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Est-ce la fin pour les classes mondiales? Les demandeurs étrangers du groupe et le critère du lien réel et substantiel

31 août 2015

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Écrit par Emrys Davis, Gannon Beaulne, and Benjamin Burford

Le26 août 2015, le juge Leitch a statué que le tribunal de l’Ontario n’a pas compétence sur les membres étrangers du groupe dans l’affaire Airia Brands Inc c. Air Canada. Les avocats des deux côtés de l’interdiction des recours collectifs devraient en prendre note. Pour les demandeurs, il peut être plus difficile de certifier un recours collectif mondial qu’il ne l’a été dans le passé. Pour les défendeurs, la décision peut atténuer les préoccupations selon lesquelles les demandeurs étrangers peuvent recouvrer plus d’une fois lorsqu’une juridiction étrangère pertinente ne reconnaît pas ou n’exécute pas les jugements de recours collectifs de l’Ontario.

Dans l’affaire Airia Brands, les demanderesses ont intenté un recours collectif putatif en Ontario, alléguant que les défendeurs avaient comploté au Canada et dans le monde entier pour fixer les prix des services d’expédition de fret aérien pour les expéditions à destination ou en provenance du Canada. Les représentants des demandeurs ont cherché à accréditer une catégorie mondiale d’acheteurs de services d’expédition de fret aérien. Les membres du groupe comprendraient des demandeurs provenant de plus de 30 pays différents en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Asie, en Australie, en Afrique et en Europe.

Les défendeurs ont demandé une ordonnance de sursection du recours collectif proposé, en ce qui concerne les demandeurs étrangers absents, au motif que le tribunal n’avait pas compétence à leur égard. Les défendeurs ont soutenu que les demandeurs étrangers qui n’étaient pas présents au Canada et qui n’avaient ni consenti ni soumis à la juridiction de l’Ontario ne pouvaient pas être liés par les jugements de recours collectifs de l’Ontario. Ils ont laissé entendre que les principes fondamentaux de l’ordre et de l’équité ne seraient pas servis par l’application du critère de la compétence en common law au Canada, le critère du « lien réel et substantiel » parce que, si le tribunal devait s’entêter à l’égard des demandeurs étrangers en utilisant ce critère, le jugement qui en résulterait pourrait ne pas être reconnu ou exécuté à l’étranger. Cela exposerait les défendeurs à des litiges futurs dans ces juridictions et au risque d’un double recouvrement par les membres du groupe proposés.

La juge Leitch devait décider si la cour devait assumer sa compétence lorsque les principes de conflit de lois dans des pays étrangers empêchent la reconnaissance d’un jugement de l’Ontario. Elle a soutenu qu’il ne devrait pas. Les défendeurs avaient présenté de nombreux témoignages d’experts concernant le droit en vigueur dans des pays étrangers. La juge Leitch a reconnu que le critère du lien réel et substantiel s’écarte radicalement des règles traditionnelles d’autres ressorts. Elle a conclu que les juridictions étrangères pertinentes ne reconnaîtraient pas un jugement de l’Ontario rendu par un tribunal qui avait assumé sa compétence à l’égard de demandeurs étrangers en vertu du critère du lien réel et substantiel.

Après avoir examiné en profondeur la jurisprudence sur la compétence, la juge Leitch a conclu que la décision de principe de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Van Breda c Club Resorts Ltd invitait les tribunaux à élaborer une approche de la compétence qui reconnaît l’ordre, l’équité et le concept connexe de courtoisie. Ces principes sous-tendent toute approche pour déterminer les limites constitutionnelles de la compétence de la cour, et ils exigent que le tribunal évite de nouveaux litiges.

La juge Leitch a reconnu qu’il serait commiféré que la cour fasse valoir sa compétence à l’égard de demandeurs étrangers lorsqu’elle ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que son jugement soit reconnu dans un territoire étranger pertinent. Les limites constitutionnelles de la compétence de la cour ont donc empêché l’application du critère du lien réel et substantiel dans les circonstances de l’affaire, de sorte que le tribunal ne pouvait à bon droit assumer sa compétence à l’égard des demandeurs étrangers que s’ils étaient présents au Canada ou s’ils avaient consenti ou soumis à la compétence de l’Ontario. La juge Leitch a donc suspendu la demande à l’égard des demandeurs étrangers absents qui n’étaient pas présents dans le territoire et qui n’avaient pas consenti ou présenté.

Au Canada, les avocats du groupe cherchent souvent à certifier les catégories mondiales. Les tribunaux de l’Ontario n’ont pas hésité à accéder à de telles demandes dans le passé sur la base du critère du lien réel et substantiel. La décision du juge Taylor en matière de certification dans l’affaire Abdula c. Canadian Solar offre un exemple récent, bien que la question de la compétence n’ait pas été soumise à la cour et que les défendeurs aient admis qu’une catégorie mondiale était appropriée (du moins pour la demande de recours en cas d’oppression avancée dans cette affaire).

La pratique de la certification de catégories mondiales a été particulièrement répandue dans les recours collectifs en valeurs mobilières et peut donc être la plus importante pour les praticiens dans ce domaine. Mais la décision de la juge Leitch pourrait avoir des répercussions plus larges : elle pourrait signaler un changement vers un examen plus approfondi du fondement de la compétence pour les recours collectifs avec des demandeurs étrangers, du moins en ce qui concerne certains pays étrangers. Il convient de noter que les demandeurs étrangers absents d’Airia Brands étaient pour la plupart (mais pas exclusivement) situés en Europe et en Asie.

Il reste à voir comment cette décision et le cadre juridique plus large qu’elle décrit seront appliqués à des juridictions étrangères spécifiques. Il reste également à voir si la décision fera l’objet d’un appel avec succès ou, si ce n’est pas le cas, si elle sera acceptée dans la jurisprudence à l’avenir. Pour l’instant, la décision sera bien accueillie par les défendeurs préoccupés par les multiples jugements de recours collectifs et le risque connexe de recouvrements multiples par les demandeurs.

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