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Prouver la négligence grave d’un exploitant : l’intention est-elle requise?

07 novembre 2014

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L’établissement de la négligence grave d’un exploitant exige « un certain degré d’intentionnalité », a récemment statué la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta dans Bernum Petroleum Ltd v Birch Lake Energy Inc, 2014 ABQB 652 [Bernum].

À Bernum, l’exploitant et propriétaire d’une participation active à 60 %, Bernum Petroleum Ltd., a signifié des avis d’exploitation indépendants et des autorisations de dépenses (EAF) à Birch Lake Energy Inc., le titulaire de la participation active à 40 %. Les avis proposaient le forage d’un certain nombre de puits horizontaux. Birch Lake a approuvé les AFEs et a accepté de participer aux puits. L’un des puits, cependant, s’est rompu et a été abandonné.

Bernum a par la suite fait des appels en espèces à Birch Lake, que Birch Lake a refusé de payer. Bernum a présenté une demande de jugement sommaire, et Birch Lake a résisté au motif que Bernum avait fait preuve d’une négligence grave dans la conduite des opérations de forage. Plus précisément, Birch Lake a allégué que les erreurs commises dans l’exploitation d’un puits, et répétées sur un second, constituaient une négligence grave. L’allégation concernait la décision de Bernum d’utiliser le même système de boue sur le deuxième puits, après avoir rencontré des problèmes avec celui-ci sur le premier.

Négligence grave

La relation de coentreprise était régie par la procédure d’exploitation de 2007 de l’Association canadienne des ouvriers agricoles pétroliers. L’article 4.02 de la procédure d’exploitation prévoit qu’un exploitant n’est pas responsable des pertes, sauf celles qui sont directement attribuables à la négligence grave ou à l’inconduite volontaire de l’exploitant, définies comme suit :

... tout acte, omission ou omission d’agir (seul, conjoint ou simultané) d’une personne qui était destiné à causer, ou qui était dans un mépris téméraire ou une indifférence flagrante à l’égard des conséquences préjudiciables pour la sécurité ou les biens d’une autre personne ou pour l’environnement que la personne agissant ou qui omet d’agir connaissait (ou aurait dû connaître) résulterait d’un tel acte, omission ou omission d’agir. Toutefois, la négligence grave ou l’inconduite délibérée ne comprend pas les actes, les omissions ou les omissions d’agir dans la mesure où ils : (i) constituaient une simple négligence ordinaire; ou (ii) a été fait ou omis conformément aux instructions expresses ou à l’approbation de toutes les Parties, dans la mesure où l’acte, l’omission ou l’omission d’agir constituant par ailleurs une négligence grave ou une inconduite délibérée était inhérent à ces instructions ou à cette approbation.

En plus de la définition contractuelle, la Cour a examiné un certain nombre d’autres descripteurs de common law de la « négligence grave » comme suit :

  1. « conduite dans laquelle, s’il n’y a pas d’acte répréhensible conscient, il y a un écart très marqué par rapport aux normes » : McCulloch v Murray, [1942] RCS 141 à la 145.
  2. « un écart très marqué par rapport aux normes selon lesquelles des sociétés raisonnables et compétentes dans une position similaire [agiraient] »: United Canso Oil & Gas Ltd v Wash Northern Inc, (1991) 121 AR 1 (QB).
  3. « très grande négligence » ou un « acte répréhensible conscient » ou un « écart très marqué » par rapport à la norme de diligence requise : Adeco Exploration Company Ltd c. Hunt Oil Co of Canada Inc, 2008 ABCA 214 au para. 55, citant la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Holland v Toronto (City), [1927] RCS 242.
  4. « un degré de négligence tel qu’il exclut le degré de diligence le plus souple » : Horizon Resource Management Ltd c. Blaze Energy Ltd, 2011 ABQB 658 au para. 989; a varié pour d’autres motifs à 2013 ABCA 139.

En examinant ce qui précède, la Cour était d’avis que « la définition de négligence grave est claire et sans ambiguïté » (par. 55) et a déclaré que « [l]a définition de la négligence grave dans la LCAP et la jurisprudence indiquent toutes un certain degré d’intentionnalité dans l’acte ou l’omission » (par. 48). Bien qu’ailleurs, on peut soutenir que le langage utilisé par la Cour s’est écarté de la nécessité d’un élément moral (« un écart très marqué par rapport à la norme attendue d’un exploitant »: par. 51; « écart très marqué par rapport aux normes attendues ou signes de très grande négligence » : par. 52; et « très grande négligence » : par. 54), la Cour a de nouveau conclu, au par. 55, que « l’intentionnalité ou l’indifférence consciente » est nécessaire pour fonder une négligence grave ou une inconduite délibérée (par. 55).

Comme décrit par nos collègues dans un article précédent ( Négligence degross: Quelle est la gravité doit-elle être?):

[l]es causes laissent entendre qu’une partie ne fera l’objet d’une négligence grave que lorsqu’il y a des actes répréhensibles conscients ou une indifférence consciente à l’égard des conséquences. Bien que ces deux facteurs soient des indicateurs convaincants de la négligence grave, l’opinion prédominante actuelle en droit canadien est que la négligence grave n’exige pas d’élément d’intention mentale. Bien entendu, cela est toujours assujetti à une définition légale ou contractuelle de la négligence grave qui impose expressément ou implicitement un élément moral
Bernum est donc un exemple d’un cas suggérant la nécessité d’actes répréhensibles conscients ou d’indifférence consciente. Toutefois, l’arrêt Bernum peut aussi être considéré comme une illustration de la capacité des parties d’imposer un élément moral par contrat, étant donné que l’article 4.02 de la procédure d’exploitation exige explicitement soit une intention consciente, soit une insouciance téméraire, soit une indifférence injustifiée. Toutefois, un tel point de vue n’est pas explicitement approuvé par la Cour.

En concluant que Bernum n’avait pas fait preuve d’une négligence grave, la Cour a commenté l’absence d’éléments de preuve qui suggéreraient qu’un résultat de forage plus favorable aurait suivi si Bernum avait utilisé un système de boue différent (par. 50). Le fait que Birch Lake n’ait pas présentés de preuve des normes de l’industrie pour permettre à la Cour de comparer les actions de Bernum était également problématique (par. 51). Compte tenu du récent « changement culturel » dans l’approche de la Cour à l’égard du jugement sommaire, Birch Lake a dû mettre son « meilleur pied » en avant maintenant, et non plus tard (par. 50). De plus, la définition de négligence grave dans la procédure d’exploitation excluait explicitement les procédures aux laquelle Birch Lake avait consenti, et Birch Lake n’avait soulevé aucune question avec le plan d’exploitation de forage jusqu’à bien après le fait (par. 52 et 55).

Points à retenir pour les non-opérateurs

Les non-exploitants qui croient qu’un exploitant fait l’affaire d’une négligence grave devraient envisager de créer un document en enregistrant simultanément leurs objections et leurs préoccupations. La correspondance écrite, y compris la présentation de solutions de rechange viables, devrait être prise en considération. Si l’exploitant ne tient pas compte d’une telle correspondance, il aura probablement plus de facilité à établir que l’exploitant a agi avec un élément d’intentionnalité, si un tel élément est requis par la Cour.

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