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Offres fantômes dans les transactions immobilières

22 janvier 2016

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« Si un homme signe un contrat pour et au nom de « ses chevaux », il est personnellement responsable. » : Lord Denning

Trop intelligent à moitié

Il n’y a pas si longtemps, j’ai reçu un projet de convention d’achat et de vente d’un praticien dans lequel il nommait son client acheteur comme « John D, en fiducie et sans responsabilité personnelle, pour la formation d’une société ».

Le projet de convention a été préparé conformément à une lettre d’intention antérieure qui précisait que le contrat d’achat définitif ne serait pas cessible par l’acheteur.

Et en lisant le projet d’entente, en essayant de concilier ces deux concepts, il m’est venu à l’esprit que l’avocat de l’acheteur avait été trop intelligent de moitié, car dans la mesure où il avait essayé de contourner la clause de restriction sur la cession, le libellé qu’il proposait a peut-être fait par inadvertance du contrat un contrat et non un contrat.

Lois sur les sociétés en Ontario

La jurisprudence fondamentale sur ce point était, à un moment donné, Kelner v. Baxter ((1886), L.R. 2 C.P. 174 à 183), où la Cour a déclaré que « lorsqu’un contrat est signé par quelqu’un qui prétend signer en tant que « mandataire », mais qui n’a aucun mandant existant à l’époque, et le contrat serait autrement inopérant sur la personne qui l’a signé, il (l’agent) est lié de ce fait ».

Ce principe a un sens intuitif.

L’article 21 de la Loi sur les sociétés par actions (Ontario) et l’article 14 de la Loi sur les sociétés par actions (Canada) reconnaissent tous deux la notion de contrat préalable à la constitution en société. En particulier, ces dispositions tiennent compte du fait que lorsqu’un particulier conclut un contrat pour la formation d’une société, et lorsque cette société est formée par la suite et adopte un tel contrat, alors, lors de cette adoption, le particulier est libéré de ses responsabilités en vertu de celui-ci et la société est liée. Les dispositions de chacune des lois ont le même effet, bien que curieusement la loi de l’Ontario inclue spécifiquement les contrats écrits et les contrats oraux. Et pour faire bonne mesure, il convient de noter que d’autres lois provinciales similaires comprennent spécifiquement le libellé selon lequel une telle adoption peut être par « action ou conduite », ce qui suggère que l’adoption écrite formelle n’est pas nécessaire (ce qui est également, en common law, la position de l’Ontario « Voir Design Home Associates v. Raviv, 2004 CanLII 46690 (ON SC)).

Dans Pino Tutino Holdings Inc. v. 872935 Ontario Ltd., (1998) CanLII 3116 (ON CA), la Cour d’appel de l’Ontario a dit exactement ce que vous espérez qu’elle dise au sujet de l’objet de ces dispositions :

« L’obligation de remplacer les parties n’est peut-être pas immédiatement disponible, mais il est convenu qu’une fois qu’il sera en place et qu’il indiquera son intention d’adopter l’entente, les personnes de ce côté-ci de l’entente n’auront plus de responsabilité. Dans ces circonstances, on ne se fie pas à l’engagement de la personne, sauf dans l’intervalle. Il ne s’agit pas de la cession ou du remplacement d’un engagement par celui d’une nouvelle entité nécessitant un examen minutieux. C’est pourquoi une simple notification d’intention est tout ce qui est requis. {à la p. 14}

Donc, dans cet esprit, ce que l’avocat de l’acheteur a fait n’était pas, du moins en partie, entièrement offensant à première vue, et était conceptuellement possible en droit.

Mais y a-t-il un contrat?

Ou était-ce?

Le problème ne se pose pas avec l’idée qu’un particulier peut créer un contrat exécutoire pour une société à former plus tard, mais plutôt que ce particulier peut le faire « sans responsabilité personnelle » pendant la période intérimaire.

