Approchez les DP, les appels d’offres et les documents d’approvisionnement avec soin

09 mars 2010

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Écrit par Paul D. Blundy

Dans l’affaire Tercon Construction Ltd. c. Colombie-Britannique (Ministère des Transports et de la Voirie) (2010 CSC 4), la Cour suprême du Canada a fourni un cadre analytique pour l’interprétation d’une clause excluant la responsabilité dans le contexte d’une demande de propositions, donnant aux propriétaires des raisons d’examiner attentivement la rédaction de documents de DP, d’appel d’offres ou d’autres documents d’approvisionnement à l’avenir.

La décision concernait une demande de propositions de 2001 du ministère des Transports et de la Voirie de la Colombie-Britannique pour la construction d’une route de 35 millions de dollars. Selon les modalités de la demande de propositions, seulement six soumissionnaires étaient admissibles à soumettre une proposition. Ces soumissionnaires admissibles comprenaient Tercon Contractors Ltd., l’appelante, et Brentwood Enterprises Ltd., qui ont tous deux été sélectionnés comme promoteurs présélectionnés.

Manquant d’expertise dans des aspects clés de la construction et faisant face à une capacité de cautionnement local limitée, Brentwood a conclu un accord avec une autre entreprise de construction pour former une coentreprise. Bien que l’offre ait été présentée au nom de Brentwood, la Cour a conclu qu’elle était, en substance, au nom de la coentreprise. Le partenaire de Brentwood n’était pas un soumissionnaire admissible aux termes de la DP et n’aurait pas été autorisé à présenter une soumission de son propre chef. Malgré le fait que la province était au courant de l’accord de coentreprise et pensait qu’une soumission au nom de la coentreprise ne pouvait pas être envisagée, la province a attribué le contrat à Brentwood.

Tercon a intenté une poursuite pour violation du contrat d’appel d’offres qu’elle a conclu avec la province dans le cadre du processus de demande de propositions, alléguant que la province avait examiné et accepté une soumission non admissible. Le fond du différend entre Tercon et la province était la clause d’exclusion de responsabilité contenue dans la DP, qui prévoyait en partie que :

« ... aucun promoteur n’aura de réclamation pour une quelconque compensation de quelque nature que ce soit, à la suite de sa participation à la présente demande de propositions, et en soumettant une proposition, chaque promoteur sera réputé avoir convenu qu’il n’a aucune réclamation. (non souligné dans l’original)

Bien que la Cour ait été unanime sur l’analyse de ce qui devrait être appliqué lorsqu’elle examine le caractère exécutoire d’une clause d’exclusion dans le contexte d’une DP ou d’une soumission, elle a été divisée 5-4 dans son interprétation de la question de savoir si la clause en question s’appliquait aux circonstances de la demande d’indemnisation de Tercon.

Tant la majorité que la minorité ont suivi l’exemple établi par la Cour dans l’arrêt La Reine du chef de l’Ontario c. Ron Engineering & Construction (Eastern) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 111 (Ron Engineering) qui a conclu à l’intention de créer un contrat exécutoire pour le processus d’approvisionnement, dont les termes étaient les termes utilisés dans la demande de propositions. La Cour a profité de l’occasion pour établir un cadre analytique à utiliser pour déterminer le caractère exécutoire d’une clause d’exclusion dans un marché.

Le cadre d’analyse applicable a été présenté sous la forme d’une série de trois enquêtes menées par le juge Binnie au nom de la minorité. La première question est de savoir si la disposition d’exclusion s’applique aux circonstances en question. Il s’agit d’une question d’interprétation qui dépend de l’appréciation par le tribunal des intentions des parties telles qu’elles sont exprimées dans le contrat dans son ensemble. Si la clause d’exclusion s’applique, le tribunal doit alors déterminer si elle est valide en ce qu’elle n’est pas déraisonnable entre les parties. Pour ce faire, il faut se demander s’il existait des facteurs tels qu’une inégalité dans le pouvoir de négociation au moment de la conclusion du contrat. Enfin, si la clause d’exclusion est à la fois applicable et valide, le tribunal peut se demander s’il devrait refuser de l’appliquer en raison de l’existence d’une considération publique primordiale et importante.

