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Procédures accélérées devant le Tribunal de la concurrence du Canada

15 février 2019

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Écrit par Andrew D. Little and Emrys Davis

Des audiences accélérées sont maintenant disponibles pour les fusions contestées et d’autres affaires en droit de la concurrence, en raison des nouvelles procédures adoptées par le Tribunal de la concurrence du Canada.

Le Tribunal a publié deux nouvelles directives de pratique, l’une sur les procédures accélérées en vue d’une audience anticipée et l’autre s’appliquant à toutes les instances du Tribunal. Les nouvelles procédures exigent une enquête préalable simplifiée et une gestion plus active des cas par le Tribunal.

Processus d’audience accéléré

L’avènement d’un processus d’audience accéléré est en soi un développement important pour les affaires de droit de la concurrence au Canada. Bien qu’il soit principalement motivé par le désir de rendre des décisions plus rapides pour certaines questions de fusion, le processus accéléré est également disponible pour les pratiques révisables en vertu de la Loi sur la concurrence (comme l’abus de position dominante) et pour les violations présumées des dispositions de la Loi sur les pratiques commerciales trompeuses, comme la publicité trompeuse et les prix.

Les principaux points à retenir pour les affaires accélérées du Tribunal sont les suivants :

La Directive de pratique contient un certain nombre d’autres caractéristiques importantes pour le processus accéléré.

Pas seulement avec le consentement des deux parties : le Tribunal peut adopter un processus accéléré si le commissaire et le ou les intimés sont d’accord ou si l’une des parties en fait la demande. Si une seule partie le demande, la Directive de pratique établit une liste de facteurs dont le Tribunal tiendra compte pour décider de l’adopter ou non, dans les circonstances particulières de l’affaire, et d’assurer l’équité procédurale pour les deux parties.

Échange simultané d’éléments de preuve entendus : dans le cadre du nouveau processus accéléré, les parties échangeront simultanément des éléments de preuve en deux étapes. Premièrement, les parties échangeront les déclarations initiales des témoins, les listes de documents sur lesquels il faut se fier et les rapports d’experts; puis, environ 15 jours plus tard, les parties échangeront simultanément des éléments de preuve en réponse dans ces trois catégories. Pour les affaires non accélérées, les parties continueront d’échanger des éléments de preuve comme l’exigent les Règles du Tribunal de la concurrence, en trois étapes séquentielles : d’abord la cause du commissaire, puis la cause en réponse de l’intimé, puis la contre-preuve du commissaire (il continuera d’y avoir des variations d’horaire dans les cas de fusion si les parties à la fusion soulèvent une défense fondée sur l’efficience).

Plans d’enquête préalable : les parties doivent préparer et échanger des plans d’enquête préalable dans la semaine suivant la clôture des plaidoiries. Les plans d’enquête préalable, qui sont une caractéristique régulière des litiges civils, traitent des rouages du processus d’enquête préalable à l’audience. Les parties cherchent à s’entendre sur les principales questions en jeu, à identifier les dépositaires des documents et des données pertinents, à s’entendre sur le délai pour lequel les documents de chaque dépositaire doivent être recueillis et à désigner un représentant acceptable pour l’examen oral en vue de l’interrogatoire préalable.

Procédures d’enquête préalable simplifiées : un certain nombre de changements sont conçus pour rendre le processus d’enquête préalable plus ciblé et plus efficace, dans le but déclaré d’éliminer ou de réduire le nombre de motions associées à l’interrogatoire préalable de documents et de communications orales.

Le Tribunal a également indiqué que les parties « devront raisonnablement coopérer et convenir d’accélérer l’interrogatoire préalable et les étapes préalables à l’audience, ainsi que l’audience elle-même, y compris en ce qui concerne l’interrogatoire préalable, les interrogatoires préalables et la présentation de la preuve d’une manière qui pourrait simplifier l’audience ».

Gestion continue et active des cas : un membre judiciaire sera disponible à court préavis pour les conférences de gestion de l’instance et pourra rendre des décisions ponctuelles sur des questions d’enquête préalable orale.

Détermination et règlement précoces des questions : curieusement, la Directive de pratique indique que le Tribunal lui-même cernera et soulèvera de façon proactive les questions de procédure ou de fond en vue d’une éventuelle décision au début de l’instance accélérée, et qu’il les soulèvera lors de la première conférence de gestion de l’instance.

