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La taxe sur les services numériques : le Canada s’en prend aux géants de la technologie

13 mai 2021

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Écrit par Martin Sorensen, Blake Haarstad and Jay Winters

Dans le récent Budget 2021, le gouvernement fédéral du Canada a annoncé son intention de poursuivre l’élaboration d’une taxe sur les services numériques (DST) qui sera imposée à certains grands contribuables. Il est proposé que la DST s’applique à un taux de 3 % sur les revenus de plus de 20 millions de dollars provenant de certains services numériques qui dépendent de la mobilisation, des données et des contributions de contenu des utilisateurs canadiens. Bien que l’avant-projet de loi n’ait pas encore été publié, le budget de 2021 a établi les paramètres prévus des nouvelles règles et a suggéré qu’elles soient censées s’appliquer à compter du 1er janvier 2022. Toutefois, compte tenu de la nature fondamentale de ces changements proposés, le gouvernement a indiqué qu’il souhaitait entendre les contribuables et les intervenants touchés, et il a invité les contribuables et les intervenants touchés à présenter des observations écrites sur ces propositions d’ici le 18 juin 2021.

Historique

Avec l’explosion des technologies numériques et des modèles d’affaires fondés sur Internet, le Canada a travaillé avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le G20 et les membres du soi-disant Cadre inclusif sur le BEPS pour parvenir à un accord multilatéral taxant les sociétés multinationales qui fournissent des services numériques. Cependant, un accord viable a été retardé par des facteurs allant des questions politiques et techniques à la pandémie de COVID-19. Par conséquent, le Canada, ainsi que des pays comme la France, l’Italie, l’Espagne et l’Autriche, ont annoncé leur intention d’imposer unilatéralement une taxe destinée aux entreprises dont les revenus proviennent considérablement des utilisateurs à l’intérieur de ses frontières. En fin de compte, le gouvernement canadien a annoncé que la DST se veut une mesure provisoire qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022, mais qui sera éliminée une fois qu’un accord multilatéral sur la question pourra être conclu.

Plan général

La DST sera axée sur les entreprises plus grandes et plus matures qui franchissent les deux seuils suivants :

Pour les entités qui atteignent ce seuil, la DST ne s’appliquerait qu’aux revenus visés associés aux utilisateurs canadiens qui dépassent le seuil de 20 millions de dollars.

Le budget de 2021 a identifié la liste suivante des services fournis par les modèles d’affaires en ligne comme étant dans le cadre de la DST:

Le gouvernement canadien a l’intention de faciliter l’application de la loi en imposant une responsabilité solidaire à chaque membre du groupe pour lequel un membre engage une responsabilité DST. Cela signifie que si une société résidant aux États-Unis faisait l’objet d’une cotisation en vertu de la DST, l’ARC pourrait chercher à percevoir des montants impayés d’une entité résidant au Canada au sein du même groupe de sociétés.

Afin de déterminer la source de revenus aux fins de la DST, le budget de 2021 propose de retracer les renseignements sur les transactions canadiennes dans la mesure du possible. Autrement, on s’attend à ce que le gouvernement publie une méthode de répartition selon une formule précise.

Objections potentielles

Il existe de nombreuses objections potentielles aux taxes telles que la DST proposée pour des raisons de politique.  De plus, bien qu’il ne soit pas clair exactement comment la DST canadienne fonctionnera, il y a un certain nombre d’objections techniques ou fondées sur des traités potentielles à la proposition qui pourraient être soulevées.

Premièrement, de telles règles pourraient entrer en conflit avec l’une des conventions fiscales bilatérales du Canada, selon la résidence de l’entité assujettie à la TSD. Un certain nombre de conventions fiscales du Canada sont mises en œuvre par une loi qui permet à la convention de l’emporter sur d’autres lois canadiennes en cas de conflit. La question se pose alors de savoir si la DST entrerait en conflit avec une disposition pertinente de la convention, comme l’article sur les « bénéfices d’entreprise » dans le cas du Canada et des États-Unis. Convention fiscale, article VII.

Subsidiairement, il peut y avoir un argument selon lequel la DST est en conflit avec l’article de « non-discrimination » d’un traité. Article XXV, paragraphe 1 de l’affaire Canada-États-Unis La convention fiscale, par exemple, stipule que les ressortissants d’un État (par exemple, les États-Unis) ne seront pas soumis dans l’autre État (par exemple, le Canada) à une imposition qui est plus lourde que l’imposition à laquelle les ressortissants de cet autre État dans les mêmes circonstances peuvent être soumis. S’il est constaté que la DST établit une discrimination à l’égard des entreprises sur la base de la nationalité, elle peut être contestée au titre de l’article XXV. Cependant, malgré le fait que la DST vise clairement principalement les entreprises étrangères, le budget de 2021 stipule qu’elle s’appliquera également aux entités canadiennes. De plus, dans la mesure où la DST peut être qualifiée de discrimination fondée sur la résidence d’un contribuable, les dispositions antidiscriminatoires peuvent ne pas s’appliquer en tant que discrimination fondée sur la résidence a été jugée permise.

La DST peut également être sensible aux critiques acerbes formulées à l’égard de la DST française similaire par une enquête de l’exécutif américain en vertu de l’article 301. L’enquête 301 a révélé que la DST française est injustement discriminatoire à l’égard des entreprises basées aux États-Unis parce qu’elle s’applique principalement aux services où ces entreprises sont dominantes, à savoir le marketing en ligne et la publicité sur Internet. L’enquête 301 a également révélé que la DST française contrevient aux principes fiscaux internationaux en vigueur en imposant un impôt basé sur les revenus plutôt que sur le revenu et sans aucun lien territorial. En outre, l’OCDE a mis en garde contre l’imposition d’un régime fiscal spécial particulier aux entreprises numériques en raison des difficultés à définir exactement comment clôturer les « entreprises numériques » lorsque la numérisation est un processus qui se produit à des degrés divers dans l’économie. Il a également averti que de telles taxes imposées unilatéralement pourraient également accroître la concurrence fiscale entre les juridictions.

Enfin, l’application d’une responsabilité solidaire à tous les membres du groupe pour toute responsabilité potentielle de DST d’un membre du groupe semble susceptible de donner lieu à des objections et à des contestations vigoureuses.  Une telle disposition va bien au-delà de ce que les règles fiscales du Canada prévoient normalement et semble effectivement ignorer la personnalité juridique distincte des membres du groupe.

Consultation publique

La Direction de la politique de l’impôt du ministère des Finances tiendra une consultation publique sur la DST et sollicite les commentaires des intervenants à DST-TSN@canada.ca jusqu’au 18 juin 2021.

La fiscalité de l’économie numérique est un domaine en pleine expansion que la communauté internationale a eu du mal à maîtriser. Les changements apportés aux politiques au Canada et à l’étranger ont créé de l’incertitude pour les contribuables quant à leurs obligations fiscales futures. Bennett Jones Tax and Les groupes d’affaires gouvernementales et de politiques publiques ont tous deux une vaste expérience dans le traitement des questions fiscales transfrontalières et seraient heureux d’aider les entreprises à comprendre le nouveau DST proposé et à participer à la consultation avec le gouvernement canadien.

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