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Partie 2 : Sous-traitants non rémunérés Méfiez-vous

23 février 2018

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La décision de la Cour suprême dans l’affaire Valard

Écrit par Brian P. Reid, Christopher Petrucci and Kees de Ridder

Le 14 septembre 2016, nous avons publié Unpaid Subcontractors Beware, qui a commenté la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Valard Construction Ltd c Bird Construction Company, 2016 ABCA 249. Dans cette décision, la Cour d’appel a statué que le syndic en vertu d’une caution matérielle et de travail (L&M Bond) n’avait aucune obligation d’informer les sous-traitants de l’existence du cautionnement.

Le 15 février 2018, la Cour suprême du Canada a infirmé la décision de la Cour d’appel de l’Alberta et a statué que le fiduciaire en vertu d’un bon de L&M peut en fait être tenu de divulguer l’existence du cautionnement à des bénéficiaires potentiels (Valard Construction Ltd c Bird Construction Co, 2018 CSC 8). Ce résultat aura un effet particulier sur la gestion des risques dans les projets de construction et sur les industries de la construction et du cautionnement en général. Dans ce blogue, nous commentons la décision de la Cour suprême et ses implications.

Contexte factuel

L’intimée, Bird Construction Co. (Bird), était un entrepreneur général qui a sous-traité avec Langford Electric Ltd. (Langford) relativement à un projet de construction d’exploitation des sables bitumineux. Dans le cadre du contrat de sous-traitance, Langford devait obtenir une obligation de L&M nommant Bird comme fiduciaire. L’obligation L&M assurait la sécurité dans le cas où les travailleurs ou les matériaux n’étaient pas payés par Langford. Un bénéficiaire du cautionnement, étant un sous-traitant qui fournissait de la main-d’œuvre ou des matériaux pour le projet sans recevoir de paiement, avait le droit de réclamer contre l’obligation L&M pour la somme impayée.

Langford a ensuite conclu un contrat de sous-traitance avec Valard Construction Ltd. (Valard) en vertu duquel Valard devait fournir des travaux de forage directionnels sur le projet. Langford n’a pas entièrement payé Valard pour ses services, ce qui a ensuite fait de Valard un bénéficiaire potentiel de l’obligation L&M. Toutefois, le cautionnement L&M prévoyait qu’un demandeur (en l’espèce Valard) devait fournir un avis d’une réclamation à la caution dans les 120 jours suivant la survenir de cette réclamation. Personne n’a dit à Valard que l’obligation L&M avait existé jusqu’à ce que cette période de 120 jours soit expirée, et parce que Valard a donné avis de sa réclamation après la période de 120 jours, la caution a rejeté la réclamation.

La Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a statué qu’en tant que fiduciaire en vertu de ce formulaire standard L&M Bond, Bird n’était pas tenu d’aviser les demandeurs potentiels de l’existence du cautionnement. Valard a interjeté appel de cette décision. La Cour d’appel de l’Alberta a rejeté l’appel de Valard et a convenu qu’un fiduciaire en vertu d’une obligation de L&M n’a aucune obligation d’aviser un bénéficiaire de l’existence d’un cautionnement. L’obligation du fiduciaire consiste plutôt uniquement à répondre avec exactitude à la demande d’un bénéficiaire visant à déterminer si un tel cautionnement existe. Valard a interjeté appel de cette décision devant la Cour suprême du Canada.

La décision de la Cour suprême

Les juges majoritaires de la Cour suprême n’étaient pas d’accord avec la Cour d’appel de l’Alberta et ont statué qu’un fiduciaire d’une obligation de L&M dans l’industrie pétrolière et gazière a l’obligation de divulguer l’existence du cautionnement. La norme de divulgation qui doit être respectée n’est pas la perfection, mais plutôt celle de l’honnêteté, de la compétence raisonnable et de la prudence. Ce qu’un fiduciaire doit faire dépend des faits qu’il aurait dû raisonnablement connaître au moment des faits.

