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L’obligation de prendre des mesures d’adaptation en matière d’état familial (et peut-être aussi les choix de mode de vie)

25 février 2013

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Dans une mise à jour d’octobre dernier (Accommodating Family Status " Needs vs. Preferences), nous vous avons informé que le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a établi un nouveau critère pour l’obligation d’accommodement d’un employeur en fonction de l’état familial (c.-à-d., doit tenir compte des besoins réels d’un employé, mais pas de ses simples préférences). Tous les employeurs, mais surtout les employeurs sous réglementation fédérale, devraient prendre note du fait que la Cour fédérale a récemment présenté une interprétation encore plus libérale et plus large de l’obligation d’accommodement fondée sur l’état familial. La Cour fédérale a confirmé dans la décision Procureur général du Canada c. Fiona Anna Johnstone et Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CF 113, que les obligations parentales en matière de garde d’enfants relèvent de l’état familial. Ce faisant, la Cour a confirmé la question centrale qui était la suivante : « La règle d’emploi en question a-t-elle ou non nui à la capacité d’un employé de s’acquitter de ses obligations parentales importantes de façon réaliste? » Il est important de noter que la Cour a rejeté la série de décisions (Health Sciences Assoc. of B.C. v. Campbell River and North Island Transition Society) selon lesquelles il devait y avoir une « atteinte grave » à une obligation familiale importante (y compris les soins parentaux ou aux aînés) pour que l’employé prouve la discrimination fondée sur l’état familial. À ce titre, cette décision ouvre la porte à l’exigence d’accommodement des choix de style de vie des employés. À la suite de l’arrêt Johnstone, les employeurs doivent comprendre que, bien qu’il y ait encore des lois contradictoires sur la norme applicable à l’adaptation de l’état familial, la loi est claire sur le fait que les demandes d’accommodement fondée sur l’état familial doivent être traitées sérieusement.

Les faits

Après la naissance de son premier enfant, Mme Johnstone, une agente de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui a travaillé par quarts rotatifs à l’aéroport international Pearson de Toronto, a demandé des mesures d’adaptation en fonction des responsabilités en matière de garde d’enfants. Plus précisément, Mme Johnstone avait demandé qu’elle ait le droit de travailler trois quarts de travail statiques de 13 heures par semaine pour faciliter les services de garde d’enfants tout en lui permettant de travailler « à temps plein » pour être admissible à la pension et à d’autres avantages sociaux. L’ASFC a rejeté sa demande, lui offrant la possibilité d’occuper des quarts de travail statiques à temps partiel. Mme Johnstone a intenté une requête devant le Tribunal canadien des droits de la personne après avoir été forcée de réduire son statut à temps partiel, même si d’autres employés avaient été accommodés (en raison d’un handicap ou d’une religion) avec des quarts de travail statiques à temps plein.

La décision du Tribunal

Le Tribunal a conclu que l’ASFC avait fait preuve de discrimination à l’égard de Mme Johnstone en raison de l’état familial en ne tenant pas compte de ses obligations en matière de garde d’enfants. Ce faisant, le Tribunal a reconnu que les obligations apparemment ordinaires en matière de garde d’enfants pouvaient s’instituer aux protections prévues par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le Tribunal a ensuite conclu que l’ASFC n’avait pas tenu compte des responsabilités de Mme Johnstone en matière de garde d’enfants, accordant 15 000 $ en dommages-intérêts généraux et 20 000 $ en indemnités spéciales en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi.

Examen par la Cour fédérale

Après examen, la Cour fédérale a confirmé la conclusion du Tribunal selon laquelle les obligations en matière de garde d’enfants relèvent du motif protégé et a précisé qu’une obligation en matière de garde d’enfants « doit être une obligation de garde d’enfants de fond » et que « la plaignante doit avoir tenté de concilier obligations familiales et obligations professionnelles » afin de faire valoir qu’une plainte pour discrimination a été accueillie. La Cour fédérale a ensuite formulé la question principale en répondant aux allégations de discrimination fondée sur l’état familial comme suit :

si la règle d’emploi nuit à la capacité de l’employée de s’acquitter de ses obligations parentales substantielles de manière réaliste.

Fait important, la Cour a fait remarquer qu’aucune norme plus élevée ne s’appliquerait aux demandes d’état familial (c.-à-d. qu’il n’est pas nécessaire que l’employé prouve qu’il y a eu « atteinte grave » à un devoir familial important).

La décision de la Cour fédérale semble avoir été influencée par plusieurs conclusions de fait précises. Par exemple, la Cour fédérale a été très critique à l’égard de l’application rigide par l’ASFC d’une politique non écrite interdisant l’adaptation par quarts statiques à temps plein pour les employés ayant des obligations en matière de garde d’enfants, compte tenu de la preuve que de telles mesures d’adaptation ont été accordées à des employés ayant besoin de mesures d’adaptation en raison d’un handicap ou d’une religion. La Cour fédérale n’a pas non plus accordé de poids à la préoccupation de l’ASFC selon laquelle si la demande de Mme Johnstone était acceptée, l’ASFC serait confrontée à un volume écrasant de demandes d’autres parents à la recherche d’une ordonnance plus souple. De plus, la Cour fédérale a également contesté le fait que les fonctionnaires de l’ASFC n’avaient pas fourni de raison raisonnable en matière de sécurité ou de santé pour les maximums de quarts de travail de 10 heures qu’elle s’était auto-imposés, ce qui, selon elle, empêchait la conformité à la demande de Mme Johnstone.

