Bennett Jones Perspectives économiques de l’automne 2012

27 novembre 2012

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Croissance économique : le chemin cahoteux à parcourir

Depuis nos perspectives économiques du printemps 2012, la crise dans la zone euro s’est aggravée et la croissance dans les économies émergentes a chuté plus que prévu, avec des retombées négatives sur les États-Unis et le Canada. L’incertitude quant aux politiques futures et à leurs effets demeure omniprésente et les risques pour la croissance à court terme sont encore principalement à la baisse. En supposant que des compromis politiques soient réalisés et que des échecs politiques majeurs soient évités, les économies avancées connaîtront une croissance modérée et les économies de marché émergentes (EME) connaîtront une expansion relativement robuste au cours des deux prochaines années, tandis que les prix des produits de base devraient rester à peu près aux niveaux actuels mais connaître une plus grande volatilité. Les effets hérités de la crise financière et de la récession continuent de peser sur la reprise mondiale par le biais du désendettement du secteur privé et de l’assainissement des finances publiques. Toutefois, une diminution du désendettement, à mesure que la dette privée tombe à des niveaux plus prudents par rapport aux revenus et que les déficits gouvernementaux sont contenus, ouvre la voie à une meilleure croissance dans les économies avancées vers le milieu de la décennie.

Dynamique récente de l’économie mondiale

Après un solide rebond en 2010, la croissance mondiale a faibli en 2011 et a encore chuté en 2012, la zone euro ayant connu un déclin absolu de l’activité cette année et les EME un ralentissement marqué de la croissance. Le désendettement du secteur privé et le resserrement de la politique budgétaire ont contribué à contenir la croissance dans les économies avancées, comme il fallait s’y attendre à la suite d’une grave crise financière. En outre, les retombées du choc de la zone euro sur la croissance mondiale, l’impact négatif du resserrement des politiques monétaires et de crédit dans les pays émergents en 2010-11 et, dans une moindre mesure, un rebond des prix du pétrole après leurs creux de récession ont constitué d’importants vents contraires à la reprise mondiale. Des politiques monétaires plus faciles dans les économies avancées et une croissance toujours solide dans les pays émergents ont atténué ces facteurs défavorables, mais de moins en moins à mesure que la crise de l’euro s’est aggravée et que l’incertitude quant aux politiques futures et à leurs effets est devenue plus omniprésente.

Récemment, les pays émergents ont assoupli leurs politiques économiques, le marché du logement aux États-Unis a commencé à s’améliorer, bien qu’à partir d’un niveau très déprimé, et la politique monétaire dans les économies avancées a été encore assouplie, y compris aux États-Unis, où un nouveau cycle de politique monétaire non conventionnelle (QE3) est en cours de mise en œuvre, et dans la zone euro, où un nouveau programme souverain d’achat d’obligations, sous réserve d’un ajustement macroéconomique ou d’un programme de précaution avec le FESF/CESM (Fonds européen de stabilité financière/Mécanisme européen de stabilité), est prêt à être mis en œuvre. En principe, tout cela devrait contribuer à stimuler la demande intérieure, l’emploi et la confiance, avec des effets positifs sur le commerce international et donc sur la demande extérieure. Néanmoins, une incertitude considérable persiste quant à la viabilité de la zone euro (compte tenu des politiques et des réformes encore nécessaires pour s’attaquer à ses problèmes bancaires, budgétaires et de compétitivité), sur la façon dont le « précipice budgétaire » aux États-Unis va se dérouler, et sur la façon dont les politiques réussiront à soutenir la croissance dans les grandes entreprises de gestion. Bien que les annonces de politique monétaire aient alimenté une reprise financière à la fin de l’été, l’incertitude s’est poursuivie et continue de dissuader les investissements et l’embauche des entreprises, en particulier dans la zone euro où elle contribue au resserrement des normes de crédit.

