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Le Sommet des « Trois Amigos » : ce qu’il faut retenir pour les entreprises canadiennes

23 novembre 2021

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Écrit par Jonathan Fried, Jessica Horwitz, Michael Kergin, John Manley and John Weekes

Le premier Sommet des dirigeants nord-américains en cinq ans a réuni le premier ministre Trudeau, le président américain Biden et le président mexicain López Obrador à Washington, D.C. jeudi dernier. Le résultat comporte d’importantes leçons pour les entreprises canadiennes à l’avenir.

Dans le but de revigorer la coopération trilatérale dans le cadre de l’Accord commercial Entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM) qui régit quelque 1,5 billion de dollars américains par année dans le commerce nord-américain, les trois dirigeants dans des déclarations publiques ont parlé en termes positifs de leur intérêt commun pour une économie nord-américaine ouverte et compétitive, sur la base de domaines d’accord bilatéraux et trilatéraux sur la promotion du commerce, les intérêts environnementaux et d’infrastructure, ainsi que leur engagement commun à l’égard d’une économie qui profite à tous les segments de la société, y compris les travailleurs, les jeunes et d’autres. Le premier ministre a eu des entretiens bilatéraux distincts avec chacun de ses homologues et a également rencontré des représentants du Congrès. 

Plus précisément, les dirigeants ont convenu de ce qui suit :

Sur le plan bilatéral, le premier ministre et le président Biden ont convenu de :

Toutefois, les points de désaccord ont dominé les discussions. Entre les États-Unis et le Mexique, le défi obstiné de gérer la frontière face à d’importants flux de migrants a longtemps défié la résolution facile sous les administrations successives. Bien que l’administration Biden maintienne les politiques de « Rester au Mexique » du gouvernement précédent, le nombre récent de ceux qui cherchent à traverser la frontière, en provenance du Mexique et d’Amérique centrale, a augmenté, et trois fois plus de migrants ont été détenus par les autorités américaines qu’en 2020. Mais aucune nouvelle initiative n’a découlé de la rencontre bilatérale des deux Présidents.

Pour le Canada, le crédit d’impôt pouvant atteindre 12 500 $US proposé pour les consommateurs qui achètent des véhicules électriques « fabriqués en Amérique » contenus dans l’avant-projet de loi sur l’infrastructure, qui a maintenant été adopté par la Chambre des représentants, constitue une violation claire des modalités de l’ACEUM qui, dans ses dispositions automobiles, exige un traitement égal des voitures construites dans les trois pays qui répondent à une exigence de contenu nord-américain. Le premier ministre a clairement indiqué que la mesure est « contre-productive » pour promouvoir le commerce nord-américain, et a déclaré qu’il avait soulevé directement les préoccupations plus générales du Canada au sujet des politiques de Buy America. Le président Obrador se fait l’écho du même sentiment, décrivant l’incapacité à renforcer la compétitivité sur une base nord-américaine comme contribuant à un « déséquilibre inacceptable » de pouvoir économique avec la Chine. Le président Biden n’a pas pris d’engagement dans sa réponse, suggérant que le projet de loi comportera plusieurs changements avant de prendre sa forme finale au Sénat et de revenir à la Chambre. Pour cette raison, le Premier ministre et les ministres ont renforcé leur message lors de réunions avec les membres du Congrès, qui auront le mot décisif dans la détermination des dispositions finales du projet de loi à envoyer au bureau du président.

Le premier ministre a également soulevé le blocage proposé par le Michigan de la modernisation de la ligne 5, qui, s’il était mis en œuvre, pourrait arrêter un volume important d’exportations de gaz vers les États-Unis. Pour leur part, les États-Unis ont déjà contesté la mise en œuvre par le Canada de leurs quotas de produits laitiers et de fromage en vertu de l’ACEUM, et le bois d’œuvre résineux demeure une plante vivace robuste entre les deux pays et nos industries respectives.

Selon les rapports, le président Biden et le premier ministre Trudeau ont tous deux fait part au président Obrador de leurs préoccupations concernant les mesures administratives et réglementaires prises contre les investisseurs privés dans le secteur de l’énergie, y compris des modifications majeures à deux lois sur l’énergie en faveur des entreprises d’État et contre les entreprises privées.

Quels sont les principaux points à retenir pour les entreprises canadiennes?

Premièrement, le Sommet et les réunions des dirigeants bilatéraux confirment que les trois gouvernements partagent un intérêt commun à relever les principaux défis, tels que les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement et la lutte contre la COVID, et partagent un engagement envers le bien-être des travailleurs et une économie inclusive. De façon plus générale, l’établissement d’un le dialogue stratégique sur l’Indo-Pacifique rapproche le Canada des États-Unis et d’autres alliés occidentaux en vue d’un engagement plus concerté pour contrer l’influence économique et politique croissante de la Chine dans les pays de l’Asie du Sud-Est et du Sud. Toutefois, même dans les domaines d’accord, les entreprises devraient être attentives aux initiatives qui pourraient avoir une incidence sur l’environnement réglementaire et, en fin de compte, sur les coûts, par exemple à mesure que la stratégie proposée pour réduire les émissions de méthane se déroule et que les mesures exigeant le respect des interdictions d’importation de produits du travail forcé peuvent imposer des exigences plus importantes en matière de déclaration et de responsabilisation.

Deuxièmement, la réponse du président Biden aux plaintes mexicaines et canadiennes concernant le crédit d’impôt pour les véhicules électriques confirme la réalité que même si l’ancien président Trump n’est plus au pouvoir, l’impulsion protectionniste de « l’Amérique d’abord » reste plus généralement. La priorité absolue de Biden (comme pour toutes les administrations américaines) n’est pas de renforcer les partenariats commerciaux ou les amitiés, mais plutôt de gagner des votes lors des élections de mi-mandat de 2022 et au-delà dans les États riches en main-d’œuvre, de l’automobile et d’autres États manufacturiers du Mid-Western, y compris le Michigan et la Pennsylvanie, et sur les produits laitiers, le vote agricole du Wisconsin.

Par conséquent, les mesures unilatérales des États-Unis qui vont à l’encontre de l’ACEUM ou d’autres engagements découlant de traités demeurent un risque continu, et on peut s’attendre à ce que l’administration et le Congrès des États-Unis continuent d’être vigoureux dans la recherche d’une application plus stricte des intérêts américains dans des domaines allant de l’agriculture et de l’agroalimentaire à l’acier et à l’aluminium. Par conséquent, bien que la défense continue des intérêts auprès des alliés aux États-Unis soit essentielle pour le gouvernement et les intervenants canadiens, le Canada devra probablement poursuivre des procédures officielles de règlement des différends en vertu de l’ACEUM.

Troisièmement, dans la mesure où le Sommet visait à faire comprendre une cause commune dans le renforcement de la compétitivité nord-américaine face à la Chine, la perspective de restrictions accrues sur l’approvisionnement en intrants chinois, dans les produits de haute technologie ou connexes, ne peut être écartée.

Les entreprises et le gouvernement canadiens doivent donc demeurer proactifs auprès des fournisseurs et des clients aux États-Unis en tant que défenseurs d’une base industrielle nord-américaine ouverte et intégrée. Appuyer le libre-échange au Canada et exploiter plus activement les possibilités offertes par les accords commerciaux du Canada en Europe, en Asie et dans les Amériques peut améliorer la compétitivité.

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