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La Cour suprême précise que l’obligation de l’expert envers la Cour est une exigence préliminaire pour l’admissibilité

30 avril 2015

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La Cour suprême du Canada a rendu aujourd’hui une décision qui fait progresser le droit existant exigeant que les experts en instance judiciaire donnent une preuve d’opinion juste, objective et non partisane. Un certain nombre d’affaires défendaient l’affirmation selon laquelle, s’il y avait un doute quant à l’objectivité de l’expert, c’était une question qui irait au « poids », mais les éléments de preuve seraient toujours recevables. Ce n’est pas le cas, a déclaré la Cour suprême aujourd’hui. Dans l’affaire White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co, la Cour suprême a statué que l’obligation de l’expert envers la cour crée une exigence préliminaire pour l’admissibilité de la preuve de l’expert.

La décision découlait d’une action pour négligence professionnelle dans laquelle les demandeurs, un groupe d’actionnaires, poursuivaient leurs anciens vérificateurs. Les actionnaires avaient retenu les services d’un nouveau cabinet d’experts-comptables (Grant Thornton, de Kentville, en Nouvelle-Écosse), qui avait découvert des problèmes avec le travail des anciens vérificateurs. Plus précisément, les actionnaires ont allégué qu’ils avaient subi une perte financière en raison du défaut des anciens vérificateurs d’appliquer les normes de vérification et de comptabilité généralement reconnues.

En août 2010, les vérificateurs ont demandé un jugement sommaire. En réponse, les actionnaires ont retenu les services d’un témoin expert pour examiner les documents et préparer un rapport. Le témoin expert travaillait au bureau de Grant Thornton à Halifax (à 100 km de Kentville). Les anciens vérificateurs ont demandé la radiation de l’affidavit de l’expert parce que son cabinet pourrait être exposé à la responsabilité si son approche n’était pas acceptée par le tribunal et que l’expert, à son tour, pourrait être personnellement responsable. Les actionnaires ont fait valoir que l’expert avait un intérêt financier personnel dans l’issue du litige et qu’il n’était pas un témoin impartial.

La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a convenu avec les actionnaires de conclure que, pour être admissible, la preuve d’un expert doit être, et être perçue comme telle, indépendante et impartiale. Dans une décision partagée, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a conclu que le critère d’indépendance et d’impartialité appliqué par le tribunal inférieur était erroné en droit. L’appel a été rejeté et cette décision a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada.

Le juge Cromwell, qui a rendu le jugement de la Cour, a affirmé que les témoins experts ont une obligation particulière envers la cour de fournir une aide juste, objective et non partisane. La question était de savoir où cette obligation s’inscrivait dans le cadre juridique de la preuve d’opinion d’expert établi par l’arrêt fondamental de la Cour suprême R c Mohan. Le cadre mohan comporte deux composantes principales :

  1. Premièrement, quatre exigences de seuil doivent être respectées pour que la preuve soit admissible :
    1. la pertinence;
    2. la nécessité d’aider le juge des faits;
    3. l’absence d’une règle d’exclusion; et
    4. un expert dûment qualifié.
  2. Si les exigences du premier élément sont respectées, le juge détient un pouvoir discrétionnaire résiduel d’exclure des éléments de preuve fondés sur une analyse coûts-avantages.

Le juge Cromwell a conclu que l’obligation de l’expert envers le tribunal relevait de l’exigence d’un « expert dûment qualifié » en vertu de la première composante du cadre Mohan. Les préoccupations moins fondamentales concernant l’indépendance et l’impartialité d’un expert devraient être prises en compte dans le cadre de l’analyse coûts-avantages de la deuxième composante du cadre Mohan.

La partie la plus importante de la décision, dans la pratique, peut se rapporter aux nouvelles règles établies par la Cour suprême concernant le fardeau de la preuve. Premièrement, l’expert est tenu de témoigner ou d’attester (dans un rapport ou autrement) qu’il est disposé et capable de fournir des preuves impartiales, indépendantes et impartiales. Ensuite, il incombe à l’autre partie de démontrer qu’il y a une préoccupation réaliste que la preuve de l’expert ne devrait pas être reçue parce que l’expert ne peut ou ne veut pas s’acquitter de ses obligations. Si ce seuil a été atteint, il incombe alors à la partie qui cherche à produire la preuve d’expert de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’expert est suffisamment indépendant et impartial pour rendre la preuve admissible.

En examinant l’application de ce seuil, le juge Cromwell a expliqué qu’il serait rare que la preuve d’un expert proposé soit jugée irrecevable parce qu’elle ne l’a pas atteint. Pour déterminer si l’expert peut atteindre le seuil, le tribunal doit tenir compte de la nature et de l’étendue de l’intérêt ou du lien avec le litige ou un plaideur. L’épreuve de l’acide est de savoir « si l’opinion de l’expert ne changerait pas, quelle que soit la partie qui l’a retenu ».

Appliquant les principes susmentionnés aux faits, le juge Cromwell a conclu que la preuve de l’expert était admissible. Il n’a pas été conclu que l’experte était partiale ou partiale ou qu’elle agissait à titre de défenseure des actionnaires. Le fait que l’expert ait travaillé à partir d’un autre bureau de Grant Thornton n’a pas rendu la preuve inadmissible. Le juge Cromwell a également refusé d’accepter que le fait de se fier au travail d’autres professionnels pour en arriver à une opinion rendait le rapport d’un expert inadmissible. Il s’agit d’un aspect important de la décision pour les experts comptables ou financiers, qui s’appuient souvent sur le travail des autres pour formuler l’opinion.

White Burgess réaffirme l’importance pour les experts de connaître leur devoir envers la cour. Ce devoir l’emporte sur tous les autres devoirs. Cette question est maintenant élevée au rang de question d’admissibilité, ce qui signifie que, si l’expert ne peut pas convaincre la Cour qu’il est capable et disposé à fournir une preuve d’opinion impartiale et impartiale, cette preuve ne se retrouvera jamais dans une salle d’audience.

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