Naviguer dans les recours collectifs multijuridictionnels

22 avril 2022

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Écrit par Keely Cameron and Alicia Yowart

Les recours collectifs parallèles, déposés dans différentes juridictions canadiennes en vertu de différentes lois provinciales sur les recours collectifs, érodent l’efficacité que les recours collectifs sont censés faciliter et risquent de faire double emploi avec des procédures et des décisions judiciaires contradictoires.

Ces dernières années, pour relever ces défis et gérer les ressources judiciaires limitées, les tribunaux se sont de plus en plus tournés vers l’encouragement de la coordination et de la communication nationales pour statuer sur les affaires qui se chevauchent.

Les tribunaux ont également accordé des sursis de précertification pour les procédures qui se chevauchent ou qui font double emploi afin d’aider à gérer les ressources judiciaires limitées, entre autres objectifs.

Les décisions rendues en 2021 par Britton c Ford du Canada et Ravvin c. Canada Bread Company Ltd illustrent comment les tribunaux de l’Alberta utilisent ces outils pour gérer des recours collectifs parallèles.

Coopération intergouvernementale

Au cours des dernières années, et particulièrement depuis le début de la pandémie de COVID-19, les juges et les avocats des recours collectifs ont cherché des occasions d’améliorer la coordination et la communication entre les tribunaux et les parties qui font face à des recours collectifs qui se chevauchent dans plusieurs juridictions canadiennes. Dans certains cas, les cabinets d’avocats ont pris les devants en organisant des consortiums pour coordonner les litiges nationaux. Dans d’autres cas, les tribunaux ont coordonné directement les actions.

Dans l’affaire Winder c. Marriott International Inc. les défendeurs faisaient face à des recours collectifs qui se chevauchaient en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse. La défenderesse a présenté simultanément une demande dans chaque ressort pour déterminer le nombre d’actions qu’elle devrait avoir à défendre. Avec le consentement des parties, les juges chargés de la gestion de l’instance dans chaque action ont adopté le Protocole judiciaire canadien pour la gestion des recours collectifs multijuridictionnels de l’Association du Barreau canadien et l’avis de recours collectif. Les parties ont convenu que les juges pourraient se parler et qu’une audience conjointe multijuridictionnelle serait tenue, avec la participation de cinq cours supérieures couvrant quatre fuseaux horaires différents.

Les parties ont finalement convenu d’aller de l’avant avec un recours collectif national en Ontario et de suspendre les procédures dans d’autres juridictions. Le juge Perell a néanmoins rendu une décision à la fin de 2020 pour « commémorer ce qui a été une collaboration remarquablement fructueuse de cinq cours supérieures de partout au pays qui favorise l’accès à la justice et l’administration équitable et efficace de la justice partout au pays ».

En 2021, dans l’affaire Britton v Ford Motor Company of Canada, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a relevé la tendance apparente de certains tribunaux à coordonner, comme encouragé dans l’affaire Winder v Marriott International Inc, et a demandé aux parties de présenter des observations sur la facilitation d’une discussion conjointe avec la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan; car les deux tribunaux faisaient face à des procédures presque identiques.

Séjours de pré-certification

Les suspensions d’instance préalables à l’accréditation sont un mécanisme important pour aider les tribunaux à gérer les recours collectifs multijuridictionnels. Les parties peuvent demander un sursis avant qu’une réclamation n’ait été certifiée en tant que recours collectif. Lorsqu’elle est confrontée à un recours collectif multijuridictionnel, une partie peut faire valoir qu’il y a déjà un recours collectif qui se chevauche dans une autre province et que la nouvelle action devrait donc être suspendue.

Pour décider s’il y a lieu de suspendre l’action, les tribunaux peuvent tenir compte de nombreux facteurs, y compris le lieu où se trouvent les parties, les délais prescrits, la progression d’autres actions, la similitude des questions en litige et les préjudices ou difficultés potentiels découlant d’une suspension.

Dans sa décision de 2021 dans l’affaire Ravvin v Canada Bread Company Ltd, la Cour d’appel de l’Alberta a réitéré que les recours collectifs nationaux faisant double emploi devraient être évités s’ils ne servent pas un objectif légitime. Un but légitime pourrait impliquer l’engagement de faits ou de lois différents, ou si des procédures distinctes sont nécessaires pour atteindre les objectifs des recours collectifs: économie judiciaire, accès à la justice et modification du comportement. Sans but légitime, les procédures faisant double emploi imposent des coûts et des fardeaux inutiles aux tribunaux du Canada et nécessitent une approche nationale coordonnée.

Récemment, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, dans l’affaire Piett v Global Learning Group Inc. a rejeté un recours collectif, soulignant que le chevauchement des procédures peut entraîner des complications, des dépenses plus élevées, des retards, de l’inefficacité et le risque de décisions contradictoires. En revanche, la Cour supérieure de justice de l’Ontario, dans l’affaire Workman Optometry v Aviva Insurance, a rejeté une demande de sursis, concluant qu’il n’y avait pas d’injustice ou de préjudice dans les circonstances en permettant la poursuite d’actions qui se chevauchent.

La Cour suprême du Canada ne s’est pas encore prononcer sur la question des recours collectifs qui se chevauchent, ayant refusé l’autorisation de participer à des affaires qui soulèvent ces questions. Ce refus peut être un signe que la Cour suprême appuie la coopération continue des cours supérieures pour gérer les questions qui se chevauchent.

La capacité de suspendre les recours collectifs multijuridictionnels qui se chevauchent est essentielle pour préserver l’efficacité judiciaire et protéger les ressources judiciaires limitées. En 2022 et au-delà, la gestion des recours collectifs qui se chevauchent dans les provinces sera de plus en plus importante à mesure que les tribunaux navigueront dans l’arriéré des cas existants et l’afflux de nouvelles affaires liées à la pandémie de COVID-19.

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