L’Alberta présente d’importantes modifications législatives concernant le captage et le stockage du carbone

15 novembre 2010

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Le gouvernement de l’Alberta a mis fortement l’accent sur les projets visant à séquestrer géologiquement le dioxyde de carbone dans sa stratégie de contrôle des émissions de gaz à effet de serre dans la province. Conformément à cette stratégie, le 1er novembre 2010, le gouvernement a présenté à l’Assemblée législative le projet de loi 24, Loi de 2010 modifiant les lois sur le captage et le stockage du carbone. 1

S’il est adopté, le projet de loi 24 abordera deux domaines d’incertitude juridique affectant les projets potentiels de captage et de stockage du carbone (CSC) : premièrement, le régime d’acquisition de droits d’exploitation du sous-sol pour le CSC; et deuxièmement, l’attribution de la responsabilité à long terme pour le dioxyde de carbone séquestré (CO2). Le projet de loi 24 propose de modifier la législation existante, notamment la Loi sur les mines et les minéraux et la Loi sur la conservation du pétrole et du gaz, afin d’atteindre ces objectifs.

Propriété de l’espace interstitiel

Le projet de loi 24 prévoit la propriété expresse de l’espace interstitiel souterrain par la Couronne. Le projet de loi précise également que c’est par des baux précis de la Couronne accordant le droit d’injecter du CO2 capté que les promoteurs du CSC obtiendront le droit d’utiliser cet espace interstitiel pour la séquestration. La séquestration est définie comme l'« élimination permanente » du CO2. Ces baux pour la séquestration du carbone doivent être distincts des accords de l’État envisagés en vertu de la Loi sur les mines et les minéraux pour le « stockage » (c.-à-d. l’injection et le stockage souterrains) de substances minérales fluides comme le pétrole et le gaz.

Bien que le projet de loi 24 ne définisse pas l'« espace interstitiel » dans lequel la séquestration est envisagée, ce terme est décrit par un document d’information du gouvernement sur le projet de loi comme « les minuscules trous dans la roche poreuse qui sont inoccupés par un matériau solide. Ces minuscules trous peuvent être remplis d’huile, de gaz ou d’eau salée qui ne convient pas à l’usage humain ou animal et qui peut contenir le CO injecté2. 2

Pour clarifier la propriété de la Couronne, le projet de loi 24 ajouterait à la Loi sur les mines et les minéraux un article déclarant qu’aucune concession de « terres en Alberta, ou de mines ou de minéraux sur une terre en Alberta » n’a transféré l’espace interstitiel, et que tout l’espace interstitiel souterrain de « toutes les terres de l’Alberta » est la propriété de la Couronne du chef de l’Alberta. Les modifications proposées prévoiraient également que l’espace interstitiel est réputé être une exception dans chaque subvention originale de la Couronne aux fins de la Loi sur l’enregistrement des titres de biens-fonds. Le projet de loi 24 prévoit en outre que l’adoption des modifications relatives à la propriété est expressément considérée à toutes fins comme n’étant pas une expropriation, y compris aux fins de l’Expropriation Act de l’Alberta, et que toute demande de dommages-intérêts ou d’indemnisation de quelque nature que ce soit contre la Couronne relativement aux modifications de propriété est interdite.

Il convient de noter pour les exploitants pétroliers et gaziers existants l’affirmation du gouvernement selon laquelle le projet de loi 24 ne vise pas à affecter les projets de récupération assistée du pétrole (REE) qui injectent du CO2 pour améliorer les taux de récupération. Le gouvernement a déclaré que les modifications proposées « n’ont pas d’incidence sur (REE)3 et que la REE n’est pas expressément abordée dans le projet de loi; toutefois, la question de savoir si le gouvernement a l’intention que les projets de REE intégrant des éléments de l’élimination permanente du CO2 nécessitent des baux distincts pour séquestrer le CO2 pourrait être un point à clarifier à l’avenir.

