Les importateurs canadiens peuvent maintenant demander le remboursement des droits d’importation

19 janvier 2015

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Écrit par Darrel H. Pearson and Claire M.C. Kennedy

Depuis l’introduction du Système de la valeur transactionnelle de l’évaluation en douane par le Canada le 1er janvier 1985, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a maintenu une politique déclarée de refus des demandes de remboursement des importateurs apparentés qui cherchent à modifier les valeurs déclarées en douane pour tenir compte des rajustements qui réduisent les prix de transfert après l’importation. La proposition interprétative de l’ASFC selon laquelle la réduction de la valeur des droits est exclue est fondée sur son exclusion légale en tant que « remboursements ou diminutions du prix payé ou à payer effectués après l’importation des marchandises ». En revanche, si les prix de transfert sont rajustés de manière à augmenter après l’importation, les importateurs canadiens sont tenus de modifier les déclarations et de payer des droits et des taxes supplémentaires, le cas échéant. Cédant sous la pression des conclusions défavorables du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) et de la Cour fédérale, l’ASFC a corrigé ce déséquilibre en effectuant un changement majeur de politique. Sous réserve du respect des exigences en matière de preuve, les importateurs canadiens peuvent maintenant demander le remboursement des droits de douane dans les cas où les prix de transfert sont rajustés à la baisse après l’importation si les prix rajustés payés ou à payer ont fait l’objet d’un accord écrit au moment de l’importation ou avant.

Il est courant que des parties liées concluent des accords commerciaux internationaux en vertu desquels les achats de marchandises importées sont « tarifés de transfert ». Les entreprises multinationales prudentes établissent des politiques en matière de prix de transfert et les appuient et les soutiennent sur la base d’études sur les prix de transfert menées par des économistes réputés. Historiquement, les études sur les prix de transfert avaient tendance à mettre l’accent sur les prix de transfert aux fins de l’impôt sur le revenu. Peu d’attention a été accordée à l’évaluation en douane par les études sur les prix de transfert.

Comme les considérations relatives à l’impôt sur le revenu et à l’évaluation en douane ne concordent souvent pas, les entreprises multinationales prudentes doivent accorder plus d’attention aux aspects de l’évaluation en douane des prix de transfert dans les accords commerciaux internationaux et les études connexes sur les prix de transfert. Il faudrait adopter une approche uniforme qui tienne compte à la fois des similitudes et des disparités entre l’impôt sur le revenu et les principes de l’évaluation en douane et des prix de transfert. Il s’ensuit que les documents contemporains doivent justifier les prix de transfert aux fins de l’impôt sur le revenu et de l’évaluation en douane.

L’introduction de la nouvelle politique de l’ASFC pourrait amener les importateurs canadiens à conclure que les remboursements des droits de douane payés en trop seront automatiques. Ce n’est pas le cas. Les demandes des importateurs seront plutôt mises à l’essai par l’ASFC. On s’attendra à ce que l’importateur démontre que :

  1. avant l’importation, les prix d’achat rajustés payés ou payables, en montant déterminé ou selon la formule, ont fait l’objet d’un accord écrit entre les parties liées à la transaction de vente à l’exportation;
  2. les parties liées ont fixé le prix et ajusté les prix des marchandises conformément à leur accord;
  3. les montants payés/ajustés conformes à la convention relativement aux prix d’achat payés ou à payer;
  4. les pratiques des parties liées étaient par ailleurs conformes aux modalités de l’entente;
  5. une étude sur les prix de transfert a été entreprise pour démontrer que les prix payés ou à payer n’étaient pas influencés par la relation, et l’étude sur les prix de transfert examine chaque paiement de transfert, qu’il s’agisse d’articles distincts ou de catégories de biens, de services ou de propriétés intellectuelles.

Le changement apporté à la politique de l’ASFC entraînera une réduction des recettes gouvernementales normalement perçues par l’application de la Loi sur les douanes. Dans la pratique, il faut s’attendre à ce que l’ASFC effectue beaucoup plus de vérifications commerciales de l’évaluation en douane et qu’elle se concentre particulièrement sur les aspects de l’évaluation en douane liés aux prix de transfert. En vertu de la législation et de l’administration douanières canadiennes, la vérification de l’évaluation en douane des prix, ainsi que tout rajustement du prix payé ou à payer qui s’applique à l’établissement de la valeur transactionnelle, font l’objet d’un examen plus approfondi si ces paiements sont effectués à des fournisseurs liés ou à d’autres membres d’un groupe d’entreprises multinationales composé en tout ou en partie par le fournisseur et l’acheteur.

