La Cour canadienne certifie le recours collectif Visa/Mastercard

28 mars 2014

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Par Robert W. Staley, Michael A. Eizenga et Emrys Davis1

Dans les motifs rendus publics le jeudi 27 mars 2014, le juge en chef Bauman a certifié deux catégories de commerçants canadiens qui allèguent un complot de fixation des prix lié aux frais d’interchange visa et mastercard. En tant que première décision de certification contestée dans une affaire de fixation des prix depuis une série de décisions récentes de la Cour suprême du Canada, Watson c. Bank of America Corporation fournit un aperçu critique de la façon dont les tribunaux statueront sur les motions de certification contestées dans les recours collectifs complexes de fixation des prix.

Contexte et décision

Mme Watson a allégué que les défendeurs, Visa, MasterCard et la plupart des principales institutions financières du Canada, avaient comploté pour fixer le prix des frais d’interchange. Ces frais constituent la plus grande partie des frais que les commerçants paient pour utiliser les réseaux de cartes de crédit Visa et MasterCard. Mme Watson a allégué que les frais d’interchange plus élevés, ainsi que certaines règles du réseau, causent des dommages aux commerçants canadiens qui acceptent les cartes Visa et MasterCard. Les défendeurs ont vigoureusement nié les allégations de Mme Watson. Ils se sont joints à la question sur tous les critères de certification sauf un, mais ont été en grande partie infructueux.

Le juge en chef Bauman a poursuivi la tendance à certifier les cas de fixation des prix. Il a certifié des questions communes liées (i) aux violations alléguées de l’interdiction de fixation des prix prévue par la loi dans la Loi sur la concurrence, (ii) aux allégations d’un complot à des fins prédominantes, et (iii) aux recours parasitaires de restitution découlant du complot à des fins prédominantes. Notant que les défendeurs contestaient l’ensemble de la théorie de l’affaire des demandeurs, il a rejeté la myriade d’arguments des défendeurs au cours d’une décision de 117 pages.

Le juge en chef Bauman a fait remarquer que les défendeurs ont avancé des arguments allant au fond de la réclamation sous-jacente. L’accréditation est procédurale et ne porte que sur la question de savoir si l’affaire peut être instruite en tant que groupe, et non sur la question de savoir si le demandeur aura ou non gain de cause sur le fond au procès. Les défendeurs avaient soutenu que le demandeur devait démontrer l’existence d’une [traduction] « véritable controverse » sur le fond à l’étape de la certification. Le juge en chef Bauman a rejeté les tentatives des défendeurs d’importer une norme de « plausibilité » twombly modifiée aux critères de certification. Il a réitéré qu’au moment de la certification, l’acte de procédure du demandeur doit être considéré comme vrai et qu’il suffit de divulguer une réclamation raisonnable. Il n’est pas nécessaire que le demandeur établisse l’expression « véritable controverse ».

D’autre part, le juge en chef Bauman a rejeté les allégations de Mme Watson pour i) complot illégal, ii) ingérence intentionnelle dans les relations économiques, iii) fiducie par interprétation et iv) violation des dispositions législatives de la Loi sur la concurrence relatives au maintien des prix.

Ne peut pas lier les réclamations non prévues par la loi aux violations de la loi

En rejetant la demande de la demanderesse pour un complot illégal, le juge en chef Bauman s’est appuyé sur la récente décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Wakelum v. Wyeth Consumer Healthcare/Wyeth Coins de Santé Inc., 2014 BCCA 36. Dans cette affaire, la Cour d’appel a statué qu’une violation de la Loi sur la concurrence ne pouvait fonder d’autres recours en matière de responsabilité délictuelle et de restitution parasitaire. La cause d’action prévue à l’article 36 est plutôt la seule réparation en cas de violation de la Loi sur la concurrence. Sur ce fondement, le juge en chef Bauman a conclu que [traduction] « les réclamations de la demanderesse en vertu de la Loi sur la concurrence ne peuvent constituer le fondement d’autres causes d’action. Il n’est pas loisible à la demanderesse de plaider l’enrichissement sans cause ou la renonciation à la responsabilité délictuelle dans la mesure où ces actes de procédure reposent sur des actes qui ne sont illégaux qu’en raison de la Loi sur la concurrence. [...] De plus, le complot illégal du demandeur doit échouer, car il est entièrement fondé sur une violation de la Loi sur la concurrence.

Bien que la cour se soit divisée en ce qui concerne la certification de certaines causes d’action, mais pas de toutes, les conséquences pratiques de la décision restent à voir. Les demandeurs ont déjà eu recours à des recours en matière de restitution dans le but d’contourner la possibilité d’enquêtes individuelles fondées sur les pertes. Mais comme les tribunaux certifient les causes d’action prévues par la loi en se fondant sur un examen minimal de la preuve d’expert, les demandeurs n’ont peut-être plus besoin de recours en matière de restitution pour établir des questions communes et qu’un recours collectif est la procédure préférable.

Un examen minimal ne signifie pas qu’il n’y a pas d’examen

Étant donné que la Cour suprême du Canada a statué que (i) la preuve économique d’expert des demandeurs au moment de la certification ne doit satisfaire qu’à une norme « crédible et plausible », et (ii) que les juges de certification ne doivent pas soupeser les rapports d’experts concurrents lors de la certification, la chance des défendeurs de contester de manière significative la preuve économique d’expert des demandeurs lors de la certification semblait faible. Watson devrait donner un peu d’espoir aux défendeurs.

Bien que le juge en chef Bauman ait reconnu qu’il ne pouvait pas soupeser les rapports d’experts concurrents, il n’a pas rejeté d’un seul coup les critiques de la défenderesse. Il a plutôt noté leurs critiques et s’est demandé si l’expert de la demanderesse avait répondu à ces critiques de manière à ce qu’il y ait [traduction] « un certain fondement factuel » à la similitude des éléments liés à la perte des causes d’action. En d’autres termes, le juge en chef Bauman a examiné s’il existait une lacune fatale dans le rapport d’expert du demandeur et s’il était resté sans réponse. Il n’a trouvé aucun défaut sans réponse.

Bien que son examen de la preuve d’expert du demandeur ait été minime, il n’était pas superficiel. C’est une bonne nouvelle pour les défendeurs. Saper la crédibilité et la plausibilité de l’expert de la demanderesse peut être l’un des derniers bastions des défendeurs à résister à la certification dans les réclamations de fixation des prix au Canada.

Takeaways

Watson poursuit une tendance dans laquelle les tribunaux semblent déterminés à abaisser la barre de la certification, à éviter toute évaluation du bien-fondé à l’étape de la certification et à pousser les recours collectifs vers une décision sur le fond. Dans de nombreux recours collectifs, le demandeur concoctera des plaidoiries qui pourraient révéler une cause d’action, mais qui sont probablement incapables de prouver sur le fond. En certifiant certaines des causes d’action plaidées, le juge en chef Bauman a souligné franchement les difficultés auxquelles la demanderesse sera confrontée pour prouver sa cause au procès. D’autant plus que le seuil du jugement sommaire est consciemment abaissé dans certaines provinces, nous pourrions voir une tendance vers la pratique des requêtes à l’étape du jugement sommaire, alors que les défendeurs cherchent à rejeter certaines des réclamations très ténues qui peuvent être certifiées compte tenu de l’état actuel du droit des recours collectifs.

Notes

  1. Bennett Jones LLP agit pour le compte de la défenderesse Bank of America Corporation qui a conclu une entente de principe pour régler l’action contre Bank of America seulement. L’accord attend l’approbation du tribunal.

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