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Protection des sous-traitants impayés : la Cour suprême du Canada clarifie la Loi sur les privilèges des constructeurs

21 septembre 2015

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Un sous-traitant impayé a à la fois un privilège du constructeur et un recours en fiducie, la Cour suprême du Canada (CSC) vient de déterminer dans Stuart Olson Dominion Construction Ltd c. Structal Heavy Steel, 2015 CSC 43. Dans une décision unanime, la CSC a statué que le dépôt d’un cautionnement de privilège à titre de garantie pour le privilège d’un constructeur n’excusait pas un entrepreneur de ses obligations fiduciaires en vertu de la Loi sur les privilèges des constructeurs du Manitoba, CCSM c. B91 [le BLA].

Les faits

L’entrepreneur principal, Stuart Olson Dominion Construction Ltd., a sous-traité des travaux sur un aréna à Structal Heavy Steel. Dominion prétendit que Structal retardait la construction et retenait le paiement de Structal. En réponse, Structal a enregistré un privilège du constructeur de 15 millions de dollars sur l’aréna. Un mois plus tard, Dominion a déposé un cautionnement de privilège du plein montant du privilège du constructeur en vertu duquel une caution a accepté de payer la somme totale de tout jugement sur le privilège. Structal a accepté la caution, la caution a été déposée auprès des tribunaux et Structal a libéré son privilège.

Malgré la décharge de la caution et du privilège, Structal a continué de prétendre que, jusqu’à ce que ses travaux soient payés, les sommes reçues par Dominion du propriétaire de l’aréna étaient assujetties à une fiducie BLA en faveur de Structal. En particulier, Structal a affirmé qu’un paiement échelonnel de 3,5 millions de dollars était assujetti à une fiducie prévue par la loi. Le propriétaire était censé faire le paiement à Dominion, mais Structal l’a persuadé de ne pas le faire. Dominion a ensuite présenté une demande de déclaration selon laquelle elle avait le droit de recevoir et d’utiliser ce paiement échelonnant pour payer d’autres personnes. Selon Dominion, le cautionnement de privilège l’excusait des dispositions de fiducie de la BLA telles qu’elles s’appliquaient à Structal.

Les dispositions législatives

La réclamation de Structal à l’égard des 3,5 millions de dollars était fondée sur les dispositions de la BLA qui créent une fiducie légale pour les sous-traitants, qui, en partie, stipulent ce qui suit :

4(1)(a) Toutes les sommes reçues par un entrepreneur en raison d’un prix contractuel constituent un fonds en fiducie au profit des sous-traitants qui ont sous-traité avec l’entrepreneur;

4(3)(a) Un entrepreneur qui reçoit une somme mentionnée au paragraphe (1) est le fiduciaire du fonds en fiducie et il ne peut pas s’approprier ou convertir une partie du fonds en fiducie à ou pour son propre usage ou à ou pour tout usage non autorisé par la fiducie jusqu’à ce que tous les sous-traitants qui ont conclu un contrat de sous-traitance avec lui aient reçu tous les montants qui leur sont alors dus sur la somme reçue.

Essentiellement, les tribunaux devaient décider si l’existence du cautionnement de privilège déposé par Dominion satisfaisait à ses obligations en matière de fiducie en vertu de la BLA.

Les tribunaux d’instance inférieure

Le Banc de la Reine du Manitoba était d’accord avec Dominion. Le cautionnement de privilège a permis à l’entrepreneur d’éviter les obligations créées par l’article 4. La solution de rechange était déraisonnable sur le plan commercial et contraire à l’intention de la loi.

La Cour d’appel du Manitoba a infirmé la décision du Banc de la Reine sur ce point. Selon la Cour d’appel, les dispositions relatives aux privilèges et aux fiducies créent des recours distincts. Elle a conclu que le fait de se fier à l’un n’affecte pas l’autre.

La Cour suprême du Canada

La CSC a confirmé la décision de la Cour d’appel et a décidé que l’existence d’un cautionnement de privilège ne permet pas à un entrepreneur d’éviter les dispositions de fiducie de la BLA.

La CSC a statué que le privilège du constructeur et la réparation en fiducie sont distincts et distincts. En particulier, les dispositions relatives aux fiducies grevaient les fonds reçus par l’entrepreneur « non seulement pour les sous-traitants, mais aussi pour la Commission des accidents du travail, tout travailleur employé par l’entrepreneur et le propriétaire pour toute compensation ou demande reconventionnelle relative à l’exécution du contrat » (par. 32). La BLA exige également que les fonds fiduciaires soient réservés jusqu’à ce que tous les sous-traitants et les personnes qui ont fourni des matériaux ou des services aient été payés. Un privilège, d’autre part, garantit simplement une réclamation légale. Contrairement à une fiducie, elle n’impose pas réellement d’obligations à l’égard des fonds reçus (ibid.). Par conséquent, un cautionnement de privilège n’empêche pas activement un entrepreneur d’épuiser ses ressources avant de payer son sous-traitant. Le cautionnement donne simplement au sous-traitant l’assurance qu’il sera payé si sa réclamation est acceptée.

