Blogue

La disparition de la renonciation à la responsabilité délictuelle comme cause d’action

27 janvier 2021

Close

Regard vers l’avenir : Recours collectifs en 2021

Écrit par Nina Butz and Maya Bretgoltz

En juillet 2020, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision très attendue dans l’affaire Atlantic Lottery Corporation Inc. c Babstock — Bennett Jones a représenté la SLA. La décision a mis fin à un débat de 16 ans sur la « renonciation à la responsabilité délictuelle », une doctrine que les demandeurs de recours collectifs ont toujours alléguée comme étant une cause d’action indépendante qui oblige les défendeurs à restituer tous les profits gagnés à la suite d’un « acte répréhensible ». Bien que la Cour suprême ait été divisée 5-4, elle a convenu à l’unanimité que la renonciation à la responsabilité délictuelle n’est pas une cause d’action indépendante en droit canadien.

En bref, le fait de plaider la renonciation à la responsabilité délictuelle en tant que cause d’action indépendante a permis aux demandeurs de demander une réparation quantifiée en se fondant uniquement sur le gain d’un défendeur, sans preuve de leur propre perte ou préjudice. Avant Babstock, la renonciation aux réclamations en responsabilité délictuelle était systématiquement certifiée sans qu’aucune décision ne soit prise quant à l’existence de la cause d’action alléguée. Parce que le droit entourant la doctrine n’était pas réglé, les juges de certification étaient réticents à conclure qu’il était « clair et évident » qu’une renonciation à une action en responsabilité délictuelle échouerait. En fait, en 2013, la Cour suprême du Canada, dans l’affaire Pro-Sys Consultants Ltd. c. Microsoft Corp., a refusé de radier une demande de renonciation à la responsabilité délictuelle parce qu’elle avait conclu qu’une requête en plaidoirie n’était pas l’endroit approprié pour résoudre les incertitudes entourant la doctrine.

En 2018, la Cour d’appel de Terre-Neuve s’est écartée de la décision dans l’affaire Pro-Sys et des nombreux appels en matière de certification dont elle était saisie, reconnaissant la renonciation à la responsabilité délictuelle comme cause d’action indépendante. Cette décision a effectivement ouvert la porte à la Cour suprême du Canada pour rendre une décision concluante sur la question.

Dans l’affaire Babstock, les demandeurs ont cherché à certifier un recours collectif contre ALC en se fondant sur des allégations selon lesquelles leurs appareils de loterie vidéo étaient intrinsèquement dangereux et trompeurs. En fait, les demandeurs ont allégué que les appareils de loterie vidéo étaient si trompeurs qu’ils contrevenaient à l’interdiction du Code criminel de jeux comme le « monte à trois cartes ». Les demandeurs se sont fondés sur trois causes d’action: la renonciation à la responsabilité délictuelle, la rupture de contrat et l’enrichissement sans cause, et ont demandé la restitution des profits réalisés par ALC de l’exploitation des appareils de loterie vidéo. Le tribunal de première instance a certifié les prétentions des demandeurs, ce que la Cour d’appel a largement confirmé.

Les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont accueilli l’autre appel. Elle a conclu qu’aucune des trois demandes des demandeurs n’avait de chance raisonnable de succès. Le seul point de désaccord entre les opinions majoritaires et dissidentes était de savoir si la rupture de contrat constituait une cause d’action raisonnable en l’espèce.

Les juges majoritaires ont conclu que le climat juridique entourant la renonciation à la responsabilité délictuelle s’était développé depuis Pro-Sys, concluant qu’une réclamation ne devrait pas survivre à une demande de radiation simplement parce qu’elle est nouvelle. Il a conclu que, dans la mesure du possible, les différends juridiques devraient être réglés rapidement, plutôt que de renvoyer à un procès complet.  

La Cour suprême a statué à l’unanimité que la renonciation à la responsabilité délictuelle n’est pas une cause d’action valide et ne devrait pas être utilisée pour décrire ce qui est en vigueur, la restitution. Elle a précisé que la restitution est une réparation qui n’est offerte qu’à un demandeur pour prouver tous les éléments d’une cause d’action reconnue. De plus, le fait d’accorder la restitution pour négligence – sans preuve de dommages – mènerait à une réparation « découlant du néant juridique » et constituerait un changement radical dans le droit. La Cour a souligné que la conduite négligente d’un défendeur n’est fautive que lorsqu’elle nuit au demandeur. Sans preuve de dommages-intérêts, un seul demandeur n’aurait pas droit au plein gain réalisé par un défendeur.

La Cour suprême ne s’est pas contentée de savoir si la restitution pouvait être demandée pour le délit de négligence accompli. Elle a conclu que l’allégation de négligence des demandeurs était inadéquate parce qu’ils ne plaidaient pas le lien de causalité et a nié toute intention de le faire. La Cour a reconnu que cette question pourrait devoir être tranchée à l’avenir dans une affaire appropriée.

Babstock aura un effet capital sur les futurs recours collectifs au Canada. La décision prive les demandeurs de la possibilité de s’appuyer sur la renonciation à la responsabilité délictuelle comme moyen d’certifier des actions qui, autrement, ne seraient pas certifiables parce qu’il n’y a aucune preuve de la perte du demandeur. Il inspire également un changement culturel dans les déterminations précoces dans le processus de certification. À la suite de cette décision, nous prévoyons que les juges de certification seront plus enclins à résoudre des litiges juridiques complexes à l’étape de la plaidoirie, ce qui permettra de résoudre plus rapidement les recours collectifs à travers le pays.

Nos chefs de file des recours collectifs explorent les faits saillants des recours collectifs au cours de la dernière année et font des prédictions sur l’orientation de la pratique et du droit. Téléchargez votre copie du rapport Actions de recours collectifs: Regard vers l’avenir 2021 ici.

Author

Liens connexes



View Full Mobile Experience