Perspectives à court terme : 2012-2014

Pour ce qui est de l’avenir, de nombreux scénarios pourraient se dérouler à court terme, allant d’une récession dans les économies avancées accompagnée d’une faible croissance des marchés émergents en cas d’échecs majeurs des politiques, à un décollage de la croissance mondiale rappelant les reprises passées en cas de mesures politiques décisives inattendues. Un résultat plus probable est que des mesures de soutien et l’absence d’escalade des prix du pétrole permettent à la confiance de s’améliorer, aux dépenses privées et à l’embauche de reprendre, et à la croissance mondiale de se stabiliser puis d’augmenter vers son taux potentiel. D’ici le milieu de la décennie, une diminution rapide du désendettement dans les économies avancées, ou même un réendettement dans certains cas, pourrait préparer le terrain pour une période de croissance supérieure à la tendance.

Dans ce scénario, l’inflation est bien contenue, les taux d’intérêt à court terme restent très bas jusqu’à la fin de 2014, tandis que la politique monétaire non conventionnelle a tendance à abaisser les taux d’intérêt à long terme et à augmenter le prix des actifs risqués. Les prix des produits de base risquent de perdre du terrain à court terme dans la mesure où les perspectives de croissance sont remises en question, mais on s’attend néanmoins à ce qu’ils demeurent élevés, bien qu’ils soient soumis à une volatilité considérable.

Conformément à ce scénario de référence, la croissance mondiale moyenne est d’environ trois pour cent en 2012 et 2013 avant de se reprendre à 3,5 pour cent en 2014. La zone euro connaît une baisse de l’activité au cours des trois derniers trimestres de 2012 et un léger rebond en 2013, lorsqu’une reprise des exportations en réponse à la dépréciation antérieure de l’euro et un modeste renforcement de la demande extérieure surmontent le frein exercé par la demande intérieure. Le désendettement des ménages, des gouvernements et du secteur financier pèse sur la demande intérieure, qui commence néanmoins à croître en 2014 à mesure que la confiance s’améliore progressivement et que les conditions financières s’assouplissent quelque peu en réponse aux mesures provisoires prises en vue d’une union bancaire et d’une plus grande intégration budgétaire.

La croissance aux États-Unis demeure près de deux pour cent au cours de la deuxième moitié de 2012. Nous jugeons qu’il y aura un compromis politique lié à la question du précipice budgétaire. Dans ce scénario de compromis, la croissance ralentit au début de 2013 en raison d’un resserrement de la politique budgétaire, mais, encouragée par le récent assouplissement de la politique monétaire et la diminution du désendettement des ménages, elle se raffermit par la suite de façon marquée et, pour l’ensemble de l’année, les moyennes sont légèrement supérieures à deux pour cent. Le ralentissement budgétaire réduit la croissance du PIB réel d’environ 1,5 point de pourcentage en 2013 (et 2014), soit 0,5 point de plus qu’en 2012, mais considérablement moins que les trois points environ (d’ici la fin de 2013) impliqués par le précipice budgétaire potentiel complet selon le Congressional Budget Office des États-Unis. Les exportations, alors que la demande extérieure reprend, soutiennent une croissance plus forte en 2013; l’investissement des entreprises, à mesure que l’incertitude diminue et que les entreprises commencent à activer leurs flux de trésorerie importants; et l’investissement résidentiel, à mesure que l’emploi prend de l’ampleur, que le nombre de logements vacants diminue et que la construction augmente graduellement pour atteindre des niveaux compatibles avec la demande démographique. La croissance ralentit quelque peu en 2014, mais pour l’ensemble de l’année, elle est légèrement supérieure à trois pour cent en moyenne.

Perspectives à court terme de croissance de la production (%)

  2011 2012 2013 2014
Canada 2,4 (2,5) 2 (2.4) 2.2 (2.4) 2,5
États-Unis* 1,8 (1,7) 2 (2.3) 2,3 (2,5) 3+
Zone euro* 1,5 (1,5) -0,5 (-0,4) 0,2 (0,9) 1
Chine 9,2 (9,2) 7,7 (8,2) 7,7 (8,5) 8
Monde 3,8 (3,8) 3 (3.2) 3+ (3,5) 3,5

*Cette projection suppose qu’un compromis politique est atteint aux États-Unis et dans la zone euro. Les chiffres entre parenthèses sont tirés des Bennett Jones Printemps 2012 Perspectives économiques.

