Publication de nouvelles règles canadiennes sur la transparence des revenus tirés des ressources

28 octobre 2014

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Écrit par Eden M. Oliver, Claire Webster and Daniel P. Cipollone

Le 23 octobre 2014, le gouvernement du Canada a déposé sa Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif1 (le projet de loi), qui imposera des exigences de déclaration obligatoires pour chaque entité engagée dans la « mise en valeur commerciale du pétrole, du gaz ou des minéraux » (exploration, extraction ou avoir des permis pour le faire) au Canada ou ailleurs ou qui contrôle une entité qui est ainsi engagée. Présenté dans le cadre du projet de loi omnibus C-43, le projet de loi représente une étape importante dans l’engagement du gouvernement d’établir des normes de déclaration obligatoires pour le secteur de l’extraction d’ici juin 2015, « dans le but d’accroître la transparence des paiements qu’ils versent aux gouvernements ». 2 Le projet de loi vise à mettre en œuvre les engagements internationaux du Canada de participer et de participer à la lutte contre la corruption dans le secteur de l’extraction.

L’initiative fait partie d’une tendance mondiale plus large qui se fait le champion d’une plus grande transparence et d’une plus grande responsabilisation au sein des industries extractives. Aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission est en train d’élaborer des exigences de déclaration obligatoire pour le secteur extractif en vertu de l’article 1504 de la Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act. 3 L’Union européenne a également entrepris d’établir des exigences par le biais de ses directives sur la comptabilité et la transparence. 4 En les mettant en œuvre, le Royaume-Uni a annoncé en août 2014 qu’il exigerait des sociétés extractives qu’elles divulguent publiquement les paiements qu’elles versent aux gouvernements à compter du 1er janvier 2015. 5

Le projet de loi exigera que certaines entités déposent un rapport divulguant les paiements qu’elles ont effectués ou leurs filiales à un gouvernement canadien ou étranger totalisant au moins 100 000 $ (ou un autre montant prescrit) pour certaines catégories de paiements énumérées. Chacune de ces entités sera tenue de déposer un rapport chaque année au plus tard 150 jours après la fin de son exercice.

Notamment, les paiements versés aux gouvernements autochtones du Canada seront exemptés pendant une période de deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi. Ce retard donnera au gouvernement l’occasion d’engager d’autres consultations sur la question de savoir si de tels paiements devraient être visés par la loi.

En prévision de l’adoption du projet de loi, les entités nationales et étrangères qui explorent ou extraient du pétrole, du gaz ou des minéraux directement ou par l’intermédiaire de leurs filiales et qui ont un lien avec le Canada devraient examiner si les règles s’appliquent à celui-ci. Si c’est le cas, ils devraient se préparer à s’y conformer, car la loi pourrait être en vigueur dès le 1er avril 2015.

Les règles

1. Qui sera tenu de faire rapport?

L’obligation de déclarer s’appliquera aux entités a) inscrites à la bourse canadienne ou b) ayant un lieu d’affaires au Canada, qui font des affaires au Canada ou qui ont des actifs au Canada et qui, d’après leurs états financiers consolidés, remplissent deux des trois conditions suivantes : (i) avoir un actif d’au moins 20 millions de dollars; (ii) générer des revenus annuels d’au moins 40 millions de dollars; et iii) employer en moyenne au moins 250 employés.

De plus, un paiement effectué par une entité qui n’est pas visée par les exigences de déclaration du projet de loi (parce qu’il ne satisfait pas au critère énoncé ci-dessus) qui est contrôlé par une autre entité sera réputé avoir été effectué par l’entité contrôlante. L’effet recherché semble être d’inclure les paiements collectifs d’une famille de sociétés dans l’évaluation de la question de savoir si le seuil de paiement en dollars applicable a été dépassé.

