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La revendication de Ghomeshi fait face à des défis importants

30 octobre 2014

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Le congédiement controversé de l’ancien animateur de radio et personnalité de la CBC Jian Ghomeshi a attiré l’attention du public au cours des derniers jours pour de nombreuses raisons, dont la plupart n’ont rien à voir avec la loi. En ce qui concerne les questions juridiques découlant de la cessation d’emploi de M. Ghomeshi, celles-ci seront en grande partie tranchées dans le cadre d’un arbitrage de grief entre le syndicat de M. Ghomeshi et la SRC, dans lequel il demandera sa réintégration. Les questions juridiques les plus intéressantes, cependant, concernent la poursuite civile de 55 millions de dollars déposée par les avocats de M. Ghomeshi lundi, qui est susceptible de faire face à des défis importants.

La poursuite civile comprend trois réclamations : une réclamation de 25 millions de dollars pour abus de confiance découlant d’un prétendu privilège d’intérêt commun; une réclamation de 25 millions de dollars pour diffamation; et une réclamation pour 5 millions de dollars en dommages-intérêts punitifs. La plainte en diffamation ne occupe que quelques paragraphes de la déclaration. Dans ce document, M. Ghomeshi affirme que la déclaration publique de la SRC lorsqu’elle a mis fin à son emploi (que des « renseignements » avaient récemment été portés à son attention et qui « empêchaient » la SRC de poursuivre sa relation avec M. Ghomeshi) a créé des insinuations qui ont nui à sa réputation.

Plainte en diffamation

Pour que la plainte en diffamation puisse aller de l’avant, elle devra d’abord surmonter la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Weber c Ontario Hydro. Dans cette affaire, la Cour a statué que si le « caractère essentiel » d’un différend relève des droits d’un employé syndiqué en vertu d’une convention collective, le seul recours de l’employé est un arbitrage de grief en vertu de la convention collective. Aucune action civile distincte ne peut être intentée par l’employé contre l’employeur. Dans des affaires subséquentes, les tribunaux ont quelque peu assoupli cette règle pour permettre certaines poursuites en diffamation par des employés contre leur employeur lorsque le tribunal est convaincu que la déclaration faisant l’objet de la plainte allait au-delà de ce qui était requis pour que l’employeur gère la relation d’emploi. Il y a donc une certaine possibilité que la plainte en diffamation puisse être autorisée à aller de l’avant. Bien sûr, même dans cette éventualité, les avocats de M. Ghomeshi devront persuader le tribunal que la déclaration reprochée est diffamatoire, et non quelque chose qui est normal et acceptable pour un employeur de dire dans ces circonstances. Les dommages associés à la déclaration de la SRC peuvent également être remis en question compte tenu de l’auto-divulgation exhaustive du comportement dans la publication Facebook de M. Ghomeshi et des déclarations publiques subséquentes de tiers concernant le comportement de M. Ghomeshi.

Allégation d’abus de confiance

L’allégation d’abus de confiance et de privilège d’intérêt commun (qui occupe le reste de la déclaration de M. Ghomeshi) risque de faire l’objet de défis encore plus grands. Dans ce document, M. Ghomeshi allègue qu’il a fourni des renseignements aux dirigeants de la SRC au sujet de ses activités sexuelles personnelles en se fondant sur un « intérêt commun » qu’ils partageaient. L’intérêt commun allégué était d’empêcher la publication de ce que M. Ghomeshi prétend être de fausses allégations concernant ses activités sexuelles qu’il croyait être sur le point d’être faites par un ancien partenaire sexuel, ou de gérer la réponse à ces allégations si elles devenaient publiques. M. Ghomeshi allègue que la SRC a reçu les renseignements sur sa vie personnelle sur cette base et que lorsqu’elle s’est fiée à ces renseignements pour mettre fin à son emploi (comme M. Ghomeshi allègue qu’elle l’a fait), la SRC a commis un abus de confiance qui lui donne droit à des dommages-intérêts importants.

L’allégation d’abus de confiance et de privilège d’intérêt commun risque de faire face à encore plus de difficultés en vertu du critère de l’arrêt Weber que la plainte en diffamation, puisqu’elle semble, à première vue, être inextricablement liée à la gestion de la relation d’emploi entre M. Ghomeshi et la SRC, en vertu de la convention collective. Même si la revendication d’abus de confiance ou de privilège d’intérêt commun est en mesure de surmonter cet obstacle, d’autres contestations procédurales sont probables. Une allégation d’abus de confiance ou de privilège d’intérêt commun est très inhabituelle dans une affaire d’emploi. Cela étant, le tribunal devra se demander si, d’ordre public, la conduite d’un employeur dans la gestion d’une relation d’emploi (y compris la réception et l’évaluation de renseignements de l’employé et le recours à ces renseignements pour prendre des mesures disciplinaires ou congédier l’employé lorsque l’employeur estime que cela est justifié) devrait assujettir l’employeur à une réclamation pour abus de confiance ou privilège d’intérêt commun; en plus de la réclamation pour congédiement injustifié qu’un employé peut également faire dans ces circonstances.

À titre d’exemple, prenons le cas d’une plainte de harcèlement déposée par un employé contre un autre, où la loi exige que l’employeur mène une enquête raisonnable, notamment en informant la personne concernée des allégations qui ont été faites et des renseignements fournis à l’appui de ces allégations, et en lui donnant l’occasion de répondre aux allégations et de « donner sa version des faits ». Peut-on empêcher l’employeur de se fier à ces renseignements pour prendre des mesures disciplinaires ou congédier l’employé sur la base d’un « intérêt commun » perçu, et faire l’objet d’une demande de dommages-intérêts substantiels si elle porte atteinte à cette confiance, ou devrait-on rejeter l’allégation d’abus de confiance ou de privilège de l’intérêt commun au motif qu’elle soumet l’employeur à de multiples réclamations découlant des mêmes faits?

Le fait que les dommages-intérêts réclamés par M. Ghomeshi dans le cadre de la réclamation pour abus de confiance ou privilège de l’intérêt commun soient beaucoup, beaucoup plus importants que la réparation maximale qu’il pourrait espérer obtenir dans le cadre d’un arbitrage de grief, ou qu’un employé de common law pourrait espérer obtenir dans une poursuite pour congédiement injustifié, ne fait que souligner l’importance de cette question.

Pertinence pour les employeurs

Ce que l’histoire de Ghomeshi qui se déroule peut signifier pour les employeurs, c’est qu’ils devront être prêts pour les employés qui partent en conditions acrimonieuses pour copier la stratégie Ghomeshi dans un effort pour compléter leurs droits d’arbitrage, ou leur droit d’intenter une action en congédiement injustifié contre l’employeur. Dans ces circonstances, une réponse efficace de l’avocat de l’employeur est essentielle.

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