La croissance en Chine reste proche de huit pour cent tout au long de la période 2012-2014, nettement inférieure à celle de 2011, en grande partie en raison d’une croissance plus faible des exportations et de l’investissement, mais plus conforme aux projections du dernier plan quinquennal. Le récent assouplissement des politiques monétaire et budgétaire, y compris l’approbation accélérée des projets d’infrastructure publique, aide à stimuler la croissance de la demande intérieure, tandis que les exportations se redresseraient quelque peu en 2013 à mesure que la demande extérieure se raffermait. Nous nous attendons à une appréciation réelle plutôt modeste du renminbi. Sur le plan structurel, la Chine est toujours confrontée au défi de gérer la transition vers une croissance axée sur les consommateurs et de renforcer son système financier.

La croissance du Canada demeure relativement proche d’une moyenne de 2,2 % par année au cours de la période de 2012 à 2014. Des conditions financières exceptionnellement accommodantes, des termes de l’échange favorables et un certain assouplissement du ralentissement budgétaire du gouvernement fédéral soutiennent la croissance de la demande intérieure. Un renforcement des secteurs de l’économie américaine qui stimulent spécifiquement les exportations canadiennes compense l’impact négatif du manque de compétitivité des coûts des industries canadiennes. Le dollar canadien devrait demeurer près de la parité avec le dollar américain, soutenu par les exportations de produits de base, les flux de capitaux refuges et les retombées de la politique monétaire mondiale. Parmi les autres facteurs qui freinent la croissance au Canada, mentionnons la construction excessive récente de logements (en particulier de condos) dans certaines villes, qui devrait entraîner une baisse de l’investissement dans le logement au cours des deux prochaines années, et l’endettement élevé des ménages, qui devrait freiner la croissance de la consommation. De plus, la faiblesse des finances provinciales (surtout en Ontario et au Québec) limite l’investissement public et induit des problèmes de relations de travail. Les principaux défis auxquels le Canada devra faire face dans les années à venir comprennent donc l’amélioration de la croissance de la productivité et de la compétitivité des coûts, la réduction de l’endettement des ménages par rapport au revenu et le renforcement des finances provinciales.

Risques majeurs

Les principaux risques pour nos perspectives d’automne sont principalement à la baisse et principalement liés à des défaillances majeures des politiques. Premièrement, le Congrès américain pourrait ne pas réussir à résoudre le problème du précipice budgétaire et le frein budgétaire qui en résulterait mettrait l’économie américaine à l’arrêt en 2013, sinon en récession, avec des retombées négatives sur le reste du monde. Deuxièmement, la crise bancaire et de la dette souveraine dans la zone euro pourrait s’aggraver, aggravant la récession dans les pays de la périphérie et entraînant des pertes de production importantes dans le reste du monde. Troisièmement, la transition vers une économie plus équilibrée en Chine pourrait faiblir et des politiques plus faciles pourraient ne pas soutenir la croissance, encore une fois avec des retombées négatives sur le reste du monde. Enfin, la possibilité d’une hausse des prix du pétrole demeure un risque supplémentaire à la baisse pour la croissance mondiale compte tenu des risques géopolitiques persistants et d’autres sources potentielles de perturbation de l’approvisionnement en pétrole. D’autre part, l’un des risques à la hausse pour 2014 est la possibilité qu’une résolution étonnamment bonne des problèmes budgétaires génère plus de confiance, des investissements des entreprises plus forts et une croissance plus rapide dans les économies avancées que ce qui est pris en compte dans notre scénario de référence.

Quelques répercussions pour les entreprises canadiennes

Comme nous l’avons souligné dans nos perspectives du printemps 2012, des bilans solides, combinés à des taux de financement très bas et à un dollar canadien fort, offrent des conditions favorables à l’acquisition de nouveaux biens d’équipement et aux investissements connexes dans l’amélioration de l’efficacité et l’innovation de produits. Les avantages d’une augmentation de l’investissement devraient se faire de plus en plus sentir à mesure que la croissance de la demande globale aux États-Unis commence à s’accélérer en 2013. Au cours de la prochaine année, les entreprises canadiennes seront confrontées à un défi concurrentiel pressant découlant de la vigueur du dollar canadien (qui devrait demeurer près de la parité), d’une croissance de la productivité relativement faible, de l’accélération des coûts de main-d’œuvre (en particulier dans l’Ouest canadien) et de pénuries plus graves de certaines compétences dans l’ensemble du pays, nous sommes d’avis que le pessimisme actuel n’est pas justifié. D’ici le milieu de la décennie, nous devrions en être au début d’un cycle de croissance à plus long terme.