Il est important de noter que le gouvernement ne souhaite clairement pas que la séquestration du CO2 stérilise les ressources en hydrocarbures ou affecte d’autres utilisations précieuses du sous-sol telles que le stockage du gaz. À ce titre, l’Energy Resources Conservation Board (ERCB), l’organisme provincial de réglementation des projets d’énergie et d’injection souterraine, se verrait interdire par le projet de loi 24 d’approuver un projet de CSC utilisant l’espace interstitiel de la Couronne, à moins que l’ERCB ne soit convaincu qu’il n’interférera pas avec la récupération ou la conservation du pétrole ou du gaz, ou une utilisation existante d’une formation souterraine pour le stockage de pétrole ou de gaz.

Transfert de la responsabilité à long terme pour le CO2 séquestré

Étant donné que le CO2 séquestré est destiné à rester en permanence sous terre pour éviter d’ajouter aux gaz à effet de serre atmosphériques, l’horizon temporel de la responsabilité pour ces gaz séquestrés est potentiellement perpétuel. Cet horizon de responsabilité sans fin a été considéré comme un facteur dissuasif important pour les développements potentiels en matière de CSC, ce qui a conduit à des appels en faveur d’un régime pour transférer la responsabilité à long terme pour le CO2 séquestré des exploitants de projets de CSC à l’État. Dans son rapport final de mars 2009, le Conseil de développement du captage et du stockage du carbone nommé par le gouvernement a recommandé que « la responsabilité de l’industrie ... soit éteinte après une décision de l’organisme de réglementation selon laquelle le projet répond à toutes les attentes pendant le déclassement », après quoi la responsabilité serait transférée à l’État, sous réserve d’un financement continu potentiel de l’industrie. 4

Le projet de loi 24 semble adopter cette ré-éloge. Il prévoit que le ministre de l’Énergie peut accorder un certificat de fermeture à un locataire du CSC pour un projet qui satisfait à des conditions étendues. En particulier, le projet doit être déclassé conformément à toutes les exigences réglementaires applicables, y compris les règlements concernant la surveillance et l’abandon des puits et des installations de CSC, et les exigences de remise en état en vertu du droit environnemental d’application générale de l’Alberta, l’Environmental Protection and Enhancement Act. De plus, il doit être établi que le CO2 capté « se comporte de manière stable et prévisible, sans risque important de fuite future », et qu’une période de fermeture, d’une durée qui reste à définir, doit s’écouler entre les opérations et la délivrance du certificat de fermeture.

Si un certificat de fermeture est délivré, un transfert important de responsabilité du locataire du SDSC à l’État est prévu. Entre autres choses, la Couronne : (i) devient propriétaire du CO2; (ii) assume toutes les obligations du locataire en vertu de la Loi sur la conservation du pétrole et du gaz, aux fins des exigences de conformité à l’ERCB, et de la Loi sur la protection et la mise en valeur de l’environnement; et (iii) indemnise le locataire pour les actions en responsabilité délictuelle de tiers dans le cadre du projet de CSC.

En ce qui concerne les coûts associés à la responsabilité à long terme assumée par l’État en vertu des dispositions précédentes, le projet de loi 24 prévoit la création d’un fonds d’intendance après la fermeture qui peut être utilisé par le gouvernement pour assumer ces coûts. Des frais doivent être perçus sur les locataires du projet de CSC à titre de contributions au fonds, bien que les règlements établissant ces frais n’aient pas encore été pris.

En bref, le projet de loi 24 clarifiera considérablement le régime de responsabilité à long terme pour les projets de CSC, mais laisse des considérations potentiellement importantes incertaines. Il s’agit notamment des éléments suivants :

En somme, si le projet de loi 24 est adopté, les promoteurs potentiels de CSC jouiront d’une plus grande certitude quant à l’acquisition de l’espace interstitiel et au moins d’un cadre pour le transfert de la responsabilité à long terme à l’État.

Remarques :

  1. Projet de loi 24, Loi de 2010 modifiant les lois sur le captage et le stockage du carbone, http://www.assembly.ab.ca/net/index.aspx?p=bills_status&selectbill=024.  
  2. Alberta Energy, « Amendments Guide Use of Carbon Capture and Storage Technology », 1er novembre 2010 
  3. Ibid.
  4. Alberta Carbon Capture and Storage Development Council, Accelerating Carbon Capture and Storage Implementation in Alberta: Final Report March 2009, www.energy.alberta.ca/Org/pdfs/CCS_Implementation.pdf.

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