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La décision de la Cour suprême dans l’affaire Keewatin confirme la capacité de la province de prendre des terres visées par un traité

11 juillet 2014

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Le 11 juillet 2014, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire Grassy Narrows First Nation c Ontario (Ressources naturelles), 2014 CSC 48, aussi connue sous le nom de Keewatin. La décision confirme l’approche de la Cour dans Tsilhqot’in Nation c Colombie-Britannique, 2014 CSC 44 : les provinces sont en mesure de réglementer des domaines relevant de leur compétence constitutionnelle, même lorsque ce règlement peut avoir une incidence sur les droits ancestraux et issus de traités.

La Cour suprême a confirmé la décision de la Cour d’appel de l’Ontario selon laquelle la province de l’Ontario pouvait « prendre » des terres de manière à limiter les droits issus de traités dans la région de Keewatin du Traité no 3 et, par extension, dans les régions visées par un traité dans l’ensemble de la province. Aucune approbation fédérale ne sera requise. Les provinces ont toujours le droit de réglementer dans les domaines de la foresterie, de l’exploitation minière et de l’exploitation des ressources, sous réserve de l’exigence que l’exercice de ce pouvoir se fasse conformément à l’honneur de la Couronne et au respect significatif des droits issus de traités.

La décision est pertinente pour l’exploitation des ressources dans les régions visées par des traités numérotés, comme le nord-est de la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et l’Ontario, et comprend des régions comme le Cercle de feu en Ontario.

Historique

L’action de la Première nation de Grassy Narrows concernait le Traité no 3, qui a été conclu en 1873 par le Canada et la tribu Salteaux des Indiens Ojibways. Il s’agissait d’une clause de récolte du traité, qui donnait aux Ojibways le droit de chasser et de pêcher sur l’ensemble des terres cédées, sauf sur les parcelles qui étaient nécessaires ou prises en charge par le gouvernement du Dominion du Canada à des fins de colonisation, d’exploitation minière, d’exploitation forestière ou à d’autres fins.

Les principales questions étaient les suivantes: (1) le gouvernement de l’Ontario avait-il le pouvoir, sans l’autorisation du gouvernement fédéral, de prendre des parcelles de terre à des fins forestières de manière à limiter les droits de récolte, et (2) si la réponse à la première question était non, si la province avait le pouvoir de porter atteinte à juste titre aux droits de récolte en vertu de la division constitutionnelle des pouvoirs.

Décision de la Cour suprême

En l’espèce, la prise en cause était la délivrance d’un permis d’exploitation forestière qui permettait des opérations forestières à blanc dans la région. Selon la Première nation, cela aurait porté atteinte à leurs droits de récolte.

Les Premières nations appelantes ont avancé la position selon laquelle seule la Couronne fédérale était habilitée à « prendre » des terres en vertu du Traité no 3. Toutefois, la Cour suprême a souligné que le traité n’avait pas été conclu avec le Canada, mais avec la Couronne, une entité ayant une composante provinciale et fédérale. La Couronne du chef de l’Ontario est également « liée par le traité et habilitée à agir à cet égard ».

Même si la Couronne fédérale a compétence sur « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens » en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, cela ne crée pas un rôle de surveillance pour la Couronne fédérale. Aucune « autorisation » fédérale ou processus en deux étapes ne serait requis pour que l’Ontario puisse prendre des terres en vertu d’un traité. Bien que le paragraphe 91(24) donne au gouvernement fédéral le droit d’adopter des lois qui peuvent avoir une incidence sur les terres provinciales, une province peut toujours légiférer selon ses chefs de compétence en vertu de l’article 92 et de l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui donne aux provinces un contrôle constitutionnel sur leurs terres et leurs ressources naturelles.

Lorsqu’une province « s’empare » de terres en vertu d’un traité, elle sera tenue d’agir d’une manière qui respecte l’honneur de la Couronne et les droits de récolte prévus par le traité. Toute prise en charge doit donc respecter le critère énoncé dans l’affaire Mikisew. Dans l’affaire Mikisew, le droit de la Couronne de prendre des terres est assujetti à son obligation de consulter et, s’il y a lieu, d’accommoder au préalable. L’obligation est fondée sur l’honneur de la Couronne. La Couronne doit s’informer de l’impact que la prise aura et elle doit ensuite traiter avec la Première Nation de bonne foi. Si la prise en charge laisse la Première Nation sans droit significatif de chasser, de pêcher ou de piéger dans les territoires sur lesquels elle le faisait traditionnellement, la prise peut constituer une violation des droits issus de traités. En d’autres termes, le contenu de l’obligation dépend de la mesure dans laquelle les droits issus de traités seraient touchés.

Enfin, la Cour suprême s’est penchée sur sa décision dans l’affaire Tsilhqot’in, faisant remarquer qu’il s’agissait d’une réponse complète à toute question de savoir si l’exclusivité des compétences s’appliquait. La Cour suprême a déclaré dans l’arrêt Tsilhqot’in que l’exclusivité des compétences est une doctrine qui régit le fonctionnement des gouvernements fédéral et provinciaux dans leurs diverses juridictions. Lorsque les droits ancestraux et issus de traités entrent en jeu, ces droits limitent les compétences fédérales et provinciales. L’application de l’exclusivité des compétences ne permet pas la coopération nécessaire pour traiter adéquatement des droits ancestraux et issus de traités.

Conséquences

Cela devrait rassurer les promoteurs sur le fait que les provinces peuvent continuer de réglementer et d’autoriser de façon uniforme les activités de mise en valeur lorsque les terres sont régies par un traité. La décision de la Cour est conforme à des décisions antérieures telles que Mikisew et confirme le droit de prendre des terres régies par un traité. Cette prise en charge demeurera assujettie à l’obligation de consulter et d’accommoder, le cas échéant.

Il est donc peu probable que la décision crée le même niveau de controverse que celle suscitée par la décision Tsilhqot’in de la Cour sur le titre ancestral. Comme on pouvait s’y attendre, la décision n’a pas fourni de précisions sur les incertitudes découlant de la décision de la Cour Tsilhqot’in il y a deux semaines concernant le titre ancestral dans les zones visées par un traité et ne modifie pas la loi sur la consultation et l’accommodement approprié.

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