Le juge Brown, s’exprimant au nom de la majorité, a conclu qu’un fiduciaire honnête, raisonnablement compétent et prudent dans les circonstances aurait su que les obligations L&M étaient rares dans les projets privés de construction de sables bitumineux, de sorte qu’un avis au bénéficiaire (en l’espèce Valard) aurait dû être donné. Toutefois, les juges majoritaires ont limité cette obligation en concluant que le fiduciaire n’est pas obligé de donner un avis de l’existence d’une obligation de L&M aux bénéficiaires dont l’intérêt est si éloigné qu’il est peu probable que l’acquisition de droits soit acquise.

La Cour suprême a conclu que Bird était tenu d’aviser Valard parce que les obligations L&M sont rares dans les projets privés de sables bitumineux et parce que l’intérêt de Valard n’était pas trop éloigné. La Cour a également observé que, dans les industries où les obligations L&M sont courantes, le fiduciaire peut ne pas être tenu d’aviser les bénéficiaires potentiels.

Fait intéressant, il n’y avait aucune preuve de l’industrie au dossier selon laquelle les obligations L&M sont rares dans les projets de construction de sables bitumineux et la seule preuve était celle d’un employé de Bird qui n’avait jamais rencontré un tel cautionnement auparavant.

La Cour a conclu que Bird n’avait rien fait pour aviser Valard de l’existence du cautionnement et qu’il avait donc manqué à son obligation de divulgation lorsqu’il appliquait la norme d’honnêteté, de compétence raisonnable et de prudence. La majorité a déclaré que Bird aurait pu, par exemple, afficher un avis de la caution sur le tableau d’affichage dans le bureau de la remorque du site du projet. Toutefois, comme Bird n’avait pris aucune mesure pour aviser Valard de l’existence de l’obligation de L&M, Bird avait manqué à son obligation de fiduciaire en vertu de la caution.

Souscrivant au résultat, le juge Côté a également noté que Langford avait envoyé un courriel à Bird, avec copie à Valard, pour demander des conseils sur la façon de procéder à leur différend sur les factures impayées. Il a conclu que, compte tenu de la connaissance qu’avait Bird des factures contestées, Valard était en droit de s’attendre à ce que si une obligation de L&M était disponible, son existence serait divulguée par Bird.

Dissidente, le juge Karakatsanis n’était pas d’accord avec la majorité pour dire que, en fait, les obligations L&M sont rares dans les projets de construction de sables bitumineux. Elle a également soutenu que l’imposition d’obligations différentes selon l’industrie introduisait de l’incertitude et de l’instabilité. À ce titre, la juge Karakatsanis a conclu qu’il n’y a aucun fondement juridique pour exiger que le fiduciaire avise les bénéficiaires potentiels en vertu d’un cautionnement.

Conséquences

L&M Bonds donne aux sous-traitants un filet de sécurité dans le cas où un entrepreneur général ne les paie pas. On peut soutenir que la décision de la Cour suprême renforce cette protection en imposant aux entrepreneurs généraux, en tant que fiduciaires, l’obligation d’aviser les sous-traitants de l’existence d’une obligation de L&M, du moins dans les projets de construction de sables bitumineux. Dans d’autres industries, un tribunal peut conclure qu’un tel avis ne peut être requis, ce qui crée de l’incertitude quant à savoir si l’entrepreneur général (en tant que fiduciaire en vertu de l’obligation de L&M) est censé donner avis du cautionnement aux sous-traitants. Un entrepreneur peu enclin à prendre des risques peut donc vouloir pécher par excès de prudence et divulguer l’existence des obligations L&M à tous ses sous-traitants et fournisseurs qui peuvent devenir bénéficiaires, peu importe l’industrie dans laquelle ils exercent leurs activités. Enfin, il devrait être pratique courante pour tous les sous-traitants de se renseigner par écrit au début de tout projet concernant l’existence d’une obligation L&M.

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