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La Cour d’appel de l’Ontario confirme la condamnation de Karigar pour corruption d’un agent public étranger

12 juillet 2017

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Écrit par Milos Barutciski and Sabrina A. Bandali

Le 6 juillet 2017, la Cour d’appel de l’Ontario a a confirmé la déclaration de culpabilité et la peine d’emprisonnement de trois ans de Nazir Karigar pour avoir accepté de soudoyer un agent public étranger en violation de la Corruption of Foreign Public Officials Act (LCAPE). Karigar avait agi à titre de mandataire de Cryptometrics Canada, une entreprise de la région d’Ottawa, dans le cadre d’un contrat visant à fournir de l’équipement de contrôle de sécurité à Air India. Le juge de première instance a déterminé que Karigar avait convenu avec d’autres personnes de soudoyer des fonctionnaires indiens afin d’obtenir les contrats et a condamné Karigar à une peine d’emprisonnement de trois ans pour avoir contrevenu à l’article 3 de la LCAPE. Le juge du procès n’a notamment pas conclu que Karigar avait effectivement versé un pot-de-vin.

Karigar a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité pour trois motifs : (i) qu’il n’y avait pas suffisamment de lien entre les éléments de l’infraction et le Canada pour satisfaire au critère du lien « réel et substantiel » pour la compétence territoriale; (ii) qu’une déclaration de culpabilité fondée sur une « entente » de paiement d’un pot-de-vin exige que la Couronne prouve une entente avec un agent public étranger; et (iii) que le juge du procès a commis une erreur quant à l’admissibilité de la preuve par ouï-dire d’un coconspirateur.

La Cour d’appel a rejeté les trois arguments. Les deux premières questions sont les plus importantes pour les affaires de corruption futures.

Premièrement, la Cour d’appel a conclu que le juge de première instance avait correctement appliqué le critère de la compétence territoriale découlant de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Libman. Un tribunal canadien peut prendre compétence à l’égard d’une infraction si une partie importante des activités qui constituent l’infraction a eu lieu au Canada. La Cour d’appel a confirmé que cela ne signifie pas que tous les éléments de l’infraction doivent être produits au Canada. Les faits suivants étaient plutôt suffisants pour établir le lien réel et substantiel requis entre le Canada et l’activité qui a donné lieu à l’infraction :

Karigar avait soutenu que le juge du procès aurait dû limiter son analyse territoriale aux éléments essentiels de l’infraction et que le juge avait commis une erreur en adoptant une approche plus large. La Cour d’appel a adopté un point de vue plus large, notant que la corruption ne pouvait être retirée des aspects légitimes de l’opération commerciale sous-jacente aux fins de l’application du critère du lien réel et substantiel.

La LCAPE a été modifiée en juin 2013 pour permettre la poursuite des citoyens canadiens, des résidents permanents et des entreprises, peu importe où l’activité se déroule (juridiction de nationalité). La décision Karigar sera donc moins pertinente pour les Canadiens qui se livrent à des pratiques de corruption à l’étranger après juin 2013. Toutefois, étant donné que l’infraction de corruption en matière de LCAPE n’est pas assujettie à un délai de prescription, l’opinion générale de la Cour d’appel sur le seuil de compétence continuera d’être pertinente pour la conduite commençant avant cette date. De plus, le critère du lien réel et substantiel continuera de s’appliquer aux particuliers et aux entreprises non canadiens. À ce titre, les cadres étrangers qui se rendent au Canada pour affaires exposeront potentiellement leur entreprise et eux-mêmes à la responsabilité criminelle du Canada s’ils se livrent à une conduite dans la poursuite d’une infraction à la LCAPE pendant qu’ils se trouvent au Canada.

La Cour d’appel a également adopté une interprétation large de l’infraction de corruption de fond en vertu de la LCAPE. L’article 3 de la Loi érigét en infraction le fait d’accorder, d’offrir ou d’accepter d’accorder ou d’offrir un prêt, une récompense, un avantage ou un avantage de quelque nature que ce soit (un « avantage ») à un agent public étranger en échange d’un avantage commercial. Bien qu’il soit clair que le fait d’offrir ou de donner un avantage à un agent étranger en échange d’un avantage commercial constitue clairement une infraction, il n’est pas nécessaire qu’une entente d’offrir ou d’accorder un avantage soit conclue avec un agent public étranger. Comme c’était le cas dans l’affaire Karigar, l’accord peut être conclu entre des personnes qui souhaitent obtenir un avantage et qui conspirent pour offrir un pot-de-vin, qu’un fonctionnaire étranger l’accepte ou même qu’il soit au courant de l’accord. L’infraction est complète une fois l’entente conclue. Tant que l’accord concerne un avantage pour un agent public étranger dans les circonstances décrites à l’article 3 de la LCAPE, il ira à l’encontre de la LCAPE.

L’affaire Karigar est importante pour l’élaboration d’une loi anticorruption au Canada. En confirmant une application large du critère du lien réel et substantiel et une interprétation large du mot « convenir » dans le contexte de l’infraction de corruption, les tribunaux affirment leur capacité de poursuivre une activité de corruption qui implique ou profite substantiellement aux Canadiens, peu importe l’avancée d’un complot en vue de commettre le crime.

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