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Les prêts DIP et le taux d’intérêt criminel

26 mai 2022

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Écrit par Denise D. Bright, David E. Gruber, Preet K. Gill and Amy Yun

Dans Port Capital (EV) Inc. (Re), 2022 BCSC 370,1 , la Cour suprême de la Colombie-Britannique a récemment refusé d’accorder une déclaration selon laquelle le taux d’intérêt et les frais facturés dans le cadre d’un prêt de débiteur-non-possession (DIP) n’enfreignaient pas l’article 347 de la Code criminel. La décision souligne que les prêteurs DIP, en particulier ceux qui participent à la transaction de prêts à court terme, devraient faire preuve de diligence pour s’assurer que les intérêts et autres frais payables associés à un prêt ne déclenchent pas le seuil criminel, car un tribunal ne fournira pas de réconfort préventif à cet égard.

Le taux d’intérêt criminel

L’article 347 du Code criminel ériment en fait une infraction pour un prêteur de conclure une entente, ou de recevoir un paiement d’intérêts, avec un taux d’intérêt annuel effectif supérieur à 60 %. Les intérêts, aux fins du Code criminel, comprennent tous les frais payables par le débiteur pour recevoir le prêt, peu importe la façon dont les parties ont caractérisé ces frais. Bien qu’elle ait eu pour but à l’origine de dissuader les usuriers, la portée de cette disposition a fourni aux emprunteurs une base pour attaquer les paiements dus dans le cadre d’accords de prêt commercial. Il convient de noter que certains prêteurs sur salaire sont exemptés en vertu de l’article 347.1 des dispositions du Code criminel et réglementés par les provinces.

Demande de prêts DIP

Le financement DIP décrit une situation où une société insolvable (c.-à-d. le débiteur) reste en possession de ses affaires dans un processus de restructuration et reçoit un financement supplémentaire d’un créancier actuel ou d’un tiers. Le risque de prêter à une société insolvable permet souvent aux prêteurs DIP d’imposer des frais et des taux d’intérêt plus élevés. Par conséquent, les frais accessoires et autres coûts d’emprunt payables par les débiteurs peuvent, en théorie, faire en sorte que le taux d’intérêt ultime, imposé ou payé, franchisse par inadvertance le seuil d’intérêt criminel.

La décision dans l’affaire Port Capital

La préoccupation à l’égard d’un tel risque est corroborée par la demande de jugement déclaratoire à Port Capital. Port Capital, propriétaire d’un projet de développement immobilier, a entamé des procédures d’insolvabilité en vertu de la LACC en mai 2020. Elle a par la suite présenté une demande d’augmentation du montant de son prêt DIP auprès de son prêteur, Domain Mortgage Corp. Le financement supplémentaire a été approuvé par le juge Fitzpatrick, malgré ses conditions « onéreuses ». Dans le cadre de cette demande, Port Capital a également demandé un jugement déclaratoire selon lequel les modalités du prêt supplémentaire ne contrevient pas au taux d’intérêt criminel prévu à l’article 347 du Code criminel. Le prêt portait un taux d’intérêt de 24 pour cent et nécessitait le paiement de divers frais de service de prêt, frais de courtier hypothécaire et frais de collecte de fonds. Le prêteur a fourni une feuille de calcul démontrant que le « total des intérêts annualisés » était de 52,45 %. Le montant avancé et la durée finale du prêt peuvent avoir une incidence sur le calcul du taux d’intérêt effectif reçu.

Toutefois, le juge Fitzpatrick a refusé d’accorder le jugement déclaratoire pour deux motifs :

  1. Premièrement, étant donné qu’il n’avait pas encore été donné suite au prêt et que la question de savoir quel taux d’intérêt se poserait était en grande partie spéculative, le jugement déclaratoire demandé était « à l’égard de ce qui est potentiellement une question théorique ou un scénario qui est spéculatif ».
  2. Deuxièmement, la Cour a reconnu que les parties auraient obtenu des conseils juridiques substantiels sur cette question et s’est intéressée à la question de savoir si le financement dépasse le taux d’intérêt criminel. Bien qu’il s’agisse d’une ligne de conduite attendue et prudente, « il n’appartient pas à notre Cour d’appuyer les avis juridiques d’acteurs corporatifs qui ont l’intention d’agir d’une certaine manière dans le monde des affaires ».

Implications pour les prêteurs commerciaux

Port Capital souligne l’importance pour les prêteurs corporatifs d’exercer une diligence lorsque les intérêts et autres frais en vertu d’un prêt pourraient approcher le seuil d’intérêt criminel de 60 %. Bien que les procédures en vertu de la LACC soient supervisées par les tribunaux et qu’elles contiennent donc souvent un certain confort inhérent pour les parties concernées, car les transactions sont approuvées par les tribunaux, cette décision souligne que les prêteurs DIP ne pourront pas se fier à ce confort en ce qui concerne la question de l’imposition ou de la réception d’un taux d’intérêt criminel. D’après ses propres calculs, les nombreux frais sur le prêt DIP de Port Capital ont finalement augmenté un taux d’intérêt annualisé de 52,45 %, soit une augmentation de 28,45 % par rapport au taux spécifié de 24 %. Afin d’éviter que les prêts DIP ne dépassent par inadvertance le seuil d’intérêt criminel, il est important que les parties envisagent d’inclure les coûts et les frais en dehors du taux d’intérêt indiqué dans le calcul des intérêts aux fins de l’article 347 du Code criminel.


1 Bennett Jones S.E.N.C.R.L., s.r.l. a agi à titre de conseiller juridique des requérants, Port Capital Development (EV) Inc. et Evergreen House Development Limited Partnership.

 

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