Si la jurisprudence avait pris fin avec le principe général énoncé dans l’arrêt Kelner ci-dessus, j’aurais été généralement satisfait de l’état de la common law sur ce point. Mais les choses ont mal tourné lorsqu’un tribunal australien dans l’affaire Black Smallwood ((1965-66), 117 C.L.R. 52) a distingué l’arrêt Kelner et a déclaré que le principe général qui y est énoncé est assujetti à la « question fondamentale » de savoir ce que les parties voulaient dire. Cela plaçait l’état des contrats antérieurs à la constitution en territoire dangereux, car la responsabilité de la partie contractante individuelle (le soi-disant « mandataire ») pouvait maintenant être mise en doute selon que les parties voulaient qu’elle soit responsable. Pour le mettre dans la langue vernaculaire, si l’individu n’est pas responsable et l’entreprise n’est pas responsable, alors qui est responsable?

C’est la question qui a été soumise à la Cour divisionnaire de l’Ontario dans l’affaire Westcom Radio Group Ltd. c. MacIsaac ((1989) 70 OR (2d) 591 (Div Ct)), et, à juste titre, la Cour a conclu que lorsque le contrat démontre une intention que la personne n’a jamais été liée, alors il n’y a jamais eu de contrat.

Cela dit, les motifs donnés par la Cour dans l’affaire Westcom Radio pour expliquer pourquoi il n’y a pas de contrat me donnent des brûlures d’estomac académiques. Leur train de pensée ressemblait à ceci : a) le paragraphe 21(1) de la LSAO imposerait normalement une responsabilité au particulier pour le contrat en attendant la création de la société; mais b) parce que la société n’a jamais été formée par le particulier, et parce que l’intention des parties était que ce soit la société qui serait responsable, il n’y avait pas de « contrat », elle étant nulle dès le départ.

En d’autres termes, la Cour a laissé place à l’idée qu’un particulier pouvait annuler le contrat (vraisemblablement ab initio) en ne formant pas la société, pour autant qu’il puisse démontrer que l’intention réelle des parties était que la société, et non le particulier, ne devait jamais être responsable en vertu de celui-ci.

Ainsi, dans mon cas, même si l’avocat de l’acheteur n’avait pas inclus les mots « sans responsabilité personnelle », il aurait peut-être quand même été possible pour cet acheteur de faire valoir par la suite que les parties n’ont jamais eu l’intention que la personne soit personnellement responsable en fonction du contrat. À la suite de Westcom Radio, l’idée est que les dispositions préalables à la constitution en société de l’OBCA et de la LCSA n’imposent pas de responsabilité à la personne lorsque l’intention démontrée qu’elle n’était pas responsable parce qu’il n’y a jamais eu de « contrat » créé pour que ces lois s’appliquent.

C’est la position que j’ai présentée à l’avocat de l’acheteur et, en fait, j’ai fait un pas de plus, car à mon avis, si l’acheteur individuel n’avait aucune responsabilité (comme il est indiqué dans son projet de document) mais qu’il pouvait quand même forcer la clôture de l’acquisition du bien, alors il m’avait peut-être présenté une « option d’achat » en faveur de son client.

La Cour d’appel de l’Ontario (1394918 Ontario Ltd. v. 1310210 Ontario Inc., 2002 CanLii 1996) a laissé entendre qu’il s’agissait de quelque chose d’aussi éthéré qu’un « contrat naissant ». Et si votre réaction gutturale à ce surnom est « un quoi? », alors vous et moi partageons une opinion. La Cour a donné la qualification réconfortante suivante de ce que les parties créent dans ces circonstances :

« Avant la constitution en société et l’adoption, le promoteur n’est pas personnellement lié ou n’a pas droit aux avantages du contrat. Il pourrait être décrit comme un fonctionnaire, s’exerçant des fonctions telles que s’assurer que toutes les inspections nécessaires des biens ou du titre sont poursuivies, que les délais sont respectés et que les manquements évités qui pourraient dispenser le tiers des obligations. En même temps, la société n’existe pas ou n’a pas adopté le contrat et n’est donc pas liée par celui-ci ou n’a pas droit à ses avantages. Il existe une entité appelée contrat en vertu de la loi, mais personne n’a le droit d’intenter des poursuites pour sa violation. Cela ne veut pas dire que les obligations permanentes peuvent être ignorées. Je dirais qu’il s’agit d’un contrat naissant, son caractère exécutoire étant suspendu.