Les employeurs sont préoccupés par le fait que la Cour fédérale a rejeté les arguments avancés par l’ASFC selon lesquels les demandes d’accommodement et les préoccupations relatives à l’établissement des horaires de Mme Johnstone découlaient principalement d’une « série de choix qu’elle et son mari ont faits conjointement ». Le mari de Mme Johnstone était également un employé de l’ASFC et les fonctionnaires de l’ASFC ont fait valoir que la demande de changement de ses quarts de travail était essentiellement un choix de mode de vie. En particulier, la disponibilité de services de garde d’enfants (ou l’absence de garde d’enfants) pour Mme Johnstone, qui l’a amenée à demander la modification de l’horaire des quarts de travail dépendait d’une série de choix qui, en fin de compte, relevaient du contrôle exclusif de Mme Johnstone. Ces choix comprenaient le choix de l’endroit où vivre, la taille de la maison achetée par l’employé, le désir que le père continue de travailler par quarts rotatifs, la préférence des parents de faire en sorte que leurs enfants soient pris en charge principalement par des membres de la famille et la préférence de ne pas payer pour les services de garde d’enfants et, enfin, la préférence de Mme Johnstone de ne travailler que trois jours par semaine. Par exemple, la Cour a refusé de donner du poids à l’argument de l’ASFC selon lequel la demanderesse avait volontairement déménagé d’une maison située à six kilomètres de son lieu de travail vers une petite ville située à plus de 60 kilomètres de là, même si sa décision de déménager aurait eu une incidence importante sur sa capacité de trouver d’autres services de garde appropriés.

Ce que cela signifie pour les employeurs

Il y a encore une certaine incertitude dans ce domaine du droit, mais la tendance est de rejeter les premières lignes de cas qui nécessitaient un seuil plus élevé pour les demandes d’état familial (c.-à-d. une ingérence grave dans une obligation parentale importante). Par conséquent, les employeurs canadiens doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils sont confrontés à une demande d’accommodement fondée sur l’état familial. Bien que, selon la jurisprudence récente, les employeurs relevant de la compétence du Code des droits de la personne de l’Ontario puissent toujours avoir le droit de refuser des mesures d’adaptation en se fondant uniquement sur les préférences d’un demandeur (par opposition aux besoins), les employeurs régis par la Loi canadienne sur les droits de la personne fédérale seront tenus de se conformer à la norme d’amitié avec les employés énoncée dans l’arrêt Johnstone.

Pratiques exemplaires pour les employeurs qui traitent des demandes d’adaptation

Les employeurs qui font face à des demandes d’adaptation en raison de leur état familial doivent tenir compte des pratiques exemplaires suivantes :

  1. Ne rejetez pas les demandes d’emblée. Lorsqu’ils sont informés de la demande d’un employé de s’acquitter de ses responsabilités familiales, les employeurs devraient engager un dialogue immédiat pour déterminer la portée des besoins de l’employé et pour concevoir une stratégie d’adaptation, au besoin.
  2. Documenter le processus d’adaptation. Les employeurs devraient soigneusement documenter les demandes de renseignements afin de déterminer si les mesures d’adaptation sont raisonnablement liées aux obligations en matière de prestation de soins (c.-à-d. heures ou quarts de travail modifiés, absences pour des rendez-vous médicaux pour les membres de la famille). Bien que Johnstone confirme que les employeurs sous réglementation fédérale sont probablement tenus de s’adapter au-delà des besoins des employés et dans le domaine des préférences, les employeurs devraient toujours documenter les demandes aux employés pour confirmer, par exemple, les options de garde d’enfants que l’employé a étudiées avant de demander des mesures d’adaptation. Ces demandes de renseignements peuvent servir d’aide pratique à l’élaboration d’une stratégie d’adaptation qui répond aux besoins et aux objectifs de l’employé sans causer de perturbations indues dans le milieu de travail.
  3. Les politiques doivent être raisonnables et bien documentées. À la lumière des conclusions du Tribunal dans l’affaire Johnstone, il est impératif que les politiques des employeurs soient bien documentées et mises à la disposition des employés qui demandent des mesures d’adaptation. Les employeurs devraient également tenir compte de la souplesse de leurs politiques d’assiduité et d’horaire pour déterminer si les employés ayant des soins ou d’autres responsabilités familiales sont en mesure de travailler efficacement à domicile, pendant des heures de remplacement ou non traditionnelles ou sur des quarts de travail alternatifs ou statiques lorsque les circonstances le permettent.
  4. Recueillir des preuves de préjudice injustifié. Les affirmations au sujet de la contrainte excessive fondées sur le soupçon de l’employeur qu’il ferait face à un nombre écrasant de demandes s’il accommodait les responsabilités d’un employé en matière de garde d’enfants en offrant des quarts de travail statiques à temps plein, en l’absence de toute preuve à l’appui, n’étaient pas suffisantes dans l’affaire Johnstone pour établir l’allégation de préjudice injustifié de l’ASFC, malgré les problèmes complexes d’établissement d’horaire auxquels elle était confrontée en tant qu’établissement 24 heures sur 24. Il est important que les employeurs recueillent des preuves objectives avant d’adopter des positions ou des politiques générales lorsqu’ils sont confrontés à des demandes d’adaptation.

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