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Déférence à l’égard des commissions de révision de l’évaluation foncière

08 novembre 2016

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La Cour suprême du Canada confirme que la norme de contrôle applicable à la décision raisonnable est la norme de contrôle

Écrit par Alexis Teasdale, Stephanie Clark and Russell Kruger

La norme de contrôle de la décision d’une commission composite de révision de l’évaluation foncière d’augmenter une cotisation d’impôt foncier est le caractère raisonnable, a récemment conclu la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Edmonton (City) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47 [Capilano]. La Cour a déclaré que la norme de contrôle d’une décision d’un tribunal administratif liée à la loi habilitante de ce tribunal est présumée être celle du caractère raisonnable. La présomption n’avait pas été réfutée en l’espèce, même si l’appel découlait d’un droit d’appel prévu par la loi avec une exigence d’autorisation. Appliquant cette norme, la Cour a également déterminé que la décision de la Commission d’augmenter l’évaluation foncière était raisonnable.

La question dans l’affaire Capilano s’est posée lorsque Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd. (la « Société ») a déposé une plainte qui a été entendue par une commission composite d’examen de l’évaluation foncière (la « Commission ») concernant l’évaluation foncière de son centre commercial en 2011. Le centre commercial a d’abord été évalué à 31 millions de dollars, et la Société a demandé une réduction à 22 millions de dollars. Au cours de l’audition de la plainte, la Ville d’Edmonton a relevé une erreur dans son évaluation et a demandé à la Commission d’augmenter l’évaluation à 45 millions de dollars. En fin de compte, le Conseil a porté la cotisation à 41 millions de dollars. La compagnie a interjeté appel de la décision de la Commission au motif que la norme de contrôle sur une question d’interprétation de la Municipal Government Act, RSA 2000, c M-26 [MGA] par la Commission devait être celle de la décision correcte, et que la Commission n’avait pas compétence pour augmenter l’évaluation foncière après qu’un propriétaire a déposé une plainte.

Norme de contrôle

La Cour a rejeté les arguments de la compagnie selon lesquels la norme de la décision correcte devrait s’appliquer sur cette question.

La Cour a commencé par maintenir le cadre pour déterminer la norme de contrôle énoncée dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]. Le cadre Densmuir est enraciné dans le principe de déférence; les tribunaux devraient respecter le choix de la législature d’accorder aux tribunaux administratifs la responsabilité de certaines questions.

Selon le cadre de l’affaire Dunsmuir, une question mettant en cause l’interprétation par un organisme administratif de sa loi habilitante est présumée pouvoir faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Les exceptions à cette présomption comprennent les cas où la jurisprudence a déjà établi la norme de contrôle applicable et quatre catégories distinctes d’appel qui exigent une norme de la décision correcte. La présomption peut être renversée si des facteurs contextuels indiquent une intention du législateur d’établir une norme de la décision correcte.

L’une des catégories de la décision correcte est celle des « véritables questions de compétence ou de vires » (Capilano, par. 24). La Cour a toutefois déterminé que la question de la compétence de la Commission d’augmenter une cotisation n’était pas une véritable question de compétence ; il s’agissait plutôt d’une question d’interprétation des pouvoirs de la Commission énoncés dans la LGA. La Cour a noté ce qui suit :

Il est clair ici que la Commission peut entendre une plainte au sujet d’une évaluation municipale. Il s’agit simplement d’interpréter la loi constitutive de la Commission dans le cadre de l’exécution de son mandat d’audition et de décision sur les plaintes en matière d’évaluation.

La Cour a également rejeté l’argument selon lequel les questions qui se posent au sujet d’un droit d’appel prévu par la loi avec une exigence d’autorisation constituent une nouvelle catégorie de questions pouvant faire l’affaire selon la norme de la décision correcte. Dans plusieurs décisions récentes, la Cour suprême avait examiné des questions découlant d’un droit d’appel prévu par la loi selon la norme de la décision raisonnable.

