Obtenir une place à la table : l’accès par procuration arrive au Canada

02 juin 2015

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Écrit par J. Paul D. Barbeau and James T. McClary

Le sujet de l’accès par procuration, c’est-à-dire de la capacité des actionnaires de nommer des administrateurs au conseil d’administration, est de nouveau au premier plan du débat sur la gouvernance d’entreprise au Canada. La Coalition canadienne pour la bonne gouvernance (CCGG), une organisation dont les membres comprennent des fonds de pension, des fonds communs de placement et d’autres gestionnaires de fonds, a récemment proposé des modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) afin de renforcer la capacité des actionnaires de nommer des administrateurs de sociétés canadiennes constituées en société fédérale. Cette proposition fait suite à l’augmentation de l’activité d’accès par procuration aux États-Unis découlant du projet de responsabilisation de la salle de conférence du contrôleur de la ville de New York, une campagne visant à donner aux actionnaires plus d’informations sur la façon dont les conseils d’administration des sociétés américaines sont élus.

Nomination des administrateurs au Canada

Les administrateurs des sociétés canadiennes sont généralement nommés par le conseil d’administration ou la direction de la société et présentés aux actionnaires chaque année dans la circulaire de sollicitation de procurations de la direction. Jusqu’à récemment, la grande majorité des élections d’administrateurs étaient des votes de liste, ce qui signifie que le conseil d’administration fixait la taille du conseil d’administration, et la circulaire de sollicitation de procurations de la direction présenterait une liste d’administrateurs de taille équivalente. Les actionnaires pouvaient choisir de voter en faveur de la liste ou de retenir leurs votes, mais dans les deux cas, les élections étaient des formalités parce que, en l’absence d’une liste concurrente d’administrateurs, un seul vote en faveur entraînerait l’élection de la liste (en gardant à l’esprit que les votes de retenue ne sont pas des votes contre - les sociétés ont besoin d’administrateurs et la liste avec le plus de votes gagne). Par conséquent, les actionnaires ont eu peu de commentaires sur la constitution du conseil d’administration, à l’exclusion des actionnaires disposant de ressources et d’expertise suffisantes pour mener des batailles de procurations au moyen d’une circulaire de sollicitation de procurations dissidentes ou pour s’engager directement avec les conseils d’administration pour les convaincre de proposer d’autres candidats.

L’abandon des listes électorales vers l’élection des administrateurs majoritaires a été un pas vers l’amélioration de l’accès par procuration au Canada, mais les limites de la législation canadienne sur les sociétés continuent de présenter des défis pour une participation significative des actionnaires dans les nominations d’administrateurs.

Régime canadien actuel et limites de l’accès par procuration

La législation canadienne sur les sociétés permet aux actionnaires de faire des mises en candidature pour les administrateurs à partir d’une assemblée annuelle des actionnaires. Cependant, la grande majorité des actionnaires votent en soumettant une procuration avant l’assemblée, ce qui fait en sorte que toute nomination de l’auditoire a peu ou pas de chances de succès parce que les votes par procuration ont déjà été compilés pour les administrateurs énoncés dans la circulaire de sollicitation de procurations de la direction. De plus, l’acceptation générale et la mise en œuvre des règlements administratifs sur les préavis représentent le dernier clou dans le cercueil des nominations des actionnaires.

Par ailleurs, l’article 137 de la LCSA (et des articles équivalents dans les lois provinciales sur les sociétés) permet à un ou plusieurs actionnaires détenant ensemble plus de cinq pour cent des actions en circulation de la société de soumettre à la société, pour inclusion dans une circulaire de sollicitation de procurations de la direction, une proposition d’inclure des nominations pour l’élection des administrateurs. Cependant, les difficultés de procédure comprennent une limite légale de 500 mots qui ne facilite pas le plaidoyer et une date limite pour soumettre la proposition de quatre à six mois avant la date de la réunion. De plus, la société peut marginaliser la proposition d’actionnaire en la joignant en annexe et en indiquant clairement que la direction n’appuie pas les candidats des actionnaires. Par conséquent, la sollicitation coûteuse des actionnaires est généralement nécessaire pour présenter avec succès d’autres candidats au conseil d’administration. Pour ces raisons et d’autres, on se fie rarement aux mécanismes de proposition d’actionnaires prévus par la loi pour nommer les administrateurs.

