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La Cour suprême du Canada clarifie le critère du congédiement déguisé

23 mars 2015

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Si un employeur impose à un employé non syndiqué une suspension administrative indéfinie avec plein salaire, mais sans expliquer pourquoi, cela peut-il équivaloir à un congédiement déguisé? Oui, selon la Cour suprême du Canada, dans sa récente décision Potter c. Commission des services d’aide juridique du Nouveau-Brunswick, 2015 CSC 10.

La décision de la Cour suprême dans l’affaire Potter est digne de mention pour les employeurs, car elle clarifie les critères de common law pour le congédiement déguisé, qui, de façon générale, se produit lorsqu’un employeur démontre qu’il n’a plus l’intention d’être lié par un contrat de travail, mais qu’il ne congédie pas carrément un employé. L’arrêt Potter souligne également l’importance d’agir de bonne foi lorsqu’on traite avec des employés, un sujet qui a fait l’objet d’autres décisions récentes de la Cour suprême (voir Bashin c Hrynew, 2014 CSC 71).

Historique

La Commission des services d’aide juridique a embauché M. Potter à titre de directeur général pour un mandat de sept ans. Plus de la moitié du terme, les parties ont discuté du rachat du reste du contrat de M. Potter. Avant qu’une décision ne soit prise, M. Potter a pris un congé de maladie. Avant le retour de M. Potter et à son insu, le conseil d’administration de la Commission a recommandé que M. Potter soit congédié pour un motif valable. Simultanément, la Commission a avisé M. Potter qu’il ne retournerait pas au travail après son congé de maladie et qu’il était suspendu indéfiniment avec solde. La Commission a ensuite confié les fonctions de M. Potter à quelqu’un d’autre.

En réponse, M. Potter a poursuivi la Commission en alléguant que sa suspension indéfinie équivalait à un congédiement déguisé. Pour sa défense, la Commission a soutenu que l’ouverture de procédures judiciaires par M. Potter équivalait à une démission volontaire. Par conséquent, la principale question dont les tribunaux étaient saisis était de savoir si M. Potter avait été congédié de façon implicite ou s’il avait démissionné. La Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick et la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick ont toutes deux convenu que M. Potter avait démissionné.

Décision finale

En appel, la Cour suprême du Canada a infirmé les décisions des tribunaux inférieurs en concluant que M. Potter avait en fait été congédié de façon constructive. Pour en arriver à sa conclusion, la Cour suprême a examiné le droit du congédiement déguisé et a expliqué qu’un employé non syndiqué est congédié de façon déguisée si l’un des critères suivants est satisfait :

  1. Changement unilatéral unique : (a) L’employeur apporte un changement unilatéral qui viole une condition expresse ou implicite du contrat de travail, et (b) cette violation modifie substantiellement une durée d’emploi essentielle. Pour déterminer la partie b), il faut se demander si une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l’employé aurait cru qu’une condition d’emploi essentielle avait été modifiée de façon importante.
  1. Série d’actes : Une ligne de conduite de l’employeur, plutôt qu’un seul changement unilatéral, qui montre que l’employeur n’a plus l’intention d’être lié par le contrat de travail.

Le premier critère s’appliquait à l’affaire Potter. Bien qu’il incombe habituellement à un employé de démontrer les parties a) et b) du premier critère, la Cour a expliqué qu’il incombe à l’employeur de satisfaire à la partie a) dans le contexte d’une suspension administrative. Plus précisément, l’employeur doit prouver qu’il avait le pouvoir, expresse ou implicite, de suspendre l’employé pour des raisons administratives et, par conséquent, il n’y a pas de manquement.

Après avoir examiné le contrat de travail de M. Potter, la Cour a conclu que la Commission n’avait pas le pouvoir exprès de suspendre M. Potter pour des raisons administratives. En ce qui concerne le pouvoir implicite d’imposer une suspension administrative à un employé, la Cour suprême a souligné qu’un tel pouvoir n’est pas illimité et qu’il est assujetti à une exigence fondamentale de justification des activités. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il y a une justification commerciale comprennent des raisons commerciales raisonnables, la preuve de bonne foi, la durée de la suspension et si la suspension est payante. Compte tenu de ces facteurs, la Cour suprême a conclu que la Commission n’avait pas le pouvoir implicite de suspendre M. Potter pour des raisons administratives, car le caractère indéfini de la suspension, jumelé au défaut de la Commission d’agir de bonne foi en refusant une explication à M. Potter, signifiait qu’elle n’avait pas de raisons commerciales légitimes de le faire. Par conséquent, la suspension de M. Potter n’était pas autorisée et lorsqu’une suspension n’est pas autorisée, elle constituera nécessairement une violation.

Une fois qu’une violation a été établie, il incombe à M. Potter de démontrer que le manquement a considérablement modifié une condition d’emploi essentielle en vertu de la partie b) du premier critère. Encore une fois, le défaut de la Commission de fournir une explication et la durée indéfinie de la suspension étaient suffisantes pour que M. Potter présume raisonnablement qu’une condition essentielle de son emploi avait été considérablement modifiée. En fait, la Cour suprême est allée jusqu’à dire que lorsqu’une violation d’un contrat de travail résulte d’une suspension administrative non autorisée, il est inévitable de conclure que la suspension équivaut à un changement important.

Étant donné que les parties a) et b) du premier critère du congédiement déguisé ont été satisfaites, M. Potter a réussi à démontrer qu’il avait été congédié de façon constructive.

Leçons pour les employeurs

L’affaire Potter clarifie les critères applicables au congédiement déguisé et rappelle fortement aux employeurs de garder à l’esprit ce qui suit :

Si vous avez des questions sur l’affaire Potter, n’hésitez pas à nous contacter.

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