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La Cour suprême du Canada réexamine l’oppression

21 novembre 2016

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Écrit par By Scott Bower, Russell Kruger and Stephanie Clark

Le défaut d’une société de respecter les formalités légales en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985 c C-44 [LCSA] n’établit pas, en soi, l’oppression, a récemment statué la Cour suprême dans Mennillo c Intramodal inc., 2016 CSC 51 [Mennillo]. Les juges majoritaires de la Cour ont déclaré que, même si un actionnaire ou un créancier peut raisonnablement s’attendre à ce que les exigences de forme énoncées dans la LCSA soient respectées, le défaut de le faire n’équivaut pas nécessairement à une conduite qui est « oppressive, injustement préjudiciable ou injustement ignorée » des intérêts de cet actionnaire.

Dans l’affaire Mennillo, M. Mennillo a intenté une action fondée sur l’oppression en vertu de l’article 241 de la LCSA contre la société défenderesse, Intramodal. M. Mennillo a fait valoir que lorsqu’il a démissionné de son poste d’administrateur, il avait également été injustement déchu de son poste d’actionnaire par l’autre administrateur, M. Rosati. Après que M. Mennillo eut avisé M. Rosati qu’il démissionnait de son poste d’administrateur, l’avocat d’Intramodal a déposé une déclaration modificative auprès du Registraire des entreprises en retirant M. Mennillo à titre d’administrateur et d’actionnaire. La Cour suprême a conclu que, compte tenu de toutes les circonstances, M. Mennillo ne s’attendait pas raisonnablement à être traité comme un actionnaire après sa démission, comme il est indiqué ci-dessous.

Une réclamation pour oppression en vertu de l’article 241 de la LCSA exige que le demandeur établisse deux éléments : 1) que les attentes raisonnables du demandeur ont été violées et 2) que la conduite reprochée était « oppressive, injustement préjudiciable ou injustement ignorée » des intérêts du demandeur.

Le juge de première instance avait conclu que M. Mennillo ne voulait pas demeurer actionnaire et avait dit à M. Rosati de le destituer à ce titre. Plus particulièrement, le juge de première instance a conclu que M. Menillo avait accepté de demeurer actionnaire à la condition de garantir les dettes d’Intramodal. Ayant décidé qu’il voulait plus longtemps le faire, il a transféré ses actions. La Cour suprême a statué qu’il n’y avait aucune raison d’infirmer les conclusions du juge du procès, en se fondant sur la norme de l’erreur manifeste et dominante.

Une source de difficulté dans l’affaire Mennillo découlait du fait que les deux parties n’avaient en grande partie pas respecté les exigences officielles de la LCSA pour établir et gérer la société. Bien que les parties aient dûment constitué la société en société, elles n’ont mis aucun aspect de leur arrangement par écrit, n’ont jamais payé les actions initiales et n’ont jamais signé le certificat d’actions original de M. Mennillo. Il convient de noter qu’aucune des conditions formelles de transfert des actions de M. Mennillo à M. Rosati n’avait été respectée. La LCSA exige, entre autres, que les actions transférées à M. Rosati soient endossées par M. Mennillo (par. 76(1)) et que les actions soient livrées (par. 60(1) et 65(3)) – cela n’a jamais été fait.

Toutefois, cette non-conformité n’était pas la cause du fait que M. Mennillo ne détenait plus ses actions. Le juge de première instance a conclu que ces incohérences avec la LCSA sont une [traduction] « erreur ou un oubli de la part de l’avocat de M. Rosati ». La Cour suprême a souscrit à cette déclaration en déclarant ce qui suit au paragraphe 57 :

D’après ces conclusions de fait, l’allégation d’oppression de M. Mennillo est sans fondement. Il ne pouvait raisonnablement s’attendre à être traité comme un actionnaire: il ne l’était plus et exigeait expressément de ne pas l’être. En ce qui concerne Intramodal, tout ce que l’on peut dire, c’est que la société n’a pas réalisé ses souhaits parce qu’elle n’a pas respecté certaines formalités d’entreprise nécessaires. Mais à la lumière de ces conclusions, on ne peut pas dire que la société a agi de façon oppressive ou qu’elle l’a illégalement dépouillé de son statut d’actionnaire ... Ce qui s’est passé, c’est que la société n’a pas veillé à ce que toutes les formalités légales soient respectées avant d’enregistrer le transfert. Les actes de la société que M. Mennillo prétend constituer de l’oppression ont en fait été pris, quoique imparfaitement, conformément à ses souhaits exprès. Mais il ne peut pas être injustement préjudiciable à M. Mennillo que la société enregistre un transfert d’actions qu’il souhaitait obtenir et que ... il ne peut plus attaquer. Par conséquent, toutes les demandes de M. Mennillo doivent être rejetées.

Le juge Côté, en tant que seul juge dissident, aurait soutenu que la conformité à la LCSA est l’une des attentes raisonnables d’un actionnaire ou d’un créancier. Le non-respect de ces exigences légales revient à priver illégalement un actionnaire de son statut.

Bien que les juges majoritaires de la Cour suprême n’aient pas dit que le non-respect des formalités d’une société ne contribuera jamais à une réclamation pour abus, dans ces circonstances, il a été jugé que la non-conformité n’avait pas entraîné une violation des attentes raisonnables de M. Mennillo. Cette décision est conforme à la jurisprudence établie selon laquelle l’oppression devrait être jugée en fonction des « réalités commerciales » et non des « aspects juridiques étroits ». La décision de la Cour suprême confirme qu’une plainte pour oppression doit être jugée dans son propre contexte et sur la base de ses propres faits.

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