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La CSC confirme l’intention générale de ne pas suffire à la rectification dans les affaires fiscales

09 décembre 2016

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Écrit par Alison Gray

Le 9 décembre 2016, la Cour suprême a rendu ses décisions dans deux affaires de rectification fiscale : Groupe Jean Coutu (PJC) Inc. Canada (Procureur général), 2016 CSC 55 et Canada (Procureur général) Hôtels Fairmont Inc., 2016 CSC 56. Ces décisions fournissent les éclaircissements nécessaires quant au moment où la rectification sera accordée dans les affaires fiscales. En particulier, ces décisions répondent à la question de savoir si une intention générale de structurer une opération sur une base fiscalement neutre est suffisante pour permettre la rectification. La réponse que nous connaissons maintenant est non.

En Jean Coutu, une filiale américaine d’une société canadienne a acquis une chaîne de pharmacies américaines en 2004. En raison des fluctuations du taux de change, un problème de présentation comptable de l’acquisition s’est posé. Dans le but de trouver une solution fiscalement neutre, une série de transactions ont été effectuées, dont l’effet net a été de transformer l’investissement net américain en une dette nette. Les conséquences fiscales prévues et convenues des opérations ont été énoncées dans la documentation officialisant les opérations. En 2010, l’ARC a établi une cotisation d’impôt supplémentaire de 2,2 millions de dollars pour la société canadienne pour les années 2005, 2006 et 2007.

Jean Coutu Canada a demandé la rectification des documents relatifs à l’entente, qui a été accordée par le juge saisi de la requête au motif qu’il y avait une disparité entre l’intention commune des parties et les documents rédigés pour donner effet à cette intention. La Cour d’appel a accueilli l’appel, statuant que l’intention générale des parties contractantes qu’une convention soit neutre sur le plan fiscal était insuffisante pour autoriser la modification des documents écrits qui sous-tendent l’accord afin qu’ils reflètent cette intention.

Dans l’affaire Fairmont Hotels, Fairmont Hotels Inc. a participé au financement de l’achat de deux hôtels aux États-Unis. L’entente de financement visait à fonctionner sans incidence sur le plan fiscal. Lorsque Fairmont a été acquise par la suite, cette intention a été contrecarrée parce que l’acquisition amènerait Fairmont à réaliser une perte de change réputée. Les parties ont convenu d’un plan qui permettait à Fairmont de réaliser ses gains et pertes de change accumulés et de couvrir son exposition aux opérations de change. Toutefois, le régime ne traitait pas de l’exposition aux taux de change des sociétés affiliées canadiennes de Fairmont. Un an plus tard, l’arrangement de financement a pris fin, et Fairmont et les sociétés affiliées canadiennes ont racheté des actions en présumant à tort qu’aucun gain étranger imposable ne serait déclenché. Une vérification de l’ARC a révélé l’erreur, et Fairmont a cherché à éviter cette responsabilité en corrigeant les résolutions des administrateurs rachetant les actions. Le juge de première instance et la Cour d’appel ont tous deux accordé la rectification en se fondant sur l’intention générale des parties que l’opération soit neutre sur le plan fiscal.

La CSC a rejeté l’appel dans l’affaire Jean Coutu et a accueilli l’appel dans l’affaire Hôtels Fairmont. Ce faisant, la Cour a confirmé qu’en common law et en droit civil, la rectification dans les affaires fiscales exige plus qu’une intention générale qu’un accord ou une transaction soit neutre sur le plan fiscal.

Il doit plutôt y avoir une intention clairement définie d’obtenir une conséquence fiscale précise. Un instrument écrit ne peut être rectifié lorsqu’il s’agit de l’expression d’un accord simplement parce qu’il entraîne des conséquences fiscales imprévues ou imprévues. La rectification vise uniquement à aligner les documents écrits sur l’accord qu’ils sont censés enregistrer et mettre en œuvre, et non sur les motivations des parties contractantes pour conclure l’accord ou leurs attentes quant à ses conséquences.

