Le gouvernement du Canada remaniera le régime d’intégrité des fournisseurs

06 juillet 2015

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Toujours difficile de passer au-dessus de Debar

Écrit par Milos Barutciski and Matthew Kronby

Le 3 juillet, le gouvernement du Canada a annoncé un nouveau régime d’intégrité pour remplacer les anciennes règles d’exclusion (exclusion) des marchés publics. Le nouveau Régime, qui entre en vigueur immédiatement, fait suite à plus d’une année de critiques constantes à l’égard de l’ancien Cadre d’intégrité établi pour la première fois en 2010 par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), la principale branche d’approvisionnement du gouvernement fédéral canadien. Ces critiques, de la part d’entreprises, d’organisations juridiques et de lutte contre la corruption, soutenaient que le Cadre d’intégrité était devenu si rigide, punitif et d’une telle portée qu’il irait à l’encontre de ses objectifs, à savoir dissuader l’inconduite criminelle et protéger l’intégrité du processus de passation des marchés publics. Les commentateurs ont fait valoir que l’effet réel de l’ancien cadre d’intégrité était de rendre difficile pour le gouvernement de trouver des fournisseurs « propres » et de décourager les entreprises de reconnaître les actes répréhensibles et d’y remédier.

Le gouvernement a fait part de son intention de répondre à ces préoccupations dans son budget d’avril 2015. Le nouveau Régime d’intégrité fait beaucoup de chemin pour corriger bon nombre des problèmes liés au Cadre d’intégrité, mais il n’est pas à la hauteur à certains égards critiques.

Les préoccupations donnant lieu au nouveau régime d’intégrité

En vertu de l’ancien Cadre d’intégrité, les fournisseurs risquaient d’être exclus des approvisionnements de TPSGC pour des infractions de fraude ou de corruption qu’eux-mêmes ou leurs sociétés affiliées ont commises. La définition de « sociétés affiliées », qui semble avoir été tirée des règles de radiation des États-Unis, est très large; il couvre toutes les relations où une entité a le pouvoir de contrôler l’autre ou un tiers a le pouvoir de contrôler les deux. En 2012, la liste des infractions qui pourraient donner lieu à la radiation a été élargie pour inclure la corruption d’agents publics étrangers en vertu de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers et d’autres infractions fédérales.

Rien de tout cela n’a suscité de préoccupations particulières jusqu’en mars 2014, lorsque TPSGC a adopté la dernière d’une série de modifications « fermez-vous » au Cadre d’intégrité. L’une de ces modifications imposait une période d’inadmissibilité obligatoire de 10 ans pour les fournisseurs, sans possibilité de réduction en raison de la gravité de la conduite fautive ou des efforts de réparation de l’entreprise concernée. Contrairement aux régimes américains et similaires ailleurs, qui attribuent le mérite des circonstances atténuantes et des efforts de réparation pour déterminer ou réduire par la suite les pénalités d’exclusion, les entreprises qui font des affaires importantes avec le gouvernement canadien ont eu peu d’incitation à admettre et à corriger la conduite corrompue et potentiellement une forte désincitation à le faire.

Les modifications de 2014 ont également élargi les conditions d’inadmissibilité pour inclure les infractions étrangères « semblables » aux infractions nationales énumérées. Étant donné que le Cadre d’intégrité s’étendait déjà à la conduite d’affiliés éloignés, cela signifiait que les entreprises canadiennes pouvaient faire face à des exclusions automatiques de 10 ans de la plupart des marchés publics fédéraux non seulement pour leur propre conduite corrompue, mais aussi pour la conduite étrangère d’entités liées à distance sur lesquelles elles n’exerçaient aucune surveillance ou contrôle. L’application croissante des lois réglementaires à l’échelle internationale, comme la lutte contre la corruption, les sanctions économiques, les infractions en matière d’antitrust et de concurrence, signifiait que les entreprises canadiennes pouvaient faire face à une radiation automatique dans des circonstances de plus en plus importantes sans lien avec le Canada.

Éléments clés du nouveau régime d’intégrité

Le nouveau Régime d’intégrité demeure sous l’autorité principale de TPSGC et de son ministre. Les éléments du Régime sont énoncés dans une nouvelle Politique d’inadmissibilité et de suspension de TPSGC. Le nouveau Régime introduit des changements clés en ce qui concerne i) la possibilité de réduire la durée de l’exclusion par des mesures correctives dans certaines circonstances; (ii) l’insuration provisoire avant la déclaration de culpabilité; (iii) les conséquences de la conduite « affiliée », (iv) l’incidence des condamnations pour des infractions commises à l’étranger, et (v) le nouveau processus administratif et d’examen au sein de TPSGC.

Réduction potentielle de l’insbardation sur 10 ans

Le Régime maintient la période d’inadmissibilité de 10 ans pour la participation aux marchés publics, qui s’appliquera à toute condamnation pour des infractions visées au cours des trois années précédentes. Toutefois, les fournisseurs, autres que ceux qui sont reconnus coupables de conduite frauduleuse dans le cadre d’un marché public, auront la possibilité de réduire leur inadmissibilité d’une capacité pouvant aller jusqu’à cinq ans en coopérant avec les autorités chargées de l’application de la loi ou en mettant en œuvre les mesures correctives appropriées pour s’attaquer aux causes de l’inconduite. Pour rétablir leur admissibilité, les fournisseurs devront également obtenir une attestation indépendante d’un tiers qu’ils ont réussi à s’attaquer aux causes de l’inconduite. Les fournisseurs reconnus coupables de fraude dans le cadre d’un marché public canadien demeureront inadmissibles indéfiniment jusqu’à ce qu’ils aient obtenu un pardon.

