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Privilège pour les agents de brevets et de marques de commerce

01 juin 2015

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Écrit par Martin P.J. Kratz, QC, Roseann Caldwell and Lorraine Pinsent

À la suite de l’adoption du projet de loi C-59, les clients jouiront d’un privilège prévu par la loi dans leurs communications confidentielles avec les agents de brevets et de marques de commerce canadiens.

Cela permettra aux clients canadiens qui utilisent des agents de brevets et de marques de commerce, que ces agents soient ou non également des avocats, une protection plus sûre de leurs communications confidentielles. Au Canada, la loi prévoyait que les agents de brevets ou les agents de marques de commerce non juristes ne bénéficiaient pas du privilège juridique professionnel. En ce qui concerne les agents de brevets, voir Lumonics Research Ltd v Gould et al (1983), 70 C.P.R. (2d) 11 (FCA). En ce qui concerne les agents de marques de commerce, voir Visa International Service Assn v Visa Travel International Ltd (1983), 74 C.P.R. (2d) 243 (FCTD).

Privilège pour les agents de brevets

Il est proposé d’introduire un nouvel article 16.1 dans la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch P-4, et prévoirait qu’une communication serait privilégiée de la même manière qu’une communication qui est assujettie au secret professionnel de l’avocat et que personne ne sera tenu de divulguer ou de témoigner sur la communication dans le cadre d’une procédure civile, criminelle ou administrative, pourvu que la communication satisfive à certaines conditions. Premièrement, la communication devrait avoir lieu entre une personne qui est un agent de brevets inscrit et le client de cette personne. Deuxièmement, la communication devrait être destinée à être confidentielle. Troisièmement, la communication doit avoir pour but de « solliciter ou de donner des conseils sur toute question relative à la protection d’une invention ». Bien entendu, le client peut renoncer expressément ou implicitement à la revendication de privilège.

Le privilège conféré par la loi serait assujetti aux (quelques) exceptions qui s’appliquent également au secret professionnel de l’avocat.

La portée du privilège conféré par la loi s’appliquerait dans les cas où l’agent de brevets cherche à donner des conseils sur « toute question » concernant « la protection d’une invention ». Le libellé ne limite pas l’invention à celle du client et, de sorte que la portée du privilège conféré par la loi semblerait, en première instance, inclure également la prestation de conseils sur la validité ou la contrefaçon d’un brevet d’un tiers.

Il est important de noter que lorsqu’un agent de brevets travaille dans un autre pays qui accorde également un privilège dans ce pays, les communications qui répondent aux critères ci-dessus seraient également privilégiées au Canada. Cela résout un problème vu, par exemple, dans la décision Lilly Icos LLC v Pfizer Ireland Pharmaceuticals, 2006 CF 1465, où Lilly a cherché à mettre en accusation le brevet de Pfizer sur le médicament Cialis et a cherché à obtenir l’accès aux communications entre les inventeurs et les conseils en brevets du Royaume-Uni (qui sont des agents de brevets non-avocats). Pfizer a refusé de répondre aux questions demandant la divulgation et la production de ces communications au cours de l’examen en vue de l’interrogatoire préalable au motif que ces communications étaient privilégiées au Royaume-Uni et que ce privilège devrait être reconnu au Canada. Après examen, le protonotaire a ordonné qu’on réponde à ces questions. L’appel interjeté par la Cour fédérale à l’égard de cette décision a conclu que la législation du Royaume-Uni ne s’appliquait pas au Canada et ne devrait pas être appliquée par courtoisie pour exclure cette preuve.

Privilège pour les agents de marques de commerce

À l’instar du privilège conféré par la loi aux agents de brevets inscrits, un nouvel article 51.13 est proposé pour modifier la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch. T-13. Cet amendement prévoit qu’une communication serait privilégiée de la même manière qu’une communication qui est soumise au secret professionnel de l’avocat et que nul ne sera tenu de divulguer ou de témoigner sur la communication dans le cadre d’une procédure civile, pénale ou administrative, à condition que la communication satisfe à certaines conditions. Premièrement, la communication devrait avoir lieu entre une personne qui figure sur la liste des agents de marques de commerce enregistrés et le client de cette personne. Deuxièmement, la communication devrait être destinée à être confidentielle. Troisièmement, la communication doit avoir pour but de « solliciter ou de donner des conseils sur toute question relative à la protection d’une marque de commerce, d’une indication géographique ou d’une marque visée à l’alinéa 9(1)e), i), i.1), i.3), n) ou n.1) ».