Enfin, la Cour a rejeté l’argument de la compagnie selon lequel des facteurs contextuels appuyaient l’intention du législateur d’établir une norme de la décision correcte. La Cour a conclu que l’analyse contextuelle n’était pas nécessaire en raison de l’existence d’une jurisprudence solide à l’appui d’une norme de la décision raisonnable. La Cour a mis en garde contre l’exercice d’une analyse contextuelle pour déterminer la norme de contrôle, car cela peut générer de l’incertitude et de nombreux litiges à ce sujet.

Par conséquent, lorsqu’un tribunal examine une question découlant de la modification apportée par la Commission (y compris une augmentation) à une évaluation, comme dans l’affaire Capilano, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

Compétence de la Commission en matière d’augmentation

En se fondant sur la norme de contrôle, la Cour a déterminé qu’il était raisonnable pour la Commission d’augmenter l’évaluation foncière.

Premièrement, la Cour a rejeté l’argument de la société selon lequel la décision du conseil d’administration d’augmenter l’évaluation était déraisonnable parce que le conseil d’administration n’avait pas donné de motifs. La décision de la Cour était fondée sur le fait que la Société n’avait pas contesté l’augmentation au cours des procédures du conseil d’administration, ce qui rendait l’absence de motifs sans surprise. La Cour a plutôt évalué le caractère raisonnable de la décision en se fondant sur les motifs que la Commission aurait pu donner.

La Cour a conclu que la Commission avait le pouvoir d’augmenter une cotisation fondée sur le sens ordinaire du paragraphe 467(1) de la LGD :

467(1) La commission de révision de l’évaluation foncière peut [...] apporter une modification à un rôle d’évaluation ou à un rôle d’imposition ou décider qu’aucun changement n’est nécessaire.

La Cour a conclu que le « changement » était suffisamment large pour inclure une augmentation.

La Cour a également rejeté l’argument de la compagnie selon lequel, puisque le paragraphe 460(3) de la LGG ne permet pas à une municipalité de déposer une plainte auprès de la Commission, le législateur voulait que les municipalités n’aient pas le pouvoir d’augmenter une évaluation. La Cour a conclu que cela n’était pas appuyé par le régime de la MGA, fondé en particulier sur la capacité d’une municipalité de corriger les erreurs énoncées aux paragraphes 305(1) et (5). Compte tenu du régime législatif dans son ensemble, la Cour a déterminé qu’il était raisonnable pour la Commission d’augmenter une évaluation foncière au cours d’une procédure de plainte.

Les juges dissidents dans cette division de 5-4 n’étaient pas d’accord avec la majorité sur les deux points, dans une décision longue et bien motivée. Selon la norme de contrôle, ils ont conclu que, pris ensemble, le régime législatif et le manque d’expertise relative de la Commission dans l’interprétation de la loi ont mené à la conclusion que le législateur voulait que les décisions de la Commission sur des questions de droit ou de compétence portées en appel devant la Cour du Banc de la Reine soient examinées selon la norme de la décision correcte. Ils ont conclu que même s’il y avait une présomption de déférence dans les circonstances, la présomption était réfutée par des signaux clairs d’intention du législateur. Sur le fond, selon la norme de contrôle de la décision correcte, la dissidence aurait renversé l’augmentation de l’évaluation foncière parce qu’elle dépassait la portée de la plainte que la Commission se prostiait.

La décision d’établir la norme de contrôle comme étant le caractère raisonnable en l’espèce est la plus récente d’une longue série de décisions portant sur l’application des principes de déférence à l’interprétation par un tribunal administratif de sa loi constitutive. La décision de la Cour témoigne du respect de la décision du législateur de déléguer certaines tâches décisionnelles aux conseils d’administration et de l’idée qu’une présomption de déférence servira à favoriser l’accès à la justice, à réduire les coûts et à accroître l’efficacité.

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