Le projet de loi prévoit également des rapports consolidés dans les cas impliquant des filiales en propriété exclusive. En particulier, lorsqu’une entité et une filiale en propriété exclusive de l’entité sont visés par les exigences du projet de loi, la filiale sera réputée avoir fourni un rapport si : a) l’entité fournit au ministre un rapport qui contient des renseignements sur les paiements effectués par la filiale au cours de son exercice financier; b) au plus tard 150 jours après la fin de son exercice financier, la filiale avise par écrit le ministre que l’entité mère fournira le rapport; et c) la filiale fournit au ministre un rapport indiquant tout paiement qu’elle a effectué au cours de son exercice financier qui n’est pas visé par le rapport fourni par l’entité mère.

2. Quels paiements doivent être déclarés?

Le projet de loi exige que les entités déclarent tous les paiements (qu’ils soient monétaires ou en nature) totalisant 100 000 $ (ou un autre montant prescrit) ou plus faits à tout gouvernement au Canada ou dans un État étranger, à un organisme établi par deux gouvernements ou plus ou à un organisme établi pour exercer une fonction gouvernementale. Voici les catégories de paiements qui doivent être déclarés :

La déclaration en vertu du projet de loi n’est pas requise si les paiements de chaque catégorie n’atteignent pas ou ne dépassent pas le seuil de 100 000 $ (ou un autre montant prescrit), même si le total combiné de tous les paiements dans toutes les catégories dépasse 100 000 $ (ou un autre montant prescrit).

Le ministre responsable, qui n’a pas encore été désigné dans le règlement, peut préciser la forme et la façon de faire rapport, ce qui peut inclure l’obligation de faire rapport au niveau du projet. Bien que le projet de loi ne donne pas de définition du projet, un document de consultation publié par le gouvernement au printemps dernier définit un projet comme « une activité opérationnelle exercée par une entité extractive, dont les paramètres sont définis par l’entité en fonction de son secteur particulier et de son contexte commercial (p. ex., un champ pétrolifère, un puits individuel, un site minier, etc.) ». 6

3. Qu’est-ce que le processus de production de rapports?

Le projet de loi précise que toute entité doit, dans les 150 jours suivant la fin de chaque exercice financier, fournir au ministre un rapport indiquant les paiements qu’elle a effectués ou qu’elle est réputée avoir effectués au cours de cette année. Le rapport doit comprendre une attestation d’un administrateur ou d’un dirigeant de l’entité, ou d’un vérificateur ou d’un comptable indépendant, indiquant que les renseignements contenus dans le rapport sont véridiques, exacts et complets.

Les entités seront tenues de mettre à la disposition du public toute information requise par le règlement ou, si aucun règlement n’est pris, de mettre le rapport et toute autre information divulguée à la disposition du public. Le rapport et l’information devront être mis à la disposition du public pendant cinq ans (ou toute autre période prescrite). Le projet de loi impose également aux entités l’obligation de tenir des registres des paiements, qui doivent être conservés pendant sept ans (ou toute autre période prescrite) à compter de la date à laquelle l’entité divulgue son rapport.

Le projet de loi prévoit l’acceptation des rapports préparés conformément aux exigences de déclaration proportionnelles d’autres administrations. Plus précisément, le projet de loi confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d’examiner et de déterminer si les exigences en matière de rapports d’une autre administration sont un substitut acceptable à celles contenues dans le projet de loi. Si le ministre détermine que les exigences en matière de déclaration d’une autre administration sont un substitut acceptable, une entité sera réputée avoir fourni un rapport si elle : a) fournit le rapport exigé par l’administration étrangère à son autorité compétente; b) fournit une copie de ce rapport au ministre dans le délai prescrit par les exigences de déclaration de l’administration étrangère; et c) se conforme à toute autre condition imposée par le ministre.

4. Comment la loi sera-t-elle appliquée?

Le ministre désignera des personnes chargées d’administrer et d’appliquer la loi, et un large éventail de pouvoirs d’enquête sont conférés à ces personnes désignées. Le projet de loi confère également au ministre le pouvoir d’émettre des ordonnances pour vérifier la conformité d’une entité au projet de loi. En vertu d’une telle ordonnance, une entité peut, entre autres, être tenue : a) d’énumérer ses projets; b) expliquer comment certains paiements ont été traités aux fins de la préparation de son rapport; c) divulguer les politiques qu’il a mises en œuvre à des fins de conformité; et d) fournir au ministre les résultats d’une vérification de son rapport ou des registres des paiements effectués pour l’exercice auquel le rapport se rapporte. Ces audits doivent être effectués par un auditeur indépendant conformément aux normes d’audit généralement reconnues spécifiées dans l’ordre.

