Commentaire : The Judicial Cab Company

26 novembre 2005

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Écrit par H. Martin Kay, Q.C.

Lors d’un récent trajet en taxi de l’aéroport international de Vancouver aux tribunaux du centre-ville de Vancouver, après avoir livré un monologue sur une variété de sujets, le chauffeur a exprimé son opinion que notre système judiciaire n’avait pas réussi (peut-être jamais été) à rester en contact avec l’homme ordinaire ou le citoyen moyen et à s’assurer que les décisions étaient fondées sur une compréhension raisonnable des valeurs et des opinions du public touché par les décisions. Il a ensuite présenté une solution plutôt nouvelle.

La conduite d’une cabine de taxi, a-t-il noté, met en contact un large éventail de personnes et fournit un bon et large échantillon de l’opinion populaire. Les juges, pensait le chauffeur, seraient bien servis en conduisant un taxi. Ce faisant, un juge serait en mesure de parler à des gens ordinaires, ou du moins de les écouter, et d’entendre leurs préoccupations, leurs frustrations et leurs points de vue sur l’ensemble des sujets d’actualité et des questions d’intérêt public.

L’idée d’une compagnie de taxi judiciaire peut sembler humoristique, mais comme beaucoup d’humour, elle est enracinée dans une préoccupation légitime. Comment le système judiciaire, ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs, se tient-il au courant de l’opinion publique sur les valeurs morales et les questions similaires? La magistrature, et le système juridique en général, doit être en contact avec les normes et les opinions en vigueur, d’autant plus lorsque, avec la Charte canadienne des droits et libertés, les tribunaux sont appelés à équilibrer des droits et des intérêts opposés. Cela exige qu’un tribunal soit au moins au courant de l’opinion publique actuelle. On ne peut pas faire cette évaluation à moins d’avoir non seulement un contact avec ces citoyens et leur vie quotidienne, mais une compréhension et une appréciation réelles de l’opinion publique.

La question n’est pas nouvelle. Par exemple, il y a quelques années (1983, R. c. Westendorp), la Cour suprême du Canada s’est penchée sur un règlement adopté par la Ville de Calgary qui visait à garder les prostituées hors des trottoirs et des rues de la ville. La Cour suprême du Canada a infirmé ce qui semblait être une décision très pratique rendue par la Cour d’appel de l’Alberta qui avait confirmé le règlement. La décision de la Cour suprême laisse entendre que les prostituées qui sillonnent leur métier sur le trottoir ne créent peut-être pas de plus grand problème que les personnes qui s’arrêtent dans la rue pour parler d’un événement sportif. De toute évidence, les juges n’avaient pas vu le centre-ville de Calgary à ce moment-là en soirée. Sur la Troisième Avenue, à une heure environ du matin, il pourrait bien y avoir des embouteillages.

Il faudrait peut-être encourager le fait que les juges n’étaient pas familiers avec les activités dans les « rangées de prostituées » ou dans des endroits semblables dans les grandes villes canadiennes. Cependant, la cour d’appel locale (à une distance de sécurité) a eu une appréciation du problème auquel sont confrontées les grandes villes et cela a éclairé leur évaluation des questions juridiques.

Comme nous l’avons mentionné, la question n’est pas nouvelle. Les juges d’aujourd’hui sont aussi intéressés à être bien informés sur les questions qui ont une incidence sur leurs décisions que leurs prédécesseurs l’étaient. Et, ils sont probablement mieux informés en règle générale. Certes, ils ont la capacité de l’être. Toutefois, les affaires fondées sur la Charte, en particulier, ont amené le public à réfléchir davantage aux décisions de la Cour en général, ainsi qu’au rôle de la magistrature et à la sélection des juges en particulier. C’est devenu un enjeu lors de cette dernière élection.

Le pouvoir judiciaire n’est pas moins en contact qu’il ne l’était dans le passé. En effet, le grand juge en chef américain Holmes était réputé pour être si distant qu’il ne lisait jamais les journaux. Et pourtant, il est considéré comme un grand juriste.

Ce qui a changé, à mon avis, ce n’est pas tant le pouvoir judiciaire que l’attitude du public à son égard. On peut difficilement critiquer davantage l’intérêt public. La transition vers un processus de sélection plus ouvert pour les juges, en particulier pour ceux qui siégent à la Cour suprême du Canada, est attendue depuis longtemps. Il faut toutefois se rendre compte qu’un processus de sélection transparent et un meilleur accès à l’opinion publique ne garantiront pas que toutes les décisions judiciaires seront acceptables pour le public, et qu’elles ne devraient pas l’être. Premièrement, toute institution humaine est faillible et tout comme les politiciens peuvent mal juger l’humeur du public (comme nous l’avons vu), il en va de même pour les juges les mieux intentionnées. De plus, on s’attend à ce que les tribunaux fonctionnent comme un contrôle, pour protéger les droits individuels contre ce qui est décrit comme la tyrannie de la majorité. Ce rôle est antérieur à la Charte. Par conséquent, si la crainte que le pouvoir judiciaire soit bien informé soit une préoccupation légitime, le public doit comprendre qu’il faut s’attendre à des différences et qu’elles sont effectivement un indicateur d’un système judiciaire indépendant qui fonctionne correctement.

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