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L’ALENA « 2.1 » — L’Accord modifié et définitif entre le Canada, les États-Unis et le Mexique

17 décembre 2019

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Écrit par Darrel Pearson, John Weekes, Jessica Horwitz, Margaret Kim and Ethan Gordon

Le 10 décembre 2019, le Canada, les États-Unis et le Mexique ont signé un protocole modificatif qui révise l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) et oriente sa voie vers la ratification. 

Également connu sous le nom d'« AEUMC » et de « T-MEC », le texte convenu entre les dirigeants a été signé en novembre 2018. Le Mexique a ratifié l’ACEUM rapidement et le Canada a préparé une loi modificative qui n’a pas été mise en œuvre en attendant la ratification par les États-Unis. La Chambre des représentants des États-Unis, dirigée par les démocrates, a clairement indiqué qu’elle n’envisagerait de voter pour la ratification que si certains changements étaient apportés à l’accord. Les mises à jour de cette semaine introduisent des changements aux dispositions traitant du règlement des différends, du travail, de l’environnement, des règles d’origine de l’automobile et de la propriété intellectuelle. À l’avantage du Canada, les modifications reflètent en grande partie les propositions que le Canada avait présentées au cours des négociations antérieures de l’ACEUM.

Toutes les parties ont indiqué leur intention d’adopter une loi de mise en œuvre le plus rapidement possible. L’ACEUM entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la ratification de la dernière des trois parties. En supposant qu’il n’y ait pas de retard important dans les procédures de ratification législative, l’ACEUM devrait maintenant entrer en vigueur au printemps 2020. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) demeurera en vigueur jusqu’à la mise en œuvre de l’ACEUM. 

Cet accord et la probabilité évidente d’une ratification rapide permettront d’éliminer une grande partie de l’incertitude concernant l’accès au marché américain qui plane sur le milieu des affaires canadien. Les entreprises qui ont mis en attente les investissements prévus devraient maintenant se demander si le moment est venu d’aller de l’avant. 

Voici un résumé des changements notables.  

Règlement des différends

Le changement le plus notable apporté au Protocole modificatif d’un point de vue canadien est le renforcement important du mécanisme de règlement des différends de l’ACEUM. Les dispositions de l’ALENA relatives au règlement des différends (chapitre 20) et l’ACEUM d’abord convenue (chapitre 31) permettaient à une partie de bloquer la formation d’un groupe spécial dans le cadre d’un règlement des différends d’État à État soit en ne se livrant pas à la réunion de la Commission des ministres du libre-échange (tenue d’approuver un groupe spécial), soit en opposant son veto aux mises à jour de la liste des membres du groupe spécial. La mise à jour du système de règlement des différends a pour effet de combler ces lacunes en faisant en sorte que les groupes spéciaux soient automatiquement établis sur demande, en contournant la Commission des ministres. Si les parties ne parviennent pas à un consensus sur la liste des membres approuvés dans un délai d’un mois, la liste sera automatiquement constituée à partir des membres proposés.  

Aucun groupe spécial de règlement des différends n’a été formé avec succès en vertu du chapitre 20 de l’ALENA depuis 2000, lorsque les États-Unis ont bloqué l’établissement d’un groupe spécial dans le différend sur le sucre entre les États-Unis et le Mexique. Les dispositions révisées relatives au règlement des différends sont conformes aux ALE plus modernes, comme l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), qui fait en sorte que les parties ne peuvent pas retarder ou éviter de façon déraisonnable la formation d’un groupe spécial. Cette amélioration est d’autant plus vitale que l’Organe d’appel de l’OMC est actuellement fermé, qui a fait du règlement des différends à l’OMC un processus moins fiable de règlement des différends par les 164 pays membres de l’OMC, dont le Canada, les États-Unis et le Mexique. 

Main-d’œuvre

Le Canada a accepté d’établir un mécanisme bilatéral unique en son genre (un « mécanisme de travail d’intervention rapide propre au mécanisme ») avec le Mexique pour le règlement accéléré des différends sur des obligations particulières en matière de travail concernant la liberté d’association et la négociation collective. Dans le cadre du nouveau processus, une partie peut demander une enquête sur les allégations d’infractions en matière de travail dans les installations d’un exportateur par un groupe indépendant de trois experts du travail. Si le Groupe spécial conclut qu’il existe des violations, la partie plaignante peut imposer des sanctions sur les exportations de cette installation. Ce mécanisme bilatéral existe également entre les États-Unis et le Mexique.