La Cour a également statué que l’objet de la fiducie prévue par la loi serait également contrecarré si un entrepreneur pouvait se soustraire à ses obligations en déposant une cautionnement de privilège. Elle a conclu que les dispositions fiduciaires de la BLA sont conçues pour aider à faire en sorte que l’argent payable par les propriétaires, les entrepreneurs et les sous-traitants soit distribué aux parties méritantes. Dominion, en substance, voulait utiliser des fonds que les dispositions relatives aux fiducies réserveraient autrement à Structal. La CSC a déclaré qu’une telle interruption du flux de fonds était le problème même que les dispositions relatives aux fiducies étaient censées résoudre.

Ces différences et conséquences pratiques, combinées à l’historique législatif des dispositions, à leur interprétation antérieure et à d’autres répercussions de la BLA, ont mené à la conclusion que les réparations sont distinctes.

Implications pratiques

Les conséquences commerciales pour les entrepreneurs principaux au Manitoba sont assez claires, mais l’impact de cette décision en Alberta est moins certain.

Au Manitoba, si les dispositions relatives aux fiducies s’appliquent, une partie « qui choisit de déposer une obligation de privilège auprès du tribunal au lieu de déposer les fonds en cause doit maintenir le fonds en fiducie en plus de l’obligation » (par. 47). La CSC a ajouté qu’un entrepreneur peut éviter d’avoir à fournir une telle double garantie en versant les fonds en fiducie au tribunal pour garantir le privilège au lieu de déposer une caution de privilège. Ainsi, une obligation de privilège peut être un moyen moins attrayant de garantir un privilège lorsque les faits sous-jacents qui permettent le privilège donnent également naissance à une fiducie.

Les conséquences de l’arrêt Stuart Olson en Alberta sont probablement différentes de celles du Manitoba puisque la loi de l’Alberta sur les privilèges des constructeurs (la Builders' Lien Act, RSA 2000, c B-7 [BLA Alberta]) n’est pas la même que celle du Manitoba. En Alberta, les fonds reçus par un entrepreneur ne sont pas assujettis à une fiducie prévue par la loi tant qu’ils n’ont pas été payés après la délivrance d’un certificat d’exécution substantielle (BLA Alberta, alinéa 22(1)b)). Ainsi, le double dilemme de la sécurité peut ne pas se poser tant que l’argent n’est pas reçu après une exécution substantielle.

Cela dit, une fois que le certificat est délivré, les dispositions fiduciaires de la BLA Alberta sont engagées. Si un privilège est alors enregistré, un entrepreneur en Alberta devra décider de : (1) le laisser grever le bien, (2) déposer un cautionnement de privilège et détenir tous les fonds alors reçus en fiducie, ou (3) soumettre tout fonds détenu en fiducie au tribunal pour garantir la réclamation de privilège.

La CSC s’est empressé d’ajouter qu’un demandeur ne pourra « jamais » recevoir de l’argent en vertu d’un privilège et d’une fiducie « pour le même travail, les mêmes services ou matériaux » (para 48). Au lieu de cela, « le paiement effectué en vertu de la fiducie éliminera le montant équivalent payable pour satisfaire à la réclamation de privilège » (ibid. La CSC a reconnu, à titre d’exemple, que le montant de la caution de privilège déposé par Dominion aurait été réduit, dollar pour dollar, si Dominion avait versé des sommes détenues en fiducie au tribunal.

Conclusion

Quelle que soit la compétence en cause, la CSC a maintenant précisé que les deux droits prévus par la loi existent séparément. Cette décision peut être considérée comme une victoire pour les sous-traitants. Ils ont maintenant la possibilité de se prévaloir de la réparation du privilège du constructeur en plus de la réparation en fiducie prévue dans la législation sur le privilège du constructeur. Dans l’affaire Stuart Olson, la simple allégation d’une dette empêchait Dominion et le propriétaire de l’aréna d’utiliser d’importantes sommes d’argent. Dans le cas de Dominion, le coût de la réclamation de Structal a été aggravé par les frais associés au cautionnement de privilège. De telles difficultés ne semblaient pas déranger la CSC. Le comité a plutôt décidé à l’unanimité que ce résultat reflétait l’intention du législateur du Manitoba.

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