Dans l’arrêt Jean Coutu, la Cour a statué que la rectification en vertu du Code civil ne sera permise que lorsque des conséquences fiscales imprévues résultent d’un contrat dont les conséquences souhaitées, en tout ou en partie, sont l’évitement fiscal, le report ou la minimisation dans deux conditions. Premièrement, si les conséquences fiscales imprévues ont été initialement et spécifiquement recherchées pour être évitées, au moyen d’obligations suffisamment précises qui s’opposent, et les termes doivent exécuter ces objets, sont déterminés ou déterminables; et deuxièmement, lorsque les obligations, si elles étaient correctement exprimées et les conditions correspondantes, si elles avaient été correctement exécutées, auraient réussi à le faire. Cela s’explique par le fait que l’accent est mis sur ce que les parties contractantes ont effectivement convenu de faire, et non sur les motivations qu’elles ont motivées à conclure un accord ou sur les conséquences qu’elles voulaient qu’il ait.

Dans l’affaire Fairmont Hotels, la Cour a confirmé que la rectification peut corriger une entente mal consignée concernant ce qui devait être fait, mais qu’elle ne peut pas modifier l’entente afin de sauver ce que les parties espéraient réaliser. Ainsi, dans le contexte fiscal, un tribunal ne peut pas modifier un instrument simplement parce qu’une partie découvre qu’il a pour effet de créer une obligation fiscale défavorable et imprévue.

Ainsi, la Cour a conclu que deux types d’erreurs peuvent permettre une rectification. Premièrement, lorsque les deux parties ont signé un instrument en vertu de l’erreur commune qu’il enregistre avec exactitude les termes de leur accord. En l’espèce, il doit être démontré que les parties sont parvenues à un accord préalable dont les conditions sont définitives et vérifiables, qu’elles étaient encore en vigueur au moment de l’exécution de l’instrument, que l’instrument n’enregistre pas l’accord antérieur avec exactitude et que, s’il était rectifié, l’instrument exécuterait l’accord.

La rectification est également possible lorsque l’erreur est unilatérale – soit parce que l’instrument officialise un acte unilatéral, soit lorsque l’instrument visait à enregistrer un accord entre les parties, mais une partie dit que l’instrument ne le fait pas avec exactitude, tandis que l’autre partie dit qu’il le fait. Dans ce dernier cas, la rectification sera accordée lorsque la partie qui s’oppose à la rectification était au courant ou aurait dû être au courant de l’erreur, et permettre à cette partie de profiter de l’erreur équivaudrait à une « fraude ou l’équivalent d’une fraude ».

Une partie qui demande la rectification doit démontrer non seulement l’erreur dans l’instrument, mais aussi la façon dont l’instrument devrait être rectifié afin d’enregistrer correctement ce que les parties avaient l’intention de faire. La partie qui demande la rectification doit identifier les termes qui ont été omis ou enregistrés incorrectement et qui, correctement enregistrés, sont suffisamment précis pour constituer les termes d’un accord exécutoire.

Les décisions de la CSC dans les affaires Jean Coutu et Hôtels Fairmont règlent maintenant la question de savoir si l’intention générale de faire en sorte qu’une transaction soit neutre sur le plan fiscal est suffisante pour obtenir une rectification lorsque des conséquences fiscales imprévues sont en cause. Le résultat est un non écrasant. La CSC a clairement indiqué qu’un demandeur qui demande la rectification doit établir un accord préalable pour obtenir une conséquence fiscale spécifique, et les moyens précis par lesquels réaliser ce résultat fiscal attendu. Ce n’est que lorsqu’il y aura une erreur dans la mise en œuvre de l’accord pour obtenir les conséquences fiscales prévues que la rectification sera autorisée.

La Cour a statué qu’une partie qui demande la rectification doit présenter « des éléments de preuve faisant preuve d’un degré élevé de clarté, de persuasion et d’urgence » pour démontrer que l’instrument écrit ne reflète pas la véritable ligne de conduite envisagée par les parties. Par conséquent, à l’avenir, il est conseillé aux parties à une entente et à tous les professionnels qui fournissent des conseils fiscaux de s’assurer que l’intention d’obtenir une conséquence fiscale particulière est consignée, ainsi qu’un « plan par étapes » détaillé énonçant la façon d’obtenir les conséquences fiscales prévues. Ce n’est que si les instruments utilisés pour obtenir les conséquences fiscales spécifiques manquent une étape ou contiennent une erreur que la rectification sera autorisée.

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