Blogue

La décision de la Cour suprême sur le titre ancestral soulève des questions pour l’exploitation des ressources

26 juin 2014

Close

Le 26 juin 2014, la Cour suprême du Canada a rendu une décision unanime dans l’affaire Nation Tsilhqot’in c Colombie-Britannique, 2014 CSC 44 (aussi connue sous le nom de décision William). Il s’agit d’une décision attendue de longue date sur deux questions importantes touchant le titre ancestral et la compétence provinciale sur ces terres.

Premièrement, la Cour suprême a accordé à la Première nation des Tsilhqot’in une déclaration de titre sur les terres revendiquées non visées par un traité, précisant que le critère d’établissement du titre ancestral exige une occupation suffisante, continue (lorsque l’occupation actuelle est invoquée) et exclusive des terres revendiquées.

Deuxièmement, la Cour a confirmé que même lorsque le titre ancestral est établi, les lois provinciales peuvent continuer de s’appliquer, sous réserve de considérations de violation justifiée en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

La décision a de nombreuses répercussions sur les activités de développement en Colombie-Britannique et ailleurs et clarifie le critère du titre ancestral.

Historique

L’action civile revendiquée par la Première Nation Tsilhqot’in a été intentée il y a plus de 20 ans, mettant en cause des terres dans le centre de la Colombie-Britannique, à l’ouest de Williams Lake. Lors d’une longue audience de 339 jours, la question clé était de savoir si la Première Nation Tsilhqot’in avait droit à un titre ancestral sur la totalité ou une partie de la zone de revendication. Le juge de première instance a conclu que, parce que les Tsilhqot’in avaient invoqué une revendication de titre « tout ou rien », une déclaration de titre ne pouvait être accordée, car ils occupaient exclusivement certaines zones mais pas d’autres. Les conclusions étaient sans préjudice de la capacité de la Première Nation Tsilhqot’in de présenter des revendications de titre spécifique à une date ultérieure.

Le juge de première instance a également conclu que, dans la mesure où le titre ancestral était établi, la Colombie-Britannique n’avait plus compétence, en vertu de la Forests Act et des lois connexes, pour accorder des droits de récolte et d’autres autorisations, en vertu de la doctrine de l’exclusivité des compétences.

La principale différence entre les décisions des tribunaux inférieurs était la mesure dans laquelle les demandeurs des Premières Nations doivent établir une occupation continue et exclusive sur des zones de terres définies. La décision de première instance, reconnaissant la nature nomade de l’existence de cette Première Nation au fil du temps et les aspects saisonniers de certaines utilisations des terres, a adopté ce qui a été considéré comme une approche plus souple au critère d’établissement du titre ancestral. En revanche, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a laissé entendre que le critère exigeait un seuil plus élevé d’occupation physique continue et exclusive de zones définies afin de prouver une revendication, décrivant l’exigence comme une « présence intensive à un site particulier ». Il a explicitement rejeté une approche « territoriale » générale à l’égard du titre ancestral, estimant qu’elle serait « contraire à l’objectif de réconciliation ».

La décision de la Cour suprême du Canada

Titre aborigène

La Cour suprême a favorisé le raisonnement de la décision de première instance et a accordé la déclaration de titre ancestral sur l’ensemble du territoire revendiqué par les Tsilhqot’in. Comme l’a fait le juge de première instance, la Cour suprême a clarifié le critère énoncé dans sa décision de 1997 dans l’arrêt Delgamuukw, qui a statué que le titre ancestral peut être trouvé si le groupe autochtone prouve qu’il s’avère qu’il a une occupation suffisante, continue et exclusive. La suffisance passe par l’utilisation régulière des territoires. La continuité est pertinente lorsque l’occupation actuelle est invoquée comme preuve de l’occupation antérieure à la souveraineté. L’exclusivité implique l’intention et la capacité de contrôler la terre.

L’approche de la Cour suprême a mis en évidence la façon dont les caractéristiques du groupe de demandeurs particulier et des terres revendiquées pouvaient influer sur l’existence du titre. Malgré la jurisprudence post-Delgamuukw suggérant la nécessité d’une approche propre au site pour déterminer les « droits ancestraux », la Cour suprême a préféré une approche « territoriale » générale pour déterminer le titre.