Si, d’après les renseignements fournis par l’entité et toute enquête menée en vertu de la loi, le ministre est d’avis qu’une entité ne se conforme pas, il a le pouvoir discrétionnaire d’exiger de l’entité qu’elle prenne les mesures qu’il juge nécessaires pour assurer la conformité au projet de loi.

5. Que se passe-t-il si une entité omet de faire rapport?

Le non-respect des exigences du projet de loi fera l’objet de sanctions potentiellement importantes. Plus précisément, le défaut de signaler, de mettre les rapports et l’information à la disposition du public et de tenir des registres, au besoin, constituera une infraction en vertu de la loi. Ce serait également une infraction de (a) faire sciemment des déclarations fausses ou trompeuses ou (b) structurer les paiements dans l’intention d’éviter les exigences de déclaration. Une entité ou une personne qui contrevient à ces exigences se rendra coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’une amende maximale de 250 000 $. De plus, si une infraction au projet de loi est commise ou poursuivie plus d’une journée, elle constituera une infraction distincte pour chaque jour où l’infraction est commise ou se poursuit. Enfin, les dirigeants et les administrateurs d’une entité qui dirigent, autorisent, acquiescent, acquiescent ou participent à la perpétration d’une telle infraction seront considérés comme coupables et passibles de la peine prévue pour l’infraction. Toutefois, en vertu du projet de loi, une personne ou une entité ne sera pas déclarée coupable si elle établit qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable pour empêcher la perpétration de l’infraction.

Prochaines étapes

On s’attend à ce que le projet de loi C-43 passe à l’article de la deuxième lecture à la Chambre des communes et devienne finalement loi, avec quelques ajustements, et soit complété par des règlements de fond. Le gouvernement s’est engagé à mettre en place la loi d’ici juin 2015. Il a consulté l’industrie7, et un récent communiqué de presse du ministre fédéral des Ressources naturelles a indiqué que les ministres provinciaux avaient indiqué lors d’une réunion qu’ils appuyaient largement les principes sur lesquels le projet de loi est fondé. 8

Remarques :

  1. Projet de loi C-43, Loi sur le plan d’action économique de 2014, no 2, 2e sess, 41e législ, 2014, section 28 (première lecture le 23 octobre 2014), article 6 [projet de loi C-43].
  2. Ressources naturelles Canada, Document de consultation « Établir des normes de déclaration obligatoires pour le secteur de l’extraction » (printemps 2014), à la section 1, en ligne : Ressources naturelles Canada. Document de consultation].
  3. Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, Pub. L. No. 111-203, 124 Stat. 1376, HR 4173, s 1504 (2010).
  4. Directive comptable 2013/34/UE, du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Directive transparence 2013/50/UE, du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 modifiant la directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2004.
  5. United Kingdom Department for Business Innovation and Skills, « UK Implementation of the EU Accounting Directive – Chapitre 10 : Rapports sur les industries extractives – Réponse du gouvernement à la consultation » (août 2014).
  6. Supra, note 2.
  7. Voir aussi le Resource Revenue Transparency Working Group, « Recommendations on Mandatory Disclosure of Payments from Canadian Mining Companies to Governments » (16 janvier 2014).
  8. Cabinet du ministre des Ressources naturelles du Canada, Communiqué de presse, « Nos ressources, nouvelles frontières : Les ministres de l’Énergie et des Mines du Canada discutent du Développement responsable des ressources et des priorités pour l’année à venir » (26 août 2014) en ligne : SCIC <http://www.scics.gc.ca/english/Conferences.asp?a=viewdocument&id=2198> .

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