L’inadmissibilité s’étend également aux sous-traitants. Les fournisseurs qui, sans l’approbation préalable du ministre, exécutent des contrats gouvernementaux à l’aide de sous-traitants jugés inadmissibles en vertu du Régime d’intégrité s’exposeront eux-mêmes à des exclusions de cinq ans.

Radiation provisoire

En plus de la période d’inadmissibilité de 10 ans, les fournisseurs qui ont été accusés ou admis à l’une des infractions visées peuvent être suspendus de participer aux processus d’approvisionnement en attendant la fin de la procédure pénale.

TPSGC tiendra à jour une liste des entreprises et des particuliers non admissibles et suspendus.

Sociétés affiliées

Les actions d’un affilié ne rendent plus le fournisseur automatiquement inadmissible. Au lieu de cela, un fournisseur ne sera pas admissible à la conduite d’une société affiliée seulement s’il peut être démontré que le fournisseur a « dirigé, influencé, autorisé, acquiescé ou participé » à la conduite qui donnerait lieu à l’inadmissibilité. Le Régime d’intégrité établit également un processus d’examen en vertu duquel les fournisseurs auront 30 jours pour contester les décisions d’inadmissibilité fondées sur la conduite des sociétés affiliées.

Infractions à l’étranger

Des infractions « semblables » à l’étranger demeurent un motif d’inadmissibilité ou de suspension en vertu du Régime d’intégrité. Le régime envisage maintenant explicitement une évaluation de cette similitude ainsi que de l’équité et de la légitimité des procédures qui ont donné lieu à la condamnation étrangère. Cependant, il n’est pas clair qui sera chargé de faire ces évaluations; la Politique d’inadmissibilité et de suspension prévoit que les fournisseurs embauchent des tiers indépendants pour fournir des renseignements sur les condamnations à l’étranger, mais indique plutôt vaguement que l'« opinion du Canada » sera déterminante.

Processus administratif

Comme en vertu du Cadre d’intégrité, le gouvernement pourra conclure un contrat avec un fournisseur par ailleurs non admissible lorsque cela est jugé nécessaire à l’intérêt public, par exemple lorsqu’aucun autre fournisseur ne peut exécuter le contrat ou lorsque le défaut de conclure le contrat poserait des risques pour la sécurité nationale ou la santé publique.

Le Régime prévoit l’utilisation d’ententes administratives imposant des conditions et des mesures de conformité qu’un fournisseur non admissible doit prendre pour que sa période d’inadmissibilité de 10 ans soit réduite ou suspendue à la suite de la levée des frais, ou lorsque le gouvernement invoque l’exemption de l’intérêt public ou maintient un contrat existant avec un fournisseur qui est devenu non conforme. La conformité des fournisseurs à ces accords sera soumise à une surveillance indépendante par une tierce partie.

Évaluation d’impact

Le nouveau Régime d’intégrité tient compte de la portée excessive et de l’injustice potentielle inhérentes à l’application du Cadre d’intégrité aux condamnations étrangères de filiales fournisseurs. De façon plus générale, elle ajoute de la transparence au processus par lequel les décisions d’inadmissibilité seront prises.

L’élimination de l’inadmissibilité automatique de 10 ans est également une évolution bienvenue car elle, dans une certaine mesure, reconnaît et encourage les efforts de coopération et de remédiation des fournisseurs qui ont commis des infractions énumérées.

Toutefois, la politique révisée ne fait pas de distinction claire entre la punition et la dissuasion de l’inconduite (le domaine du droit criminel) et la protection de l’intégrité de l’approvisionnement fédéral et de l’argent des contribuables (le domaine des règles d’approvisionnement). La sévérité croissante des amendes d’entreprise et le risque d’emprisonnement individuel dans les affaires criminelles d’entreprise, ainsi que l’atteinte à la réputation subie par les entreprises reconnues coupables de crimes en col blanc, sont un moyen de dissuasion très fort pour les récidives et un moyen de dissuasion général pour d’autres entreprises. Il est peu probable qu’une radiation automatique de cinq ans des marchés publics canadiens contribue beaucoup plus à la dissuasion. Toutefois, cela aura un impact négatif sur les entreprises canadiennes (et leurs employés) même si elles ont considérablement remanié leur gestion et leurs pratiques. La radiation automatique nuira également aux contribuables canadiens en éliminant les fournisseurs potentiels et en réduisant le nombre de concurrents qui soumissionnent pour des contrats publics (ce qui aura pour effet de réduire la concurrence sur les prix).

L’affirmation de TPSGC selon laquelle le nouveau régime encouragera les fournisseurs à divulguer de façon proactive les inconduites semble tout aussi erronée. Contrairement aux États-Unis, qui peuvent offrir des accords de report ou de non-poursuite pour permettre aux entreprises qui confessent volontairement leurs péchés d’éviter la radiation, le seul avantage que le Régime offrira à ces entreprises est que leur période d’inadmissibilité peut commencer plus tôt. Ces entreprises seront toujours confrontées à une période d’inadmissibilité minimale de cinq ans, plus que suffisamment longue pour avoir des conséquences graves, voire existentielles, si elles dépendent fortement des contrats d’approvisionnement fédéraux. Les entreprises qui font face à une exposition juridique au Canada ou à l’étranger et qui comprennent une inadmissibilité potentielle en vertu du Régime d’intégrité voudront donc examiner attentivement leurs options, avec l’aide d’un conseiller juridique expert.

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