Comme dans le cas du privilège conféré par la loi en vertu de la Loi sur les brevets, le client peut renoncer expressément ou implicitement à la revendication de privilège.

La portée du privilège conféré par la loi s’appliquerait dans les cas où l’agent de marques de commerce cherche à donner des conseils sur « toute question » concernant « la protection d’une marque de commerce, d’une indication géographique ou d’une marque visée à l’alinéa 9(1)e), i), i.1), i.3), n) ou n.1) ». Le libellé ne limite pas la marque à celle du client et, de sorte que la portée du privilège conféré par la loi semblerait en première instance inclure également la prestation de conseils sur la validité ou la violation de la liste limitée de marques.

Il convient de noter que la disposition relative à un privilège conféré par la loi en vertu de la Loi sur les marques de commerce ne semble pas inclure les noms commerciaux autres que les marques de commerce qui peuvent être protégés en vertu de l’article 7 ni toutes les marques prohibées en vertu de l’article 9. Les marques prohibées qui peuvent faire l’objet d’un privilège conféré par la loi seraient limitées, sous réserve des conditions suivantes : a) les armoiries, les écussons ou les drapeaux adoptés par toute province ou corporation municipale (alinéa 9(1)e); b) les drapeaux territoriaux ou civils ou toute armoirie, cimier ou emblème national, territorial ou civique d’un pays de l’Union (S. 9(1)i)); c) les signes ou poinçons officiels indiquant le contrôle ou la garantie adoptés par un pays de l’Union (S. 9(1)(i.1); les armoiries, drapeaux ou autres emblèmes, ou le nom ou toute abréviation du nom, d’une organisation internationale intergouvernementale (S. 9(1)(i.3); d) les insignes, les écussons, les emblèmes ou les marques des forces armées, d’une université ou d’une autorité publique (par. 9(1)n)); et e) les armoiries concédées, enregistrées ou approuvées pour utilisation par un récipiendaire en vertu des prérogatives de Sa Majesté (par. 9(1)n.1).

À l’ind’instituant la réforme des brevets, lorsqu’un agent de marques de commerce travaille dans un autre pays qui accorde également un privilège dans ce pays, les communications qui répondent aux critères ci-dessus seraient privilégiées au Canada.

Le privilège conféré par la loi protège également les avocats mandataires

La réforme législative contribue à la préservation de la relation confidentielle avec les clients entre les non-avocats et les avocats qui sont des agents de brevets et de marques de commerce enregistrés. Les tribunaux canadiens ont conclu que lorsqu’un avocat qui est également agent de brevets exerce cette dernière fonction, le secret professionnel normal de l’avocat peut ne pas s’appliquer. Voir Laboratories Servier c. Apotex Inc, 2008 CF 321 (CF), où, au par. 28, madame la juge Snider a fait remarquer ce qui suit :

les tribunaux ont jugé, selon les faits dont ils sont saisis, que le privilège pourrait ne pas se poser lorsque l’avocat qui est également un agent de brevets a agi en sa qualité d’agent de brevets. (Lumonics Research Ltd c. Gould (1983), 70 C.P.R. (2d) 11 à la p. 15 (C.A.F.); Montreal Fast Print (1975) Ltd. c. Polylok Corp. (1983), 74 C.P.R. (2d) 34 (F.C.T.D.); Whirlpool Corp. c. Camco Inc. (1997), 72 C.P.R. (3d) 444 (C.F.1.D.)). Dans de telles situations, le juge de première instance sera le mieux placé pour décider si l’avocat agissait à titre d’agent de brevets ou d’avocat.

La même question se pose pour les avocats qui sont également des agents de marques de commerce enregistrés. Voir Rentokil Group Ltd v Barrigar & Oyen (1983), 75 C.P.R. (2d) 10 (FCTD). La modification de la loi ajoute donc également une certitude supplémentaire à la protection des communications confidentielles faites par des agents de brevets ou de marques de commerce qui sont également des avocats.

Effet rétroactif

Le privilège conféré par la loi s’appliquera rétroactivement pour protéger les communications qui ont été faites avant l’entrée en vigueur de la disposition à condition que ces communications soient toujours confidentielles, mais qu’il n’agisse pas rétroactivement à l’égard d’une action ou d’une procédure intentée avant l’entrée en vigueur de la loi.

Le projet de loi C-59 prévoit que les dispositions relatives au privilège conféré par la loi entreraient en vigueur 12 mois après la date de sanction du projet de loi.

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