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Contestation de la compétence en matière de recours collectif devant la Cour d’appel de l’Ontario

26 octobre 2017

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Écrit par Ranjan K. Agarwal, Emrys Davis, Gannon G. Beaulne and Ethan Z. Schiff

Méfiez-vous des entreprises au Canada ou qui font affaire avec des Canadiens. La Cour d’appel de l’Ontario a statué que les tribunaux de l’Ontario peuvent avoir compétence dans les recours collectifs à l’égard des demandeurs qui ne sont pas Canadiens, qui ne vivent pas ou ne travaillent pas ici et qui n’ont pas consenti à la compétence d’un tribunal canadien (également connu sous le nom de « demandeurs étrangers absents »), même au risque que le jugement soit inapplicable à l’extérieur du Canada. À notre avis, les sociétés multinationales dont les activités ont un lien, même modeste, avec le Canada risquent de faire face à un recours collectif mondial au Canada.

Dans l’affaire Airia Brands Inc c. Air Canada (le recours collectif en matière de fret aérien), les demandeurs ont poursuivi plusieurs compagnies aériennes en alléguant un complot en vue de fixer les prix d’expédition du fret aérien. La classe comprenait toute personne qui a acheté des services d’expédition de fret aérien à destination ou en provenance du Canada entre 2000 et 2006. Cette définition de catégorie a capturé de nombreuses personnes qui n’étaient pas présentes au Canada et qui n’avaient pas consenti à la compétence d’un tribunal canadien (les motifs traditionnels pour lesquels les tribunaux du monde entier prennent compétence).

Dans le cadre d’une requête contestant la compétence de la Cour de l’Ontario à l’égard des demandeurs étrangers absents, la juge Leitch a convenu avec les défendeurs que la compétence dans les circonstances exigeait que les membres étrangers du groupe soient présents en Ontario ou consentent ou attornent à la compétence de l’Ontario. Dans le cas des requêtes en compétence au Canada, le juge saisi de la requête demande s’il existe un « lien réel et substantiel » entre l’action et le défendeur (parce que, habituellement, le demandeur s’est présenté au Canada en présentant la demande en l’espèce) et si un tribunal canadien est le tribunal le plus commode. Le juge saisi de la requête n’a pas appliqué ce critère en l’espèce parce que les demandeurs étaient des demandeurs étrangers absents. Les demandeurs ont interjeté appel.

Le juge Pepall de la Cour d’appel n’était pas du tout d’accord avec le juge saisi de la requête. Elle a conclu que la juge Leitch avait élevé à tort les principes d’ordre, d’équité et de courtoisie à un critère juridique, au lieu d’appliquer le critère du « lien réel et substantiel » qui régit les requêtes en compétence au Canada.

Le juge Pepall a statué qu’un tribunal peut prendre compétence à l’égard d’un recours collectif proposé impliquant des demandeurs étrangers absents si trois conditions sont remplies :

  1. un lien réel et substantiel doit exister entre l’objet du différend et l’Ontario (et le tribunal doit avoir compétence sur le ou les demandeurs représentatifs et les défendeurs);
  2. il doit y avoir des questions communes entre les réclamations du ou des représentants du ou des plaignants étrangers absents; et
  3. les garanties procédurales de l’adéquation de la représentation, de l’adéquation de l’avis et du droit de se retirer doivent être fournies, « renforçant » le lien réel et substantiel.

En l’espèce, les représentants des demandeurs se trouvaient en Ontario ou avaient consenti à la compétence de l’Ontario. Les défendeurs exerçaient leurs activités en Ontario. Les demandeurs avaient à bon titre plaidé le complot et avaient allégué que des activités pertinentes visant à favoriser le complot avaient eu lieu en Ontario. Les questions liées au complot allégué étaient communes à tous les membres du groupe, y compris les demandeurs étrangers absents. Il existait des garanties procédurales adéquates en raison de règlements avec d’autres défendeurs (bien que, nous notons, le respect des exigences procédurales en vertu de la Loi de 1992 sur les recours collectifs satisferait probablement au troisième critère).

Le juge Pepall n’était pas non plus d’accord avec l’analyse du forum non conveniens du juge saisi de la requête. Elle a souligné que le juge saisi de la requête n’avait pas tenu compte de l’exigence d’un forum « clairement » plus approprié où la demande pourrait être plaidée. Les membres du groupe provenaient de pays du monde entier, de sorte qu’aucune administration ne serait plus appropriée que l’Ontario.

La décision du juge Pepall marque la première fois que la Cour d’appel de l’Ontario examine directement le critère de l’exercice de la compétence à l’à l’amiable à l’amiable des demandeurs étrangers absents. En infirmant la décision de la juge Leitch, la Cour a éliminé ce qui aurait pu devenir un obstacle important pour les demandeurs qui cherchent à certifier des recours collectifs mondiaux. Étant donné que le juge Pepall n’a pas tenu compte de l’importance de limiter le recours collectif aux personnes qui ont acheté des services d’expédition de fret aérien à destination ou en provenance du Canada, la décision pourrait également encourager les demandeurs de recours collectifs à chercher à certifier des catégories véritablement mondiales lorsque seuls certains membres du groupe ont une réclamation avec une composante canadienne. La décision aura également une incidence sur la capacité d’un défendeur d’empêcher les demandeurs étrangers absents de demander un recouvrement dans plusieurs juridictions. Nous prévoyons que les défendeurs dans le recours collectif en matière de fret aérien demanderont l’autorisation d’interjeter appel de cette décision devant la Cour suprême du Canada, compte tenu de la nouveauté et de l’importance de la décision de la Cour d’appel.

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