La Cour suprême a précisé que le titre ancestral est un intérêt juridique indépendant et bénéfique, donnant naissance à une obligation fiduciaire de la part de la Couronne. Une déclaration de titre ancestral confère le droit d’utiliser et de contrôler la terre et de récolter les bénéfices découlant de ses ressources. Il permet l’utilisation de la terre d’une manière qui profite à l’ensemble du collectif, y compris aux générations futures.

Il est important de noter que l’aménagement sur les terres visées par un titre aborigène nécessite le consentement des détenteurs de titres. Si un tel consentement n’est pas accordé, le gouvernement doit démontrer que l’incursion proposée sur les terres est justifiée. La Cour suprême a ensuite cité sa décision Delgamuukw, qui a déclaré que les activités de développement, y compris l’agriculture, la foresterie, l’exploitation minière et l’énergie hydroélectrique, pouvaient constituer des atteintes justifiables au titre ancestral.

Applicabilité de la réglementation provinciale

La Cour suprême a statué que les provinces peuvent toujours réglementer l’utilisation des terres pour les terres visées par un titre ancestral, mais qu’elles sont limitées par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui exige que les gouvernements aient un objectif impérieux et substantiel et qu’ils agissent conformément à l’obligation fiduciaire qu’ils ont envers les peuples autochtones, comme il est énoncé dans l’arrêt Sparrow.

Les lois réglementaires générales répondent souvent au critère de l’arrêt Sparrow, qui tient compte des facteurs suivants : la restriction imposée par la loi est-elle déraisonnable; la loi impose-t-elle une contrainte excessive; et la loi refuse-t-elle aux titulaires les moyens privilégiés d’exercer leur droit? Les lois qui confèrent des droits de propriété sont moins susceptibles de passer le critère de l’arrêt Sparrow.

La Cour suprême a déterminé que l’exclusivité des compétences, telle qu’elle a été examinée par la Cour d’appel, ne s’applique pas en l’espèce parce que le titre ancestral a une incidence sur les pouvoirs provinciaux et fédéraux.

Conséquences

La décision de la Cour suprême créera des défis pour les gouvernements et les promoteurs qui cherchent à autoriser des projets de développement sur les terres autochtones. Il clarifie, sinon introduit, un nouveau type important d’effet de levier « axé sur les droits de propriété - disponible pour les groupes autochtones. Les futurs litiges autochtones pourraient porter de plus en plus sur la preuve du titre, par opposition aux lacunes alléguées quant à la pertinence de la consultation.

La décision pourrait réduire la certitude à l’égard des projets d’exploitation des ressources dans les régions du pays où le titre ancestral est ou pourrait devenir un enjeu, ce qui comprend presque toute la Colombie-Britannique, une grande partie du Canada atlantique, certaines parties de l’Ontario et du Québec et une partie du Nord. La décision sera également attrayante pour les Premières nations qui affirment que les traités n’éteignaient pas le titre, mais qu’ils n’étaient que des traités de paix.

La suggestion de la Cour suprême selon laquelle les projets approuvés par la Couronne avant la déclaration de titre pourraient devoir être réévalués ou même annulés une fois le titre déclaré pourrait soulever des préoccupations potentielles au sujet de certains projets au Canada.

La justification de la violation d’un titre ancestral nécessitera sans doute une attention plus proactive de la part de la Couronne. C’est-à-dire que les gouvernements fédéral et provinciaux devront adopter une approche plus systématique pour consulter les groupes autochtones (plutôt que de simplement déléguer la consultation aux promoteurs) et rationaliser toute atteinte d’une manière transparente et fondée sur des principes.

La décision soulève également la question de savoir comment le titre ancestral sera prouvé à l’avenir. Cette décision est le résultat d’une action civile très longue et coûteuse. Les cours de justice continueront-elles d’exiger que le titre ne soit prouvé que dans le cadre d’une action civile, ou peut-il être prouvé, par exemple, dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou d’une instance devant un tribunal? Et la Couronne, pour s’acquitter de son devoir d’honneur après cette décision, créera-t-elle des processus qui offrent des occasions opportunes de déterminer le titre ancestral?

Enfin, le fait que les provinces puissent continuer de réglementer les terres assujetties à des revendications de titres ancestraux et à la détermination des titres devrait être un soulagement bienvenu pour bon nombre d’entre eux et permettra une réglementation uniforme dans chaque province.

Authors

Liens connexes



View Full Mobile Experience