er novembre 2019. L’IM s’établirait alors en ce qui concerne les retenues d’impôt le 1er janvier 2020 et, à l’égard des autres impôts, y compris les gains en capital, pour les années d’imposition commençant le 1er mai 2020 ou après cette date.

En mai 2018, le gouvernement canadien a présenté un projet de loi visant à mettre en œuvre l’IM (projet de loi C-82). La première et la deuxième lecture ont eu lieu en 2018. Le Comité permanent des finances a récemment terminé son étude du projet de loi et en a fait rapport à la Chambre des communes sans amendement. La troisième lecture à la Chambre des communes, le processus d’approbation du Sénat et la remise d’un instrument de ratification à l’OCDE n’ont pas encore été entendus. Dans le budgétaire fédéral de mars 2019, le gouvernement a confirmé son intention d’achever la ratification de l’IM, mais n’a fourni aucune indication quant au calendrier. Il n’est pas clair non plus si les prochaines élections fédérales à l’automne 2019 auront une incidence sur ce processus.

Les entreprises multinationales et les sociétés de capital-investissement qui investissent au Canada par l’entremise d’une structure de portefeuille des Pays-Bas ou du Luxembourg devraient porter une attention particulière à la ratification de l’IM par le Canada. La planification devrait déjà être en cours pour assurer la conformité future au « critère de l’objectif principal » ou pour tirer parti des structures actuelles avant l’entrée en vigueur de l’IM (p. ex. par la mise en œuvre de transactions « progressives »). De plus, une société de portefeuille touchée qui a l’intention de céder les actions de sa société d’exploitation canadienne devrait examiner attentivement le choix de son année d’imposition canadienne (qui peut différer de son exercice aux Pays-Bas et au Luxembourg) afin de déterminer si elle peut commencer avant l’entrée en vigueur de l’IM. Il sera également impératif de tenir compte de l’incidence de l’IM sur les nouveaux investissements dans le secteur canadien des ressources.

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