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Conditions d’appel d’offres obligatoires : une promesse de conformité suffit

12 mai 2020

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Écrit par Brian Reid, David Wahl and Stephanie Gagne

La Cour d’appel de l’Alberta a récemment confirmé dans Aquatech Canadian Water Services Inc v Alberta (Minister of Environment and Parks), 2020 ABCA 153 que, pour qu’une soumission soit valide, il n’est pas nécessaire que le soumissionnaire remplisse toutes les conditions obligatoires d’une soumission, pourvu qu’il s’engage à les respecter au moment où les travaux doivent être exécutés.

Cadre juridique

Le cadre juridique régissant l’appel d’offres est énoncé dans la décision historique de la Cour suprême du Canada dans l’affaire La Reine du chef de l’Ontario c Ron Engineering & Construction (Eastern) Ltd, [1981] 1 RCS 111 [Ron Engineering]. Lorsqu’un propriétaire lance une soumission, il fait deux offres: (i) examiner les soumissions qu’il reçoit; et (ii) de conclure un contrat pour mener à bien le projet lorsqu’une soumission est acceptée. Un soumissionnaire accepte la première offre en présentant une soumission conforme aux exigences des documents d’appel d’offres, formant le contrat A. Une fois qu’une soumission est acceptée, le propriétaire et l’adjudicateur concluent le contrat B pour l’exécution des services. Afin de protéger l’intégrité du processus d’appel d’offres, un propriétaire est tenu, en vertu du contrat A, de respecter rigoureusement les exigences énoncées dans les documents d’appel d’offres. Le propriétaire a également l’obligation implicite de traiter toutes les offres de manière juste et égale, et de n’accepter qu’une offre conforme.

Contexte factuel

Alberta Environment and Parks (AEP) a lancé un appel d’offres public pour l’exploitation, la surveillance et l’entretien des installations d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées dans la région de Kananaskis en Alberta (l'« appel d’offres »), contrat qui avait été détenu par Aquatech au cours des 16 années précédentes. L’une des exigences obligatoires de l’appel d’offres était que les soumissionnaires aient au moins cinq opérateurs certifiés à l’interne avec une certification de niveau 1 de l’Alberta dans le traitement de l’eau, la distribution de l’eau, la collecte des eaux usées et le traitement des eaux usées. Cependant, AEP a attribué le contrat à H2O qui a admis dans sa soumission qu’elle n’avait pas les cinq opérateurs certifiés à l’interne requis. Cependant, H2O s’est engagé à se conformer à cette exigence avant de commencer les services.

Aquatech a demandé le contrôle judiciaire de la décision d’AEP d’attribuer le contrat à H2O au motif que H2O avait admis qu’elle ne se conformait pas à l’une des exigences obligatoires de l’appel d’offres, ce qui, selon elle, rendait la soumission de H2O non conforme, l’empêchant ainsi d’être acceptée.

La décision

La Cour d’appel a d’abord noté que la réclamation d’Aquatech était en fait que AEP avait violé le contrat A et a suggéré qu’une réclamation pour rupture de contrat plutôt qu’une demande de contrôle judiciaire aurait pu être un moyen plus approprié de poursuivre la réclamation.

La Cour a également reconnu qu’un propriétaire est tenu, en vertu du contrat A, de respecter strictement les exigences énoncées dans les documents d’appel d’offres afin de protéger l’intégrité d’un processus d’appel d’offres. Toutefois, elle a conclu que la situation à l’étude relevait clairement de la portée des affaires Double N Earthmovers Ltd v City of Edmonton et Sureway Construction of Alberta Ltd, 2007 CSC 3, qui a statué que, selon le libellé des documents d’appel d’offres, un propriétaire peut accepter une soumission qui s’engage à se conformer à une condition obligatoire. La Cour a noté que le juge siégeant en cabinet a jugé que l’offre de H2O était essentiellement conforme parce que H2O s’était engagée à disposer du personnel requis au moment où les services devaient être rendus.

La Cour a également noté que, à titre subsidiaire, si l’offre de H2O n’était pas conforme, AEP aurait pu renoncer à la non-conformité parce qu’il y avait une clause de discrétion dans l’appel d’offres qui permettait à AEP de « renoncer à une irrégularité ou à une non-conformité aux exigences de la présente [offre] lorsque l’irrégularité ou la non-conformité est mineure ou sans conséquence ».

La Cour a noté que le juge siégeant en cabinet avait conclu que la proposition de H2O était essentiellement conforme pour les raisons suivantes : (i) H2O s’était engagée à disposer du personnel requis au moment où les services devaient commencer; ii) il n’était pas nécessaire de fournir des noms précis des cinq exploitants agréés à l’interne; et iii) l’engagement de H2O d’avoir le personnel requis au moment où les services devaient commencer n’était pas injuste pour les autres soumissionnaires et n’avait aucune incidence sur le prix ou la nature des travaux à exécuter.

À retenir

La décision de la Cour d’appel de l’Alberta dans Aquatech confirme que, bien que les principes énoncés dans l’arrêt Ron Engineering continuent de lier les propriétaires et les soumissionnaires dans un véritable processus d’appel d’offres, le principe de la « conformité substantielle » permet un certain pouvoir discrétionnaire raisonnable lors de l’attribution des travaux au soumissionnaire retenu. De plus, l’inclusion d’une clause discrétionnaire bien formulée peut également donner au propriétaire le pouvoir discrétionnaire d’attribuer l’œuvre au soumissionnaire privilégié. 

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