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Qui est l’inventeur?

17 novembre 2014

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Écrit par Martin P.J. Kratz, QC

Des entrepreneurs enthousiastes consultent des agents de brevets au sujet de la protection de leur nouveau produit. Souvent, une équipe prospère pour une entreprise entrepreneuriale comprend quelqu’un avec des compétences techniques, quelqu’un avec des compétences en marketing, quelqu’un qui fournit une orientation commerciale ainsi, bien sûr, avec une ou plusieurs personnes fournissant un soutien financier. Souvent, tous veulent être nommés comme inventeurs sur une demande de brevet. Une question clé qui se pose est d’identifier qui sont les inventeurs.

La Cour fédérale a répondu à cette question dans l’affaire Drexan Energy Systems Inc c Canada (Commissaire aux brevets), 2014 CF 887, une affaire dans laquelle quatre personnes ont travaillé ensemble sur le problème du gel des tuyaux sans produits de traçage thermique et ont fabriqué un nouveau type de câble chauffant qu’elles croyaient amélioré par rapport aux produits existants.

Comme ce n’est pas rare avec de nombreuses entreprises en phase de démarrage, la relation entre le groupe initial n’a pas duré. Seuls deux des quatre étaient inscrits en tant qu’inventeurs sur la demande de brevet. Les deux autres ont demandé au commissaire aux brevets d’être ajouté en tant que co-inventeurs. Bien que le commissaire ait d’abord accepté, puis infirmé cette décision, le brevet n’a été délivré qu’avec les deux premiers comme inventeurs. Ces deux-là ont finalement cédé leurs droits à Thermon Manufacturing Co. Les deux autres personnes ont cédé leurs droits à Drexan Energy Systems, un concurrent de Thermon.

Drexan a demandé à la Cour fédérale de rendre un jugement déclaratoire portant que ces deux dernières personnes étaient des co-inventeurs du câble chauffant décrit dans l’AC 2,734,561 et de modifier les dossiers du Bureau des brevets pour montrer ce résultat. Thermon s’est opposé à la demande.

La Cour a commencé par reconnaître qu’en vertu de l’article 52 de la Loi sur les brevets[1] elle a le pouvoir d’ordonner l’ajout ou le retrait d’inventeurs d’un brevet. La Cour a noté qu’un accord entre les parties ne résout pas la question de la qualité d’inventeur. [2] Il s’agissait pour le déposant de prouver que les deux personnes étaient probablement des co-inventeurs. [3] La Cour a déclaré que pour ce faire, le demandeur devait démontrer que ces personnes étaient d’une manière ou d’une autre responsables du concept inventif, mais qu’elles n’avaient pas besoin d’en être entièrement responsables. [4] Le critère appliqué par la Cour consistait à évaluer si les personnes discutaient des concepts qui ont été incorporés dans les modes de réalisation divulgués.[5] La Cour a noté que « même des contributions mineures au concept inventif peuvent être suffisantes pour faire d’une personne un co-inventeur, tant que son ingéniosité est appliquée au concept inventif original et pas seulement à la vérification ». [6]

En examinant le concept inventif en l’espèce, la Cour a noté que ce qui était inventif n’était pas les éléments individuels de l’invention mais la combinaison de ces éléments. Par conséquent, la Cour a cherché à savoir si les personnes en question avaient non seulement suggéré des caractéristiques, mais aussi comment ces caractéristiques peuvent être combinées.

Il était clair qu’il y avait un remue-méninges généralisé dans lequel toutes les parties se sont engagées. En fin de compte, la Cour a cherché à déterminer s’il y avait eu une contribution inventive de la part des demandeurs. Comme dans le cas de tant de litiges, cette affaire comportait des témoignages contradictoires et a donc été tranchée en fonction d’une évaluation de la crédibilité relative des témoins.

Le tribunal a considéré que les deux inventeurs nommés avaient tous deux des décennies d’expérience dans la conception et la fabrication de câbles de traçage thermique, tandis que l’un des demandeurs était un vendeur de carrière et l’autre était un ingénieur en mécanique qui n’avait jamais conçu de câble de traçage thermique.

La Cour a noté qu’une demande de brevet distincte, pour une variante, avait été faite au nom de l’une des personnes (qui n’était pas nommée sur le brevet en question) et que le tribunal s’attendait donc à ce qu’il ait remarqué que le processus était différent de ce qui se passait lorsque, plus tôt, une ébauche de la demande en question avait été distribuée entre les quatre personnes ne désignant que les deux intimés comme inventeurs.

En fin de compte, en pondérer la preuve contradictoire, la Cour a noté que l’expertise des deux personnes (non désignées comme inventeurs) était principalement dans les ventes tandis que les deux inventeurs nommés avaient de l’expérience principalement dans la recherche, le développement et la fabrication. Malheureusement, il n’y avait aucune preuve écrite des contributions de la personne non nommée aux notes de conception.

La Cour a conclu que, d’après la preuve, la contribution de deux personnes (qui ne sont pas nommées comme inventeurs) était une contribution utile au dessin, mais il n’a pas été prouvé qu’elles avaient fait « autre chose que suggérer les caractéristiques souhaitées et communiquer les commentaires des clients potentiels ». [7] Le simple fait d’être utile ne constitue pas une contribution inventive.

Il y a un certain nombre de leçons à tirer de cette affaire. Premièrement, l’importance de tenir de bons dossiers écrits sur le processus de conception et de développement est d’une importance vitale. Deuxièmement, pour un contributeur non technique d’un concept inventif, il convient de noter que le tribunal a refusé de conclure à la qualité d’inventeur « de sorte que ces personnes devraient faire des efforts particuliers pour enregistrer leurs contributions inventives par écrit. Troisièmement, si une partie a un désaccord sur ce qui se passe avec un processus de demande de brevet, il est important de le soulever tôt dans le processus et de chercher une solution. Quatrièmement, si les quatre personnes s’étaient penchées sur la question de la prise en charge de leurs travaux de développement conjoint dès le début et avaient enregistré leur accord, l’affaire n’aurait peut-être jamais été soulevée. Enfin, il est important de noter que, bien que le soutien financier ou les informations marketing puissent être essentiels au succès d’une entreprise commerciale, ceux-ci ne conduisent pas, en eux-mêmes, à être un inventeur.

[1] RSC 1985, c P-4. [2] Weatherford Canada Ltd v Corlac Inc, 2010 CF 602, aff’d 2011 CAF 228 au para 104. [3] Weatherford Canada Ltd v Corlac Inc, 2010 CF 602 au para 238, af’d 2011 CAF 228 au para 99, 95 CPR (4th) 101 (var’d pour d’autres motifs) [4] Selon Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77 au para 96, une personne qui contribue au concept inventif peut être un co-inventeur sans en être l’auteur principal. [5] Plasti-Fab Ltd v Canada (Procureur général), 2010 CF 172 au para 15. [6] Gerrard Wire Tying Machines Co v Cary Manufacturing Co, 1926 CarswellNat 22 au paragraphe 32. [7] Para 56.

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