Boardroom Accountability Project - Développements de l’accès par proxy aux États-Unis

En 2010, la Securities and Exchange Commission des États-Unis a adopté une règle d’accès par procuration en vertu de l’autorité accordée par la Loi Dodd Frank. Cependant, la règle a été annulée par la Cour d’appel des États-Unis pour des raisons de procédure et il a été laissé aux entreprises d’adopter volontairement des règlements sur l’accès par procuration. Il n’est pas surprenant que l’adoption volontaire ait été initialement peu enthousiaste.

En novembre 2014, le contrôleur de la ville de New York (qui supervise cinq caisses de retraite publiques municipales avec 160 milliards de dollars d’actifs) a lancé le Boardroom Accountability Project, dont le but est de faire pression sur les entreprises américaines pour qu’elles mettent volontairement en œuvre des régimes d’accès par procuration par le biais de modifications aux règlements municipaux. Ciblant initialement 75 sociétés et s’appuyant sur le soutien de certains des plus grands investisseurs institutionnels du monde, le projet a connu un succès précoce, y compris la mise en place d’un accès par procuration significatif à Bank of America, Citigroup, General Electric, Prudential Financial et Staples. On s’attend à ce que de nombreux autres émetteurs américains choisissent d’emboîter le pas sous la pression croissante des actionnaires.

Les modifications aux règlements administratifs proposées par le projet donnent aux actionnaires qui atteignent le seuil de détenir trois pour cent d’une société pendant trois ans ou plus le droit d’inscrire leurs candidats au poste d’administrateur, représentant jusqu’à 25 pour cent du conseil d’administration, sur le bulletin de vote de la société. L’exigence d’une période de retenue de trois ans ou plus garantit que les investisseurs à court terme ne sont pas en mesure de manipuler la gouvernance de l’entreprise au détriment de la valeur à long terme. Institutional Shareholder Services (ISS) a pris en charge l’accès par procuration avec ces fonctionnalités.

Il convient de souligner que les 75 objectifs initiaux du projet étaient soit des sociétés de charbon, de pétrole et de gaz ou de services publics à forte intensité de carbone, des entreprises avec peu ou pas de femmes au conseil d’administration ou aucune diversité raciale ou ethnique apparente et des entreprises qui ont reçu une opposition significative à leurs votes consultatifs sur la rémunération de l’année précédente sur la rémunération. Au fur et à mesure que les propositions d’accès par procuration font leur chemin au Canada, les entreprises qui correspondent à ces profils devraient être en alerte.

Propositions de la GCAC au Canada

Comme il a été mentionné précédemment, la GCCG a exhorté Industrie Canada à modifier la LCSA afin de prévoir un accès par procuration prévu par la loi, au-delà de ce qui est prévu dans la LCSA.

En particulier, la CCGG a suggéré

Plus particulièrement, la GCCG a plaidé contre une période de retenue minimale pour être admissible à l’accès par procuration, suggérant que tous les actionnaires, quel que soit leurs antécédents avec la société, devraient être en mesure de faire des nominations au conseil d’administration à condition qu’ils ne cherchent pas à changer le contrôle de la société.

Conseils à l’intention des entreprises canadiennes

Il reste à voir si les propositions de la GCCG trouvent l’appui des gouvernements fédéral et provinciaux, et si les entreprises canadiennes pourraient décider d’adopter une approche attentiste. Toutefois, peu importe si une législation plus robuste sur l’accès aux procurations est adoptée au Canada, les grands actionnaires peuvent utiliser les dispositions relatives aux propositions d’actionnaires en vertu de la LCSA et des lois provinciales équivalentes pour adopter des modifications aux règlements administratifs sur l’accès aux procurations après la tendance établie aux États-Unis. Au fur et à mesure que l’accès par procuration devient plus vaste au Canada, ISS et d’autres agences de conseil en vote devraient s’affirmer davantage en recommandant que les entreprises canadiennes adoptent des règlements administratifs significatifs sur l’accès par procuration.

Nous recommandons que les conseils d’administration se renseignent davantage sur les questions d’accès par procuration et se demandent s’il est approprié de concevoir et de mettre en œuvre de manière préventive des règlements administratifs sur l’accès par procuration qui représentent les meilleurs intérêts de l’entreprise. Tout nouveau règlement sur l’accès par procuration devrait respecter les exigences minimales de la LCSA et des lois provinciales équivalentes. Les entreprises qui se penchent sur ces questions seraient bien avisées de communiquer avec leur conseiller juridique.

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