Dans 1394918, la Cour a présenté une interprétation entièrement nouvelle à la table. Au lieu d’adopter la position selon laquelle un contrat sans deux parties responsables n’est pas un contrat comme il est nul dès le départ, comme l’a suggéré Westcom Radio, la Cour a 1394918 adopté la position qu’il existe en quelque sorte un contrat de création légale. Avec déférence, « foutaise ». Je préfère avaler l’idée que deux parties contractantes n’ont pas réussi à créer un contrat en ne tenant aucune partie responsable d’un ensemble de responsabilités, plutôt que de digérer la notion d’un contrat naissant suspendu.

Je ne crois pas aux fantômes.

Cession d’un contrat d’achat

En prenant un peu de recul par rapport à la question de la responsabilité, rappelons-nous le conflit initial que j’ai décrit, entre le libellé pré-incorporation et la disposition de cession. S’il n’y a pas de restriction, un particulier qui passe un contrat en fiducie pour la création d’une société peut utiliser ce mécanisme comme moyen de transférer librement le bénéfice du contrat d’achat. Il n’y a rien dans les lois sur les sociétés qui exige que le particulier soit l’actionnaire de la société ou qu’il ait un lien quelconque avec la société d’ailleurs. Ainsi, lorsque l'« entente commerciale » est que le vendeur exige le contrôle de l’acheteur à la clôture, il devra restreindre la propriété et le contrôle de la société de la même manière qu’il aurait restreint la cession contractuelle du contrat d’achat par l’acheteur. Une autre raison de ne pas favoriser ces dispositions préalables à la constitution en société.

Que faire?

Il n’est pas perdu pour moi qu’un bon nombre d’avocats, en particulier dans les transactions immobilières, conseillent à leurs clients individuels de signer des offres et des contrats d’achat en fiducie pour les entités corporatives qui seront formées à une date ultérieure. L’idée est qu’ils veulent s’assurer que leur acheteur client a la capacité de tirer parti d’une structure de propriété d’entreprise si l’opération va de l’avant.

Les lois sur les sociétés stipulent clairement que les contrats antérieurs à la constitution en société sont, dans le cours normal des choses, des contrats valides qui deviennent exécutoires pour la société une fois qu’elle est formée et qu’elle adopte le contrat. Et la common law est claire que cette adoption n’a pas besoin d’être formelle, et est (surtout) claire que jusqu’à ce qu’une telle adoption, la personne doit être liée personnellement.

Mais il persiste l’idée obscure que les parties peuvent, par des mots ou une conduite, prouver l’intention que la personne n’a jamais été personnellement responsable dans la période précédant la constitution en société, et ce n’est pas un risque avec lequel je suis à l’aise. Ce qui nous ramène au début. L’idée qu’un particulier signe une offre ou une entente « sans responsabilité personnelle » en fiducie pour la formation d’une société est offensante pour un vendeur. Et de façon plus générale, avec ou sans les mots « sans responsabilité personnelle », j’éviterais généralement, en tant qu’avocat du vendeur, d’accepter ce concept. La jurisprudence, même face aux dispositions législatives, ouvre la porte non seulement à un argument selon lequel la personne n’est pas responsable avant la constitution en société, mais (tout aussi offensante) qu’il n’y a pas de contrat.

Tous les besoins de l’acheteur à cet égard peuvent être réalisés par une clause de cession correctement rédigée dans laquelle l’acheteur est déclaré responsable et sera libéré, sauf pour des manquements, lors de la prise en charge du contrat par une société due par elle.

Au risque de répéter l’évidence, lorsque le contrat prévoit expressément que l’individu n’est pas responsable entre-temps, il n’y a pas de contrat.

Les conséquences des violations de la confidentialité, des fausses déclarations ou d’autres malversations pré-incorporation en vertu d’un « contrat naissant » (si une telle créature existe) par un individu sont incertaines. Assez incertain, j’oserais dire, pour éviter complètement cette pratique.

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