Blogue

Décisions incohérentes du Tribunal administratif : la Cour d’appel de l’Alberta intervient

26 mars 2015

Close

Il est peu probable que les interprétations contradictoires de la même loi par un tribunal administratif soient raisonnables, et encore moins correctes, a récemment conclu la Cour d’appel de l’Alberta dans l’arrêt Altus Group Limited v Calgary (City), 2015 ABCA 86 [Altus].

Aujourd’hui, de nombreuses décisions juridiques sont prises par des tribunaux administratifs spécialisés plutôt que par des cours de justice. Les décisions peuvent être révisées par les tribunaux, que ce soit en appel ou par contrôle judiciaire, mais les cours s’en remettent de plus en plus à l’expertise du tribunal en refusant d’infirmer une décision à moins qu’elle ne soit déraisonnable. Il ne suffit pas qu’une décision soit incorrecte en droit, elle doit être déraisonnablement incorrecte. Cette déférence à l’égard des tribunaux administratifs fait en sorte qu’il est de plus en plus important de savoir quel genre de décision sera jugée non seulement incorrecte, mais aussi déraisonnable.

Un critère souvent appliqué dans le contexte de l’interprétation des lois est de savoir si le tribunal a choisi l’une des nombreuses interprétations raisonnables d’une loi. Il n’a pas à choisir l’interprétation que le tribunal aurait choisie; c’est suffisant s’il choisit l’une des nombreuses interprétations raisonnables. Mais que se passe-t-il si le tribunal choisit une interprétation raisonnable un jour et une autre le lendemain? Les deux décisions sont-elles raisonnables puisque chaque interprétation était elle-même raisonnable? La Cour d’appel de l’Alberta a dit non, peu probable.

Dans l’affaire Altus, la Cour a rejeté un appel de la décision d’un juge d’une chambre qui avait annulé la décision d’une commission locale de révision de l’évaluation foncière (« CRÉF »). La décision de la CRÉF a conclu, contrairement à une décision antérieure de la Commission des administrations municipales (une sorte de prédécesseur de la CRÉF), que certains propriétaires de locaux à bureaux commerciaux étaient assujettis à la taxe d’affaires pour la location de places de stationnement en vertu d’un règlement municipal sur la fiscalité qui s’appliquait à une « entreprise dans des locaux ». Le juge siégeant en cabinet a conclu qu’il était déraisonnable pour la CRÉF d’en arriver à l’interprétation contraire de la loi à l’autorité antérieure sur ce point.

En confirmant la décision du juge de la chambre, la Cour d’appel a noté que, à proprement parler, un tribunal administratif n’a pas à suivre ses propres décisions"il n’est pas lié par les principes du stare decisis. De plus, lorsqu’il existe de nombreuses interprétations raisonnables de la loi, le tribunal peut modifier sa politique concernant l’interprétation qu’il adoptera. C’est le cas même lorsqu’une cour d’appel a jugé qu’une interprétation particulière était raisonnable.

Néanmoins, les décisions antérieures du tribunal fournissent un contexte important à l’analyse. Après avoir souligné le « peu d’autorité directe » sur ce point, la Cour était d’avis qu'« il est difficile de concevoir une loi significative qui permettrait des interprétations diamétralement opposées, qui sont toutes deux raisonnables, sans parler de la justesse ». Tant la primauté du droit, à laquelle des règles et des décisions cohérentes sont fondamentales, que la présomption de cohérence législative renforcent ce point de vue. Bien qu’elle ne crée pas de base indépendante pour l’intervention judiciaire, une décision administrative antérieure fournit une comparaison directe avec laquelle juger la décision du tribunal. L’invraisemblance des interprétations contradictoires étant raisonnable est particulièrement le cas lors de l’interprétation des lois fiscales, où la cohérence est particulièrement importante.

Authors

Liens connexes



View Full Mobile Experience