Questions commerciales

Les perspectives ci-dessus reposent sur l’absence de changement de politique commerciale qui aurait des effets importants sur la croissance mondiale au cours des deux ou trois prochaines années. Bien que le Cycle de Doha semble être mort, il y a une activité bilatérale considérable pour réduire les obstacles au commerce.

Dans son document du 31 octobre intitulé « Summary of WTO Report on G20 Trade Measures », le Directeur général Pascal Lamy observe: « Il y a eu un ralentissement de l’imposition de nouvelles mesures restrictives pour le commerce par les économies du G-20 au cours des cinq derniers mois. Néanmoins, les nouvelles mesures s’ajoutent au stock de restrictions mises en place depuis le déclenchement de la crise mondiale, dont la plupart restent en vigueur.

De manière inquiétante, il ajoute: « À une époque de difficultés économiques continues, les frictions commerciales semblent s’accroître. Elles se reflètent non seulement dans les affaires de recours commerciaux et de règlement des différends dans le cadre de l’OMC, mais aussi par les décisions affectant l’investissement étranger et la participation aux programmes de marchés publics liés aux infrastructures. »

Notant que les perspectives de l’économie mondiale sont très incertaines, il observe: « Le Secrétariat de l’OMC a récemment révisé à la baisse ses prévisions de croissance du commerce mondial en 2012 à 2.5% par rapport à sa prévision de 3.7% publiée en avril 2012. Le volume de la croissance du commerce en 2013 devrait maintenant être de 4,5%, toujours en dessous de la moyenne annuelle à long terme de 5,4% au cours des 20 dernières années. »

Sur le front des négociations commerciales, il y a des efforts considérables à l’OMC pour sauver des morceaux de ce qui était sur la table dans le cadre du Cycle de Doha, mais il y a de fortes chances que tout cela se produise. D’autre part, les efforts visant à lancer une négociation plurilatérale en vue de libéraliser le commerce des services dans le cadre de l’OMC progressent. Ces négociations débuteront probablement au cours de la nouvelle année.

En dehors de l’OMC, il se passe beaucoup de choses dans ce qui est devenu connu sous le nom de libéralisation concurrentielle du commerce par le biais de négociations bilatérales et régionales – concurrentielles parce que le processus exerce une pression considérable sur les pays pour qu’ils soient les premiers à négocier des accords afin qu’ils jouissent d’un avantage en obtenant un accès sans obstacle avant leurs concurrents. Ne pas agir rapidement peut entraîner une discrimination négative et la perte de marchés.

Le Canada et le Mexique se joignent aux États-Unis et à huit autres pays en tant que participants à part entière à la 15e série de négociations du Partenariat transpacifique à Auckland en décembre. On s’attend à ce que ces négociations s’intensifient en 2013. D’autres pays, notamment le Japon et la Thaïlande, seraient intéressés à participer aux pourparlers.

Les négociations globales de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne semblent entrer dans leur phase finale cruciale et pourraient bien se terminer d’ici un mois ou deux.

La première série complète de négociations sur ce qu’on appelle le Partenariat économique Canada-Japon a commencé à Tokyo le 26 novembre.

Ces développements offrent l’espoir que le programme de négociations commerciales du gouvernement Harper fonctionne.

Toutefois, les efforts visant à relancer les négociations d’ALE avec la Corée du Sud, qui étaient au point mort, n’ont pas encore été couronnés de succès.

Il semble de plus en plus probable que les États-Unis et l’UE entreront dans des négociations de libre-échange en 2013. Un accord entre ces deux grandes puissances modifierait radicalement le paysage commercial. Cela pourrait même susciter l’intérêt d’essayer de consolider les diverses réalisations bilatérales et régionales dans un accord multilatéral à l’OMC. Cela pourrait être un sujet d’intérêt pour le prochain Directeur général de l’OMC, qui entrera en fonction le 1er septembre 2013, à l’issue d’un processus de sélection commençant le 1er décembre.

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