Alors que le gouvernement du Canada cherche à récupérer ou à équilibrer la perte de revenus résultant de la nouvelle politique de l’ASFC, on s’attend à ce que l’ASFC effectue davantage de vérifications des valeurs déclarées par les importateurs apparentés lorsque les importateurs demandent le remboursement des droits payés en trop en fonction des rajustements des prix de transfert et d’autres facteurs.

Par exemple, il ne serait pas surprenant de constater que les importateurs canadiens qui achètent des marchandises de fournisseurs liés ont négligé leurs obligations de déclarer les rajustements à la hausse des prix de transfert, ou que ceux qui achètent non seulement des biens, mais aussi des services de membres de l’entreprise multinationale n’ont pas suffisamment documenté que les montants payés pour des services satisfont au critère de pleine distance; et que les services sont rendus pour l’exploitation de l’entreprise au Canada et sont légitimement justifiés pour les activités commerciales canadiennes. Dans le cadre des vérifications commerciales des pratiques d’évaluation en douane, l’ASFC a mis davantage l’accent sur ces rajustements de prix à la hausse et les paiements de services afin de déterminer s’ils font ou non partie du « prix à payer » ou du « produit subséquent », et donc à juste titre une partie de la valeur transactionnelle passible de droits. Les paiements de redevances, qui autrement ne sont pas passibles de droits parce qu’ils ne sont pas payés comme condition de vente, devraient également faire l’objet d’un examen plus approfondi afin de déterminer s’ils sont conformes ou non aux normes de prix de transfert.

La nouvelle politique de l’ASFC sur les rajustements de prix à la baisse aura également une incidence sur l’observation de l’impôt sur le revenu et la déclaration par les importateurs. Un remboursement de droits sera généralement inclus dans le revenu de l’importateur au cours de l’année où il a été reçu aux fins de l’impôt sur le revenu et doit être déclaré en temps opportun. De plus, alors que les importateurs réexaminent leurs documents sur les prix de transfert afin de mettre en œuvre une approche uniforme à l’égard des prix de transfert de la taxe et des douanes, il faut prendre soin de refléter les dernières directives de l’ARC sur les normes relatives aux documents contemporains (voir La politique révisée de l’ARC met l’accent sur la documentation contemporaine sur les prix de transfert sur le Bennett Jones Thought Network).

Enfin, les importateurs doivent être conscients des récentes initiatives internationales, dirigées par la DC, visant à imposer des exigences plus onéreuses en matière de documentation sur les prix de transfert, y compris des rapports détaillés pays par pays (voir Les entreprises font face à une documentation plus onéreuse sur les prix de transfert et à des rapports fiscaux pays par pays sur le Bennett Jones Thought Network). Bien qu’il ne s’agisse pas encore de lois canadiennes, il est important que les importateurs tiennent compte de leur structure hiérarchique de gestion interne et de la façon dont leur organisation respecterait les normes internationales les plus onéreuses.

Le changement apporté à la politique de l’ASFC suscitera une vigilance accrue de la part de l’ASFC afin d’assurer une contrepartie : un droit aux remboursements équilibré par le respect des obligations par les importateurs canadiens liés. Il n’y a jamais eu de moment aussi critique dans l’histoire du système de valeur transactionnelle au Canada pour les importateurs apparentés d’examiner de près leurs pratiques en matière de prix de transfert pour déterminer s’ils ont droit à des remboursements et se conformer aux lois canadiennes sur l’évaluation en douane. Cet examen comprend une étude minutieuse de la nature des transactions commerciales internationales et des documents attestant leurs modalités et pratiques, ainsi que des politiques et des études sur les prix de transfert.

Compte tenu de ce qui est en jeu, les importateurs prudents de parties liées feront appel à des conseillers juridiques canadiens ayant une expertise en matière d’évaluation en douane et de prix de transfert pour étudier les prix de transfert aux fins de l’évaluation en douane et de l’impôt sur le revenu dans le cadre du secret professionnel de l’avocat, et pour les aider dans leurs demandes de remboursement des droits de douane.

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