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La Cour d’appel du Québec confirme une approche large et libérale à l’égard de l’autorisation d’un recours collectif

23 novembre 2017

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Écrit par Emrys Davis, Ashley L. Paterson and Charlotte Harman

Le 31 octobre 2017, la Cour d’appel du Québec a rendu sa décision dans Asselin c. Desjardins Cabinet de services financiers inc., 2017 QCCA 1673. La Cour d’appel a infirmé la décision du tribunal inférieur refusant l’autorisation du recours collectif, renforçant ainsi l’approche « souple, libérale et généreuse » de l’autorisation du recours collectif au Québec.

Cette affaire offre des leçons pratiques aux entreprises canadiennes qui font affaire au Québec et qui s’inquiètent de l’exposition à des recours collectifs. La Cour a confirmé que les critères d’autorisation au Québec demeurent plus larges et plus souples que dans les juridictions canadiennes de common law.

La décision de la Cour supérieure

Ronald Asselin a demandé l’autorisation d’un recours collectif contre la société québécoise Desjardins Cabinet de services financiers inc. (DCSF) et sa société affiliée de gestion d’actifs, Desjardins Gestion internationale d’actifs inc. (DGIA) relativement à leurs produits de placement à terme fixe. Asselin a cherché à agir à titre de représentant du groupe au nom de toutes les personnes détenant ces placements, ou une partie de ces placements, à compter du 1er octobre 2008.

Asselin a allégué que même si les placements étaient commercialisés comme des « rendements garantis », les produits contenaient un élément de risque non divulgué qui limitait leur potentiel de rendement et des conditions qui n’empêchaient pas les détenteurs de perdre. En mars 2009, Asselin a reçu une lettre l’informant que son investissement, qui n’avait pas encore atteint le point d’échéance, ne produirait finalement aucun rendement. Toutefois, l’investissement principal demeurerait protégé et ne serait rachetable que cinq ans à compter de la date d’acquisition, jusqu’à quel point il ne pourrait pas être retiré.

La demande d’autorisation d’un recours collectif alléguait une rupture de contrat contre DCSF et une négligence dans la conception et la gestion des produits d’investissement contre DGIA.

La Cour supérieure a refusé d’autoriser le recours collectif, statuant qu’Asselin ne s’était pas acquitté de son fardeau de démontrer une véritable apparence de droit. Le juge a conclu que la réclamation était fondée sur des allégations simples sans documentation appropriée démontrant la relation contractuelle avec DCSF ou le rôle du défendeur DGIA dans la conception et la gestion des produits. Le juge a conclu qu’il était impossible d’évaluer la validité des réclamations d’Asselin ou leur pertinence pour l’arbitrage au moyen d’un recours collectif. De plus, la Cour a conclu que, puisqu’Asselin avait finalement signé l’entente par l’entremise de sa coopérative de crédit, sa demande était fondée sur la relation sans lien de dépendance entre courtier et courtier et, par conséquent, ne convenait pas comme recours collectif.

La Cour d’appel révise la loi sur l’autorisation au Québec

En examinant la décision, le juge Bich a conclu que le tribunal inférieur avait proposé une approche exigeante à l’égard de l’article 575 du Code de procédure civile du Québec, qui prévoit les conditions d’autorisation d’un recours collectif. Le juge Bich a conclu que l’approche du tribunal inférieur, bien qu’elle soit enracinée dans un désir bien fondé de préserver l’intégrité du système de justice civile, contredisait l’état du droit tel qu’établi par la Cour suprême. S’appuyant sur des affaires bien connues telles que Infineon Technologies AG c. option consommateurs, Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello et Theratechnologies inc. c. 121851 Canada inc., le juge Bich a souligné l’approche souple, libérale et généreuse qui devrait être adoptée à l’égard de l’autorisation d’un recours collectif au Québec afin de « faciliter l’exercice de la réparation collective comme moyen d’atteindre le double objectif de dissuasion et d’indemnisation des victimes ».

Le tribunal a confirmé qu’à l’étape de l’autorisation, le demandeur n’a qu’à présenter une « cause défendable » ou une cause qui a une chance de succès. Il n’est pas nécessaire d’établir une possibilité raisonnable ou réaliste de succès.

Même face à une allégation qui rendait « difficile de suivre l’histoire et le syllogisme juridique de l’appelant », la Cour a souligné que les allégations n’avaient pas besoin d’être parfaites; juste assez bon pour qu’un juge détermine si les faits, s’ils sont pris pour vrais, satisfont aux conditions de l’article 575 du Code de procédure civile.

La Cour a précisé que les exigences en matière de preuve pour l’autorisation ne permettent pas au juge du procès d’effectuer une analyse scrupuleuse du bien-fondé. Le juge Bich a plutôt souligné que le fardeau à l’étape de l’autorisation est un fardeau de « logique, et non de preuve », et exige un seuil minimal de preuve. Les faits allégués à l’étape de l’autorisation seront présumés véridiques, à moins qu’ils ne semblent improbables ou manifestement inexacts.

La Cour d’appel a attribué la mauvaise application par le tribunal inférieur de l’article 575 du Code de procédure civile, du moins en partie, à son acceptation d’un grand nombre d’éléments de preuve à l’étape de l’autorisation. Au Québec, le tribunal n’examinera les éléments de preuve pertinents que s’ils sont déposés avec l’autorisation préalable du tribunal en vertu de l’article 574. En ce qui concerne l’objet du recours collectif, le juge Bich a fait remarquer que si l’objectif est de limiter les ressources judiciaires usurpées par les recours collectifs, les juges ne devraient pas soupeser la preuve à l’étape de l’autorisation, comme le juge du procès l’a fait en l’espèce.

En fin de compte, le tribunal doit autoriser l’autorisation à moins que la demande ne semble frivole, vouée à l’échec, insuffisante dans les faits allégués ou « incontestablement » non fondée.

La Cour infirme la décision et autorise l’action

Le juge Bich a conclu que les demandeurs avaient présenté une cause défendable de responsabilité contractuelle contre DCSF. Un manquement prima facie à l’obligation d’information pouvait être établi lorsque les investisseurs avaient involontairement investi leur argent dans des investissements dépourvus de perspectives de rendement, avaient reçu des informations inadéquates sur le niveau de risque et avaient été conseillés d’investir dans des avoirs qui ne convenaient pas à leur profil d’investissement. Une faute avait été constatée sur une telle base dans le cadre d’un contrat de services au sens de l’article 2098 du Code civil. Cette obligation, si elle était constatée, s’étendrait à un conseiller ou à un représentant agissant au nom de DCSF en tant qu’agent ou employé, créant ainsi une « double faute » pour DCSF en omettant d’assurer des conseils exacts par ses agents.

À l’appui de sa plainte pour négligence contre DGIA, Asselin a soutenu que DGIA avait pris des risques contraires à son devoir de diligence dans la conception et la mise en œuvre des stratégies d’investissement. Le juge Bich a accepté les faits allégués par l’appelant comme étant à l’appui d’une cause défendable.

Conclusion

Cette décision renforce la barre basse pour l’autorisation d’un recours collectif au Québec. Les tribunaux adopteront une approche large et libérale, et les faits allégués à l’étape de l’autorisation seront pris pour vrais en l’absence d’incohérences flagrantes. De plus, les exigences en matière de preuve lors des audiences d’autorisation sont minimes.

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