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La CSC rend un jugement sur l’organisme national coopératif de réglementation des valeurs mobilières

12 novembre 2018

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La fin est-elle en vue?

Écrit par John E. Piasta, Kristopher R. Hanc, Michael D. Mysak, Justin R. Lambert, Hind Masri and Stefanie Cardarelli

Le 9 novembre 2018, la Cour suprême du Canada (CSC) a statué à l’unanimité qu’un projet d’organisme pancanadien de réglementation des valeurs mobilières est acceptable sur le plan constitutionnel. La décision, Référence concernant la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, était très attendue et ouvre maintenant la voie au Régime coopératif de réglementation des marchés des capitaux (CCMRS).

Historique

Unique parmi les grandes économies, le Canada n’a pas d’organisme national de réglementation des valeurs mobilières. Bien que les provinces aient établi certaines formes de coopération (par l’utilisation d’instruments nationaux et multilatéraux et, plus récemment, du système de « passeport ») depuis au moins les années 1970, il y a eu des discussions et des efforts récurrents pour régler cette question de façon plus officielle et plus définitive. Plus récemment, dans une décision rendue en 2011, la CSC a déterminé qu’un système de réglementation national proposé était inconstitutionnel, concluant qu’en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 (la « Constitution »), les provinces et les territoires ont compétence sur la plupart des aspects liés à la réglementation des valeurs mobilières. Néanmoins, la CSC a laissé la porte ouverte dans cette décision à la création d’un système faisant appel à une approche coopérative entre les provinces et les territoires.

À la suite de la décision rendue par la CSC en 2011, le CCMRS a été élaboré en vertu duquel les gouvernements de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, du Yukon et le gouvernement fédéral ont annoncé en 2014 qu’ils avaient signé un protocole d’entente (le « PE ») en vertu duquel les modalités du CCMRS étaient officialisées. Les principales composantes du CCMRS comprennent : (i) une loi provinciale et territoriale modèle appelée Loi sur les marchés des capitaux (la « Loi provinciale modèle ») qui traite principalement des aspects quotidiens du commerce des valeurs mobilières; (ii) un projet de loi fédérale appelé Loi sur la stabilité des marchés des capitaux (le « projet de loi fédérale ») qui vise à réglementer la prévention et la gestion des risques systémiques et qui établit également les infractions criminelles liées aux marchés financiers; c) un conseil des ministres (le « Conseil ») composé du ministre fédéral des Finances et du ministre responsable de la réglementation des marchés des capitaux de chaque administration participante, pour assurer la surveillance de l’organisme national de réglementation des valeurs mobilières; et d) un organisme national de réglementation des valeurs mobilières qui doit fonctionner sous la responsabilité du Conseil et qui est chargé d’administrer le régime des valeurs mobilières.

La validité constitutionnelle du CCMRS a été déférée à la Cour d’appel du Québec en juillet 2015, et cette Cour a conclu que le CCMRS était inconstitutionnel. Plus précisément, la Cour d’appel du Québec a dû se pencher sur deux questions, à savoir : (i) la Constitution autorise-t-elle la mise en œuvre d’une réglementation pancanadienne des valeurs mobilières sous l’autorité d’un seul organisme de réglementation, selon le modèle établi par le PE concernant le CCMRS? et (ii) la version la plus récente de l’avant-projet de loi fédérale outrepasse-t-elle la compétence du Parlement du Canada sur le pouvoir général en matière d’échanges et de commerce en vertu du paragraphe 91(2) de la Constitution. En ce qui concerne la première question, la Cour d’appel du Québec a conclu que, essentiellement, la Loi provinciale type entravait la souveraineté des législatures des provinces et a conclu que le processus de prise de règlements fédéraux était incompatible avec les principes du fédéralisme au Canada. Sur la deuxième question, la Cour a statué que le caractère véritable du projet de loi fédérale relevait de la compétence du gouvernement fédéral en matière de commerce en vertu de la Constitution; toutefois, la Cour a contesté certaines dispositions du projet de loi fédérale, le rendant finalement inconstitutionnel.

Le procureur général du Canada a interjeté appel des deux questions, le procureur général de la Colombie-Britannique ayant interjeté appel de la première question et le procureur général du Québec ayant interjeté appel de la deuxième question, ce qui a mené à la décision de la CSC du 9 novembre 2018.

La décision

Pour en arriver à sa décision, la CSC a réexaminé les deux mêmes questions que la Cour d’appel du Québec a dû examiner sur renvoi du gouvernement du Québec.

En réponse à la première question, la CSC a conclu que la mise en œuvre d’une réglementation pancanadienne des valeurs mobilières sous l’autorité d’un seul organisme de réglementation, conformément aux modalités énoncées dans le PE, était constitutionnelle. En rendant cette décision, la CSC a déterminé que, contrairement à la décision de la Cour d’appel du Québec, le PE n’impliquait pas une délégation inadmissible de pouvoir législatif et que le processus de modification de la Loi provinciale type par le Conseil n’avait pas pour effet d’entraver la souveraineté des législatures respectives des provinces et des territoires participants. La CSC a statué que les modalités du PE n’impliquaient pas que les législatures des provinces et territoires participants seraient tenues de mettre en œuvre les modifications apportées à la loi provinciale type, et que les provinces et territoires participants ne seraient pas empêchés d’apporter d’autres modifications à leurs lois provinciales ou territoriales respectives sur les valeurs mobilières. La CSC a statué que même si les modalités du PE entéraient la souveraineté des législatures, elles seraient inefficaces compte tenu du principe de la souveraineté parlementaire, car l’exécutif est incapable de s’ingérer dans le pouvoir de la législature d’adopter, de modifier et d’abroger des lois.

En ce qui concerne la deuxième question, la CSC a statué que le projet de loi fédérale relevait des pouvoirs du Parlement en matière de commerce en vertu du paragraphe 91(2) de la Constitution. Le caractère véritable de l’avant-projet de loi fédérale est de contrôler le risque systémique susceptible de créer des effets négatifs importants sur l’économie canadienne et, par conséquent, de traiter d’une question d’importance nationale réelle. Contrairement à la Cour d’appel du Québec, la CSC n’a pas conclu que certaines dispositions de l’avant-projet de loi fédérale portant sur le Conseil rendaient la loi inconstitutionnelle.

Prochaines étapes

On ne sait toujours pas si, quand et comment la loi de mise en œuvre d’un nouveau régime de réglementation des valeurs mobilières sera présentée. La CSC a indiqué que sa décision était consultative et qu’il appartient aux provinces et/ou aux territoires de déterminer si la participation est dans l’intérêt supérieur de cette province ou de ce territoire. La CSC a souligné que la décision de renoncer à un certain degré d’autonomie à l’égard de la réglementation des valeurs mobilières est entièrement une question de choix politique et qu’il n’est pas clair quelles mesures les provinces qui s’opposent à un organisme national de réglementation des valeurs mobilières prendront ou sont à leur disposition en réponse à la décision de la CSC.

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