L’opinion du juge Cromwell, au nom de la majorité, a adopté le cadre d’analyse, mais a tenu davantage compte des soumissionnaires, en mettant l’accent sur la nature du processus d’appel d’offres et son devoir implicite inhérent d’équité. En accueillant l’appel et en rétablissant la conclusion du juge de première instance selon laquelle la clause d’exclusion ne s’appliquait pas aux circonstances de la demande d’indemnisation de Tercon, le juge Cromwell a posé la question essentielle de savoir si la clause d’exclusion, correctement interprétée, excluait la responsabilité de la province ayant examiné une soumission d’un soumissionnaire non admissible qui n’était pas du tout censé « participer au processus de la DP ». Selon l’interprétation de la majorité, un élément clé de la « participation à cette DP » était la participation à un concours parmi les personnes admissibles à participer. Un processus impliquant des soumissionnaires non admissibles n’était pas ce qui était demandé par cette DP et n’équivalait pas, dans un sens significatif, à « participer à cette demande de propositions ». L’acceptation d’une soumission d’un soumissionnaire non admissible « attaque la prémisse sous-jacente du processus », et la majorité a conclu que les parties n’auraient pas pu avoir l’intention de renoncer à leur responsabilité pour une telle attaque.

Le juge Binnie, au nom de la minorité, a souligné « l’intérêt public très fort » à maintenir et à faire respecter des contrats librement négociés, et a déclaré que la partie qui cherche à éviter l’exécution doit souligner une certaine « considération primordiale de l’ordre public » afin de l’emporter sur cet intérêt public et de faire échec aux droits contractuels des parties. Le juge Binnie a donné à la disposition d’exclusion une interprétation plus littérale. En présentant une soumission, Tercon a « participé » au processus de demande de propositions qui, à première vue, a déclenché l’application de la clause d’exclusion. Nier une telle participation serait, selon le juge Binnie, une « interprétation tendue et artificielle » pour éviter ce qui pourrait être interprété avec le recul comme une clause injuste. Il n’y avait pas de déséquilibre pertinent dans le pouvoir de négociation, et l’intérêt de l’ordre public dans un processus d’appel d’offres équitable et transparent n’était pas suffisant pour l’emporter sur la protection accordée à la province par la clause d’exclusion que Tercon a librement acceptée. Tant que les entrepreneurs sont prêts à soumissionner à de telles conditions, le juge Binnie a conclu qu’il n’appartient pas au tribunal « de les sauver des conséquences de leur décision de le faire ».

Tant la majorité que la minorité ont d’abord abordé la demande de propositions afin de déterminer si elle visait à créer des relations contractuelles. Concluant que le document d’approvisionnement était destiné à constituer un contrat entre le propriétaire et les soumissionnaires, suivant la ligne de conduite établie des affaires commençant par Ron Engineering, la Cour a appliqué les principes d’interprétation du contrat au contrat créé par les documents d’approvisionnement sans tenir compte de toute distinction selon qu’il s’agissait d’une demande de propositions, d’un appel d’offres ou d’une soumission.

Le message clair pour les propriétaires est qu’ils doivent aborder la rédaction des documents d’approvisionnement avec le même niveau de soin que les contrats qu’ils prévoient conclure avec le promoteur retenu. Les documents d’approvisionnement sont des contrats contraignants qui seront interprétés par les tribunaux comme des contrats commerciaux. À défaut de le faire dans ce cas, le propriétaire a perdu plusieurs millions de dollars. Les exclusions de responsabilité doivent donc être soigneusement rédigées pour s’assurer qu’elles sont jugées applicables dans les circonstances prévues. Le libellé d’une disposition d’exclusion efficace doit être clair et sans ambiguïté.

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