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La Cour suprême maintient les protections pour l’échange de renseignements par la Banque mondiale

03 mai 2016

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Le 29 avril 2016, la Cour suprême du Canada (CSC) a statué à l’unanimité dans l’affaire Groupe de la Banque mondiale c. Wallace que les documents provenant d’enquêtes du Groupe de la Banque mondiale demeurent à l’abri des demandes de production de documents qui font partie de procédures judiciaires nationales, même si des renseignements liés à ces documents ont été communiqués à des organismes nationaux d’application de la loi et s’y sont fondés. Bien que les questions soulevées dans l’affaire de la Banque mondiale se soient posées dans le contexte particulier d’une contestation d’une autorisation d’écoute électronique, la décision de la CSC clarifie l’inviolabilité des archives des organisations internationales ainsi que l’immunité de leur personnel contre les procédures judiciaires, deux protections importantes qui protègent la coopération et les activités d’échange de renseignements avec les organismes canadiens d’application de la loi dans le cadre d’enquêtes sur la corruption.

Contexte

Depuis la fin des années 1990, les gouvernements et les organisations internationales ont travaillé à la mise en œuvre d’une stratégie de lutte contre la corruption du côté de l’offre en criminalisant la corruption d’agents publics étrangers. La Banque mondiale et d’autres institutions financières internationales, ainsi que les organismes publics de passation des marchés publics au niveau national, ont contribué à cet effort en mettant en œuvre des procédures de radiation qui disqualifient les entreprises qui se livrent à la corruption des contrats futurs. Ces procédures d’exclusion sont généralement incorporées par référence dans les accords de passation des marchés et exigent des entreprises soupçonnées de corruption qu’elles coopèrent à l’enquête de l’entité adjudicatrice sur l’affaire.

La branche d’enquête de la Banque mondiale, la Vice-Présidence de l’intégrité (INT), a reçu des informations en mars 2011 sur des allégations de corruption dans le cadre du projet de pont Padma financé par la Banque mondiale au Bangladesh. Après avoir lancé sa propre enquête, l’INT a fourni certains des renseignements qu’il a obtenus à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L’enquête de la Banque mondiale a finalement entraîné l’annulation de son prêt pour le projet et un règlement négocié avec SNC-Lavalin, y compris une exclusion de 10 ans de l’entreprise et de certaines sociétés affiliées des projets financés par la Banque mondiale. La GRC a ouvert sa propre enquête criminelle sur l’affaire et a obtenu des autorisations judiciaires pour intercepter des communications privées et exécuter un mandat de perquisition dans les bureaux de SNC-Lavalin sur la base de preuves et de renseignements obtenus de l’INT.

À la suite de l’enquête de la GRC, quatre personnes sont maintenant accusées d’avoir soudoyé des agents publics étrangers en violation de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers. L’accusé a contesté les autorisations d’écoute électronique et a cherché à assigner les enquêteurs de l’INT et à obtenir la production de divers documents à partir du dossier d’enquête de l’INT. Le juge Nordheimer de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a accueilli les demandes.

Le CCN maintient une interprétation large et solide des immunités de la Banque mondiale

La CSC a conclu que le juge Nordheimer avait commis une erreur pour deux raisons. Premièrement, les documents et le personnel de la Banque mondiale bénéficient d’une immunité qui ne peut être levée dans le cas des documents et qui doit être expressément levée dans le cas du personnel. Bien que l’INT fonctionne indépendamment du reste de la Banque mondiale, la fonction qu’il remplit de veiller à ce que les fonds accordés aux projets soient utilisés aux fins prévues, fait partie du bon fonctionnement de la Banque mondiale et est envisagée dans les mêmes accords qui énoncent les immunités qui s’appliquent aux documents et au personnel de la Banque mondiale (Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15 aux paragr. 51-53). Deuxièmement, dans le contexte étroit de l’instance de contestation d’une autorisation d’écoute électronique, les documents que les accusés cherchaient à obtenir n’étaient pas pertinents.

En maintenant les immunités de la Banque mondiale, la CSC semblait particulièrement influencé par des considérations de politique publique quant à l’importance des immunités applicables aux documents et au personnel des organisations internationales dans la lutte contre la corruption. Il a noté que ces immunités font partie intégrante du fonctionnement indépendant des organisations internationales (Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15, par. 67) et que les institutions financières internationales telles que la Banque mondiale « sont particulièrement bien placées pour enquêter sur la corruption et servir en première ligne des efforts internationaux de lutte contre la corruption » (Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15, par. 94).

La CSC a mis en garde contre l’interprétation des immunités des organisations internationales comme pouvant faire l’objet d’une renonciation par l’action de partager des renseignements avec des organismes comme la GRC, car de telles interprétations pourraient avoir un effet dissuasif sur la collaboration avec les organismes nationaux d’application de la loi (Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15, par. 94). De l’avis de la CSC, [l]es organisations financières internationales, comme le Groupe de la Banque mondiale appelant, échangent des renseignements recueillis auprès d’informateurs du monde entier avec les organismes d’application de la loi des États membres, elles aident à réaliser ce que ni l’un ni l’autre ne pourrait faire par eux-mêmes (Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15, par. 1).

Conséquences

Les entreprises et les particuliers qui font l’objet de sanctions non criminelles et d’enquêtes sur l’exclusion par des organisations internationales doivent savoir que les renseignements découlant de ces enquêtes peuvent être communiqués aux organismes canadiens d’application de la loi et faire l’objet d’une action de leur part, sans aucune garantie que les documents ou les personnes sous-jacents deviendront un jour contraignables dans le cadre de procédures criminelles nationales.

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