La Commission des valeurs mobilières de l’Alberta demande à la CSC l’autorisation d’interjeter appel de la décision relative à un délit d’initié dans l’affaire Walton

17 novembre 2014

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Écrit par Nicholas P. Fader, Jon C. Truswell and Adrienne E. Roy

L’Alberta Securities Commission (ASC) a demandé à la Cour suprême du Canada l’autorisation d’interjeter appel de la décision rendue en août 2014 par la Cour d’appel de l’Alberta (Cour) dans l’affaire Walton v Alberta (Securities Commission), 2014 ABCA 723 – une décision qui a suscité une attention juridique et médiatique considérable. Dans l’affaire Walton, la Cour a infirmé diverses décisions de l’ASC concernant les dispositions relatives aux délits d’initiés, aux pourboires et aux dispositions de recommandation/encouragement de la Securities Act (Alberta). Les points focaux de la demande d’autorisation de l’ASC concernent les éléments de preuve nécessaires pour prouver les allégations de délit d’initié illégal, de dénonciation et de recommandation/encouragement, ainsi que les sanctions qui peuvent être imposées par l’ASC aux personnes reconnues coupables d’avoir eu une telle conduite. Les commentateurs ont laissé entendre que, si la décision de la Cour dans l’affaire Walton est maintenue, la capacité de l’ASC de poursuivre de futures affaires de délit d’initié sera compromise, en particulier lorsqu’une personne est accusée d’avoir recommandé à une autre personne d’acheter ou de vendre des titres ou l’a encouragée à le faire.

Historique

Les procédures dans l’affaire Walton découlaient de la prise de contrôle d’Eveready Inc. par Clean Harbors Inc. en juillet 2009. À l’époque, Eveready était un émetteur déclarant dont les actions étaient inscrites à la Bourse de Toronto. À la fin de 2008, le cours de l’action d’Eveready avait considérablement baissé par rapport aux sommets précédents, ce qui a conduit Clean Harbors à entamer des discussions avec le personnel d’Eveready concernant un regroupement d’entreprises (fin octobre 2008) et finalement à faire une proposition pour acquérir Eveready (en avril 2009).

Bert Holtby a pris connaissance des discussions Eveready / Clean Harbors en sa qualité de directeur d’Eveready. L’ASC a déterminé que ces discussions représentaient un « fait important » aux fins de la Loi sur les valeurs mobilières et Holtby a fait un usage inapproprié de ces renseignements non publics importants en :

  1. la négociation d’actions d’Eveready;
  2. pourboire d’autres, qui ont également négocié des actions d’Eveready; et
  3. encourager les autres à faire du commerce.

Au total, l’ASC a déterminé que cinq personnes s’étaient livrées à des délits d’initiés illégaux, à des pourboires ou à des recommandations ou à des encouragements (ou à une combinaison de ces infractions). Les sanctions imposées par l’ASC comprenaient des interdictions de commerce, la restitution des bénéfices et des sanctions administratives pécuniaires allant de 55 000 $ à 1,75 million de dollars.

La Cour a infirmé les conclusions de culpabilité de l’ASC à l’égard de trois personnes et a ordonné que les sanctions imposées à deux personnes, dont Holtby, soient renvoyées à l’ASC pour réexamen. Pour en arriver à ses conclusions, la Cour a déterminé ce qui suit :

  1. l’ASC a interprété de façon déraisonnable l’interdiction de recommander ou d’encourager en vertu du paragraphe 147(3.1) (maintenant le paragraphe 147(5)) de la Loi sur les valeurs mobilières;
  2. les éléments de preuve examinés par l’ASC étaient insuffisants pour appuyer certaines conclusions tirées; et
  3. certaines sanctions imposées par l’ASC manquaient de justification, de transparence et d’intelligibilité.

L’interprétation de la Loi sur les valeurs mobilières

La Cour a reconnu que l’ASC est un tribunal spécialisé et qu’elle a droit à la déférence dans l’interprétation de sa loi « domiciliaire ». Par conséquent, les décisions rendues par l’ASC à cet égard ne devraient pas être infirmées en appel à moins qu’elles ne soient déraisonnables.

Le paragraphe 147(3.1) de la Loi sur les valeurs mobilières prévoit qu’il est illégal de recommander ou d’encourager d’autres personnes à négocier des titres d’un émetteur avant qu’un fait important concernant cet émetteur ne soit généralement divulgué. L’ASC a déterminé qu’il n’était pas nécessaire de démontrer qu’une personne savait ou avait l’intention que le destinataire des renseignements négocierait des titres de l’émetteur afin de prouver une violation du paragraphe 147(3.1) de la Loi sur les valeurs mobilières. La Cour a infirmé cette conclusion, statuant que pour aller à l’encontre de l’interdiction de « recommander ou d’encourager », une personne doit avoir à la fois connaissance d’un fait important et avoir l’intention de transmettre des renseignements, sachant qu’il est probable que le destinataire se fiera à ces renseignements (en achetant ou en vendant des titres). Les déclarations positives génériques au sujet d’un émetteur, par exemple, ne donneront généralement pas lieu à une violation du paragraphe 147(3.1) de la Loi sur les valeurs mobilières. La Cour a accueilli l’appel de deux des appelants, y compris Holtby, qui ont été jugés s’être livrés à des recommandations ou à des encouragements inappropriés, au motif que le dossier de preuve n’appuyait pas une conclusion selon laquelle ils avaient transmis des renseignements dans l’espoir que le destinataire utiliserait ces renseignements pour négocier des actions d’Eveready.