Procédures dans les affaires non accélérées

Le Tribunal a publié une directive de pratique distincte sur les échéanciers et l’établissement du rôle, qui confirme qu’il jouera un « rôle plus actif » dans la gestion des cas de toutes ses instances.

Le Tribunal a indiqué qu’il considère habituellement qu’un délai global de 10 à 16 mois, entre le dépôt de la demande du commissaire et le début de l’audience, est raisonnable dans une ordonnance d’établissement du rôle, avec des exceptions fondées sur le cas particulier.

Fait intéressant, le Tribunal a expressément reconnu que les délais minimaux prévus dans les Règles du Tribunal de la concurrence pour la remise des déclarations de témoins, les listes de documents sur lesquels on s’est appuyé et les rapports d’experts avant l’audience se sont « parfois avérés trop serrés » lorsque les requêtes sont déposées près de l’audience. Ainsi, le Tribunal a déclaré qu’il serait « généralement souhaitable que les parties et les conseils prévoient plus de temps que ce qui est actuellement prévu dans les Règles pour l’échange des causes des parties ».

Commentaire

Il y a un réel potentiel dans les nouvelles règles de procédure pour le Tribunal de la concurrence. Il est clair que le Tribunal est prêt, disposé et capable de traiter d’une procédure accélérée. La question qui se pose maintenant est de savoir si une partie saisira réellement l’occasion d’accélérer une affaire - qui aura l’audace d’être le premier? Et les parties seront-elles en mesure de faire en sorte que cela fonctionne?

Nous nous attendons à ce que certaines questions de marketing trompeur puissent être tranchées au moyen d’un processus accéléré, en particulier si le commissaire réduisait délibérément les questions en jeu dans chaque cas. C’est-à-dire que le commissaire pourrait intenter plus de causes avec moins de questions contestées ou de violations alléguées dans chacune d’elles. Les répondants à ces affaires plus restreintes peuvent être attirés par une décision plus rapide afin de minimiser les risques d’atteinte à la réputation, de prouver une défense de diligence raisonnable et peut-être de réduire les coûts dans certains cas.

Les questions de fusion sont une autre paire de manches. De nombreux facteurs influent sur la capacité des parties à la fusion de plaider devant le Tribunal en premier lieu, de la solidité des arguments du commissaire en faveur d’une injonction au bien-fondé de l’affaire, en passant par la disponibilité et le coût du financement pendant le litige. Une décision plus rapide sera elle-même attrayante, ce qui pourrait rapprocher les délais d’arbitrage au Canada des délais pour les procédures d’injonction aux États-Unis.

Toutefois, les parties à la fusion devront porter une attention particulière aux détails fournis dans toute communication avec le Bureau et dans les actes de procédure du commissaire, afin de s’assurer que le commissaire a clairement énoncé les motifs de préoccupation précis en vertu de l’article 92 de la Loi sur la concurrence. Pour le commissaire, la simplification du processus d’enquête préalable dans une affaire de fusion pourrait bien être acceptable en raison de la divulgation importante dans les documents requis et dans les réponses aux demandes de renseignements volontaires et à une demande officielle de renseignements supplémentaires. Des ressources suffisantes seront une préoccupation réelle pour le commissaire et l’avocat pour un processus de fusion accéléré, mais pas plus que les ressources nécessaires pour demander une injonction devant le Tribunal de suspendre temporairement la transaction proposée.

Il y aura des questions à régler. Certaines parties peuvent percevoir un compromis, entre une détermination plus rapide sur le fond, d’une part, mais une certaine compromis de leur droit à la pleine découverte d’autre part. Cette préoccupation et d’autres doivent être prises en compte dans chaque cas individuel.

Dans chaque affaire accélérée, le commissaire et le ou les intimés – ainsi que leurs avocats et experts respectifs – devront engager des ressources importantes pour s’assurer qu’une affaire est correctement plaidée dans le court laps de temps.

Pour de plus amples renseignements sur les instances du Tribunal et d’autres sujets liés au droit de la concurrence, veuillez communiquer avec Andrew Little au 416.777.4808 ou Emrys Davis au 416.777.6242.

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