Les parties ont supprimé le libellé de la disposition sur la violence contre les travailleurs du chapitre sur le travail qui conditionnait une violation à une « ligne de conduite ou à une inaction soutenue et récurrente ». En outre, les modifications renversent le fardeau de la preuve pour contester les violations du travail: comme il a été dit précédemment, une partie devait démontrer que l’acte ou l’omission de l’autre partie constituait une violation des droits du travail « d’une manière affectant le commerce ou l’investissement entre les Parties ». Dans la version modifiée, c’est à la partie plaignante qu’il incombe de prouver ce point qu’il incombe de présumer qu’une violation du droit du travail a une incidence sur le commerce et l’investissement « à moins que la Partie défenderesse n’en démontre le contraire ». Ces deux changements devraient accroître la souplesse des Parties pour tenter le règlement des différends liés aux violations des chapitres sur le travail.

Environnement

À la suite des modifications apportées au chapitre sur le travail, le fardeau de la preuve pour établir le non-respect des obligations environnementales a été inversé. Les modifications devraient accroître le caractère exécutoire des obligations des Parties dans le présent chapitre.

Le chapitre révisé sur l’environnement (chapitre 24) reconnaît et renforce les engagements existants des Parties dans le cadre de divers accords multilatéraux sur l’environnement (AME). Les modifications rétablissent une disposition de l’article 104 de l’ALENA initial qui donne la priorité aux engagements de l’AER lors de la mise en œuvre des obligations de l’AER et des accords commerciaux. La liste des AME visées pour le Canada est la suivante :

En cas de conflit entre l’ACEUM et une AEM, les obligations en vertu de l’ACEUM n’empêcheront pas une Partie de prendre des mesures pour se conformer à ses obligations en vertu de l’AEM, pour autant que la mesure ne constitue pas une restriction déguisée au commerce. 

Règles d’origine de l’automobile

La version précédemment convenue de l’ACEUM contenait des règles d’origine sur l’automobile qui exigeaient que 70 % de l’acier et de l’aluminium achetés par les producteurs de véhicules soient considérés comme originaires pour que le véhicule soit admissible à titre de produits originaires. La règle mise à jour exige en outre que tous les procédés de fabrication de l’acier, de la fusion et du mélange initiaux à l’étape du revêtement, doivent avoir lieu dans une ou plusieurs des Parties (à l’exception des procédés métallurgiques impliquant le raffinement des additifs de l’acier). L’exigence ne s’étend pas aux matières premières utilisées dans le processus de fabrication de l’acier. Ces changements n’entreront en vigueur que sept ans après l’entrée en vigueur de l’ACEUM. 

Aucune mise à jour similaire n’a été faite pour l’aluminium, mais les parties ont convenu de se pencher de nouveau sur la question 10 ans après l’entrée en vigueur de l’ACEUM. 

Droits de propriété intellectuelle

Le Protocole modificatif supprime l’obligation de protection des données pour les produits biologiques, en évitant l’octroi de la protection des données aux producteurs de produits pharmaceutiques biologiques de marque pendant 10 ans. Avec la disposition révisée sur la PI, le Canada n’a pas besoin de modifier son régime national, qui prescrit actuellement une période de protection des données de huit ans. 

Les parties ont également convenu de supprimer les dispositions sur la disponibilité des brevets pour de nouvelles utilisations, méthodes ou procédés d’utilisation d’un nouveau produit, ainsi que sur la protection des données pour les « nouvelles indications de médicaments existants », mais ont inclus un libellé supplémentaire lié aux examens réglementaires et à la façon dont les parties peuvent traiter la restauration de la durée du brevet, le couplage des brevets et la protection des données pour les médicaments à petites molécules.

Moment de la ratification

Comme il a été mentionné précédemment, toutes les parties à l’ACEUM doivent entreprendre leur processus de ratification national respectif pour mettre en œuvre à la fois l’ACEUM et le Protocole modificatif. Le Mexique avait fait passer l’ACEUM initial dans le cadre d’un processus de ratification rapide et a déjà ratifié l’accord révisé. Aux États-Unis, l’ACEUM bénéficie maintenant d’un appui bipartisan au Congrès, le projet de loi de mise en œuvre de l’ACEUM ayant déjà été envoyé au Comité des voies et moyens de la Chambre, établissant un délai de 90 jours en session pour son vote final au Sénat. Cependant, la ratification au Sénat pourrait être retardée par la procédure de destitution en cours. 

Le Canada s’efforcera de suivre le suivi des autres parties dans son processus de ratification, mais le gouvernement minoritaire nouvellement élu doit encore établir un calendrier précis. L’ACEUM entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la ratification de la dernière partie.

Pour toute autre question ou préoccupation concernant les mises à jour de l’ACEUM et pour savoir ce que cela signifiera pour votre entreprise, veuillez communiquer avec Bennett Jones' International Trade and Investment group.

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