Norme de preuve et de preuve

La Cour et l’ASC ont toutes deux reconnu qu’il n’est souvent possible de prouver les délits d’initiés illégaux qu’en se référant à des éléments de preuve circonstanciels, et la Cour a convenu que l’ASC peut, dans des circonstances appropriées, déterminer qu’une personne s’est livrée à des délits d’initiés illégaux en fonction de sa conduite et de ses activités commerciales, par exemple. Les décisions factuelles rendues par l’ASC à cet égard peuvent également faire l’objet d’une retenue et ne devraient pas être annulées en appel à moins qu’elles ne démontrent une erreur manifeste et dominante. La Cour a également convenu avec l’ASC que des éléments de preuve clairs et convaincants étaient nécessaires pour appuyer une décision de délit d’initié illégal; toutefois, il a conclu que diverses inférences factuelles tirées par l’ASC (le contenu de certaines conversations, par exemple) ne représentaient que de simples conjectures ou conjectures et étaient, par conséquent, déraisonnables. Dans les cas où un particulier, qui n’a qu’un historique d’investissement limité dans d’importants titres versant des dividendes, par exemple, achète un nombre important d’actions d’un émetteur déclarant junior le lendemain d’une conversation sociale avec un cadre supérieur de cet émetteur qui participe à des négociations de prise de contrôle confidentielles, il peut être raisonnable de déduire que l’achat a été déclenché par des renseignements communiqués au cours de cette conversation. Toutefois, la même conclusion peut ne pas être raisonnable dans le cas d’une personne qui a des antécédents établis de placement important dans des émetteurs déclarants spéculatifs sur une période de plusieurs années (y compris par l’achat d’actions de l’émetteur en question) et dont l’achat de titres a lieu un mois ou deux après une conversation sociale avec un dirigeant de société impliqué dans des négociations de prise de contrôle confidentielles.

La décision de la Cour dans l’affaire Walton n’exclut pas l’utilisation de la preuve circonstancielle; toutefois, le refus de la Cour d’accepter certaines inférences (qui pourraient être considérées comme typiques dans les affaires de délit d’initié) tirées par l’ASC à partir des éléments de preuve disponibles établit une norme élevée pour la preuve requise pour étayer une conclusion de délit d’initié illégal, pourboire ou recommander/encourager.

Détermination des sanctions

Tous les appelants dans l’affaire Walton ont interjeté appel des sanctions imposées par l’ASC au motif que ces sanctions étaient manifestement inaptes dans les circonstances. La Cour a accepté (citant l’article 20 de la Magna Carta en route vers sa décision). 1 Elle a conclu que les sanctions pour délit d’initié ne sont pas censées être directement punitives, mais plutôt sont imposées dans le but de protéger les marchés financiers. La Cour a ajouté que la dissuasion individuelle et générale sont des considérations appropriées pour déterminer une sanction appropriée.

La sanction la plus notable de l’ASC a été une pénalité administrative de 1,75 million de dollars imposée à Holtby. La Cour a conclu que la sévérité de la sanction de Holtby était préoccupante; en outre, la pénalité manquait « de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité qu’exige la prise de décision ». (Selon la Cour, les raisons invoquées par l’ASC pour fixer la pénalité à 1,75 million de dollars ont été exprimées à un niveau général élevé et il n’a pas été possible de déterminer, avec précision, quels facteurs ont été pris en compte par l’ASC pour en arriver à ce montant.) La Cour a ensuite renvoyé l’affaire de sanction à l’ASC pour réexamen, apparemment avec l’espoir que le montant serait réduit.

Conclusion

La décision de la Cour dans l’affaire Walton peut nuire à la capacité de l’ASC de poursuivre avec succès des affaires de délit d’initié de deux façons. Premièrement, la décision de la Cour selon laquelle une personne ne contrevendra à l’interdiction de « recommander ou d’encourager » prévue dans la Loi sur les valeurs mobilières que si elle fait une déclaration en sachant qu’une autre personne y donnera suite (en achetant ou en vendant des titres) ajoute au fardeau de poursuite de l’ASC, car il sera souvent difficile d’obtenir des preuves convaincantes d’une telle connaissance (comme un aveu pur et simple d’actes répréhensibles). Deuxièmement, bien que la norme de preuve demeure inchangée, dans l’arrêt Walton, la Cour a exigé un dossier de preuve plus convaincant pour étayer les conclusions de conduite illégale. Les indices typiques de délit d’initié, tels que l’activité de négociation, la preuve d’opportunité, le motif ou une relation étroite (qui amènerait une personne à vouloir communiquer des informations au profit d’autrui), peuvent ne pas être suffisants. Bien entendu, on peut soutenir que cela est tout à fait approprié – une condamnation pour délit d’initié, pour pourboire ou recommandation/encouragement aura, selon toute vraisemblance, des répercussions importantes sur le gagne-pain et la réputation d’une personne, et une conclusion à cet égard ne devrait être tirée qu’avec l’avantage d’une preuve convaincante.

L’importance de la décision de la Cour, y compris le fait que la Cour s’écarte de la tendance jurisprudentielle générale à s’en remettre aux tribunaux experts, fera en sorte que l’appel (si l’autorisation est accordée par la Cour suprême du Canada) sera surveillé de près par les autorités en valeurs mobilières au Canada, les participants aux marchés publics et les membres du barreau des valeurs mobilières.

Remarques :

  1. L’article 20 de la Magna Carta stipule ce qui suit: « Pour une infraction banale, un homme libre ne peut être condamné à une amende proportionnelle qu’au degré de son infraction, et pour une infraction grave en conséquence, mais pas au point